Jurisprudence : CE 1/2 SSR., 26-02-2003, n° 237297

ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT


CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux


N° 237297

M. DAVEZE

M. Eoche-Duval, Rapporteur
Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement

Séance du 29 janvier 2003
Lecture du 26 février 2003

Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 1ère sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 août et 14 décembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Luc DAVEZE, demeurant 16, avenue Clair Matin à Saint-Laurent-de-Mure (69720) ; M. DAVEZE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 20 novembre 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa demande tendant 1°) à l'annulation du jugement du 10 juillet 1996 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 28 avril 1994 l'excluant du revenu de remplacement, d'autre part, de la décision du 8 juin 1994 par laquelle le préfet du Rhône a retiré la décision du 10 septembre 1993 lui accordant le bénéfice d'une aide à la création d'entreprise, 2°) à l'annulation desdites décisions ;

Vu les autres pièces du dossier;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ainsi que son premier protocole additionnel ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative;

Après avoir entendu en séance publique

- le rapport de M. Eoche-Duval, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. DAVEZE,

- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. DAVEZE a contesté devant le tribunal administratif de Lyon, d'une part, la décision du 28 avril 1994 par laquelle le préfet du Rhône l'a exclu, à compter du 15 avril 1992, du bénéfice du revenu de remplacement prévu à l'article L. 351-1 du code du travail, et; d'autre part, la décision en date du 8 juin 1994 par laquelle le même préfet lui a retiré, par voie de conséquence de la décision précédente, le bénéfice de l'aide à la création d'entreprise prévue à l'article L. 351-24 de ce code qui lui avait été accordée par une décision du 10 septembre 1993 ; que M. DAVEZE se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qui a confirmé le jugement du tribunal administratif rejetant ces deux demandes ;

Sur la régularité de l'arrêt attaqué

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le signataire des deux décisions litigieuses des 28 avril 1994 et 8 juin 1994 n'aurait pas été compétent pour signer ces décisions ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait entaché son arrêt d'une erreur de droit en omettant de soulever d'office le moyen tiré de l'incompétence du signataire desdites décisions doit être écarté ;

Considérant que la cour administrative d'appel a indiqué les raisons pour lesquelles elle estimait que la communication de son dossier à M. DAVEZE n'était pas nécessaire à la solution du litige devant les premiers juges; que, par suite, M. DAVEZE n'est pas fondé à soutenir que la cour n'aurait pas répondu à son moyen tiré de ce que le tribunal administratif, en refusant de prescrire la communication de ce dossier, aurait méconnu le principe du caractère contradictoire de l'instruction ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision du 28 avril 1994

Considérant qu'en vertu de l'article R. 351-33 du code du travail, dans le cas où le contrôle conduit à constater qu'un travailleur ne peut légalement bénéficier du revenu de remplacement prévu en cas de privation involontaire d'emploi, le préfet peut l'exclure temporairement ou définitivement du bénéfice de ce revenu; qu'en vertu de l'article R. 351-34 du même code, le travailleur intéressé doit, s'il entend contester une telle décision, former un recours gracieux devant le préfet avant de saisir le juge de l'excès de pouvoir, à peine d'irrecevabilité de sa demande contentieuse ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'obligation du recours administratif prévu à l'article R. 351-34 du code du travail n'a pas été mentionnée dans la notification intervenue le 25 avril 1995 de la décision du 28 avril 1994 excluant M. DAVEZE, sur le fondement de l'article 8.351-33, du bénéfice du revenu de remplacement, si elle empêchait que cette notification fit courir le délai du recours contentieux, est sans incidence sur l'irrecevabilité de la demande présentée directement devant le juge de l'excès de pouvoir, qui résulte des dispositions précitées du code du travail, et qui ne constitue pas une atteinte au droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti tant par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que, en ce qui concerne plus particulièrement le droit au respect des biens, par les stipulations combinées de l'article 13 de cette convention et de l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention; qu'ainsi, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit au regard de ces stipulations en estimant que les conclusions dirigées contre la décision du 28 avril 1994 étaient, faute d'avoir été précédées du recours gracieux obligatoire devant le préfet, irrecevables ;

Considérant, en second lieu, que ni la circonstance, invoquée par le requérant, que la décision attaquée aurait été entachée d'une incompétence manifeste, ni celle que l'administration s'est défendue sur le fond sans invoquer l'irrecevabilité du recours à titre principal, ne faisaient obstacle à ce que la cour administrative d'appel opposât l'irrecevabilité mentionnée ci-dessus;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision du 8 Juin 1994

Considérant, en premier lieu, que la cour administrative d'appel, en estimant, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que M. DAVEZE avait reçu notification de la décision du 10 septembre 1993 par laquelle il lui avait été accordé l'aide à la création d'entreprise retirée par la décision attaquée, n'a pas entaché son arrêt de dénaturation ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'à l'appui de sa requête devant la cour administrative d'appel, M. DAVEZE se bornait à soutenir qu'il n'avait pas exercé d'activité professionnelle après le 15 avril 1992 ; que la cour, après avoir rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre la décision du 28 avril 1994, a relevé, en ce qui concerne la seconde décision attaquée, que l'intéressé n'avait pas, lors de sa demande d'aide à la création d'entreprise, déclaré à l'administration l'exercice d'une activité pour le compte de l'entreprise Novotec ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en écartant le moyen de M. DAVEZE sans vérifier au préalable la légalité de la décision du 28 avril 1994, ne peut être accueilli ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'article L. 351-24 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, que seuls les bénéficiaires d'un des revenus de remplacement réservés aux travailleurs privés d'emploi à la recherche d'un travail sont susceptibles d'obtenir une aide à la création d'entreprise ; qu'ainsi, en retenant que l'absence d'activité était une condition d'octroi de l'aide à la création d'entreprise, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, enfin, qu'en estimant que M. DAVEZE avait exercé après le 15 avril 1992 une activité pour le compte de la société Novotec, la cour administrative d'appel s'est livrée à une appréciation souveraine des faits qui, dès lors qu'elle est exempte de dénaturation, ne peut être discutée devant le juge de cassation;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. DAVEZE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel en date du 20 novembre 2000 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction

Considérant que la présente décision qui rejette la requête de M. DAVEZE n'appelle aucune mesure d'exécution; que, dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de lui verser la somme correspondant à l'aide qui lui avait été accordée par la décision du 10 septembre 1993 ne peuvent qu'être rejetées;

DECIDE:

Article 1er : La requête de M. DAVEZE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Luc DAVEZE et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

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