Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 27 février 1996
Rejet
N° de pourvoi 94-13.901
Inédit
Président M. BEZARD
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la Société nouvelle DPM, société à responsabilité limitée, dont le siège est Periers-en-Auge, en cassation d'un arrêt rendu le 8 février 1994 par la cour d'appel de Reims (audience solennelle), au profit de M. Claude ..., demeurant Vendin-le-Vieil, défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 16 janvier 1996, où étaient présents M. Bézard, président, M. Gomez, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. de Gouttes, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Gomez, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la Société nouvelle DPM, les conclusions de M. de Gouttes, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation, (Reims, 8 février 1994), que M. ... s'est approvisionné en cassettes pour magnétoscopes auprès de la société DPM par un contrat de location avec option d'achat ;
qu'il en a demandé l'annulation en faisant valoir que la pratique habituelle des opérations de crédit-bail est réservée aux établissements de crédit, qualité que n'a pas son cocontractant ;
Sur le premier moyen
Attendu que la société DPM fait grief à l'arrêt d'avoir qualifié de crédit-bail le contrat alors, selon le pourvoi, que le contrat de crédit-bail suppose que le bien ait été acheté en vue d'être donné en location au crédit-preneur ;
qu'en l'espèce, faute d'avoir vérifié qu'elle avait acheté les films vidéo-cassettes dans le but de les louer à son cocontractant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er de la loi du 2 juillet 1966 ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions que la société DPM ait soutenu devant les juges du fond que les cassettes remises à M. ... n'avaient pas été acquises en vue de la location ;
d'où il suit que le moyen mélangé de fait et de droit est nouveau et irrecevable ;
Et sur le second moyen pris en ses deux branches
Attendu que la société DPM fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'annulation du contrat et de l'avoir condamnée à restituer à M. ... la totalité des sommes versées en exécution de la convention et des traites alors, selon le pourvoi, d'une part, que le fait pour une personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer à titre habituel des opérations de crédit-bail en infraction avec la réglementation bancaire ne caractérise nullement un défaut de capacité, ni la défaillance d'aucune autre condition de formation du contrat, mais la méconnaissance d'une législation d'ordre public ;
qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 1108 et 1123 du Code civil ;
et alors, d'autre part, qu'en cas d 'annulation d'un contrat à exécution successive, les parties ne peuvent être replacées dans leur situation antérieure par le simple jeu des restitutions réciproques mais doivent être indemnisées des peines et charges directement liées à l'exécution du contrat annulé ainsi que des conséquences des fautes commises par l'une au préjudice de l'autre ;
qu'en l'espèce, elle faisait valoir qu'elle était fondée à réclamer le paiement d'une indemnité d'utilisation correspondant au montant contractuellement fixé pour la location eu égard au fait que le preneur avait indûment conservé les cassettes vidéo données en location et qu'il avait fallu l'intervention d'un huissier de justice pour en obtenir la restitution ;
qu'en délaissant ces conclusions, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir constaté que la société DPM n'avait pas la qualité d'un établissement de crédit, la cour d'appel a pu décider que le contrat conclu en infraction à la réglementation était nul ;
que par ce motif de pur droit substitué au motif justement critiqué, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel après avoir constaté la nullité de la convention litigieuse a répondu en les rejetant aux conclusions invoquées en décidant que la société DPM devait restituer les sommes indûment perçues et les traites détenues ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut pas être accueilli dans sa première branche, n'est pas fondé dans sa seconde branche ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Attendu que la société DPM demande l'allocation de la somme de douze mille francs par application de ce texte ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
REJETTE la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la Société nouvelle DPM, envers M. ..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-sept février mil neuf cent quatre-vingt-seize.