Jurisprudence : Cass. soc., 27-11-2024, n° 22-13.694, FS-B, Cassation

Cass. soc., 27-11-2024, n° 22-13.694, FS-B, Cassation

A25716KG

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2024:SO01231

Identifiant Legifrance : JURITEXT000050704208

Référence

Cass. soc., 27-11-2024, n° 22-13.694, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/113162705-cass-soc-27112024-n-2213694-fsb-cassation
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Abstract

Lorsque le salarié a atteint, au moment de son engagement, l'âge permettant à l'employeur de le mettre à la retraite sans son accord en application de l'article L. 1237-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, son âge ne peut constituer un motif permettant à l'employeur de mettre fin au contrat de travail. En conséquence, viole ce texte la cour d'appel qui dit que la mise à la retraite d'office d'un salarié s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif qu'à la date de la conclusion de son contrat de travail celui-ci avait atteint l'âge lui permettant de prendre sa retraite, ainsi que le nombre maximum de trimestres de cotisations alors applicable, alors qu'il ressortait de ses constatations que le salarié n'avait pas atteint, au moment de son engagement, l'âge de 70 ans permettant à l'employeur de le mettre à la retraite d'office


SOC.

ZB1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 novembre 2024


Cassation partielle


M. SOMMER, président


Arrêt n° 1231 FS-B

Pourvoi n° Q 22-13.694


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 NOVEMBRE 2024


L'association [Localité 4] innovation Sud développement, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 22-13.694 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2022 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [Aa] [T], domicilié [… …], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de l'association [Localité 4] innovation Sud développement, de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. [T], et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 octobre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Ab, Sommé, Bouvier, Bérard, M. Dieu, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 janvier 2022), M. [T], né le [Date naissance 1] 1946, a été engagé, le 1er février 2000, en qualité de délégué général par l'association [Localité 4] innovation Sud développement (l'association). Le 1er octobre 2009, il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite.

2. Le 5 octobre 2009, les parties ont conclu un contrat à durée déterminée dont le terme était fixé au 30 septembre 2011, le salarié étant engagé à temps partiel, en qualité de directeur affecté à des missions précisées au contrat.

3. Le 2 mai 2013, les parties ont signé un avenant, rappelant que le contrat de travail à durée déterminée, s'étant poursuivi au-delà de son terme, s'était transformé en contrat de travail à durée indéterminée.

4. Le 20 janvier 2016, l'association a convoqué le salarié en vue d'un entretien fixé au 28 janvier, exposant qu'elle envisageait sa mise à la retraite. Par lettre du 5 février 2016, elle lui a notifié sa mise à la retraite en application des articles L. 1237-5 et L. 1237-5-1 du code du travail🏛🏛.

5. Le 30 mars 2017, contestant sa mise à la retraite d'office et sollicitant qu'elle soit analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre le paiement de diverses sommes, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.


Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. L'association fait grief à l'arrêt de dire que la mise à la retraite du salarié le 5 février 2016 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la condamner, en conséquence, à payer au salarié certaines sommes au titre de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors « que lorsque le salarié avait atteint, au moment de son engagement, l'âge permettant à l'employeur de le mettre à la retraite, sans son accord, en application de l'article L. 1237-5 du code du travail, son âge ne peut constituer un motif permettant à l'employeur de mettre fin au contrat de travail ; que pour requalifier la mise à la retraite d'office du salarié à l'âge de 70 ans en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a jugé qu' ''à la date de conclusion de son contrat de travail à durée déterminée, soit le 8 octobre 2009, M. [T], né le [Date naissance 1] 1946, avait atteint l'âge lui permettant alors de prendre sa retraite, soit 60 ans, ainsi que le nombre maximum de trimestres de cotisations alors applicable, soit 156'' ; qu'en se fondant ainsi, au jour de l'engagement de M. [T] par l'association, sur l'âge légal de départ à la retraite du salarié (60 ans) au lieu et place de l'âge permettant à l'employeur de le mettre d'office à la retraite (70 ans), alors qu'il ressortait de ses constatations que M. [T] avait été engagé par l'association à l'âge de 63 ans, ce dont il résultait que sa mise à la retraite d'office à l'âge de 70 ans était légale, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-5, dernier alinéa, du code du travail. »


Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

7. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il fait valoir que l'association soutient pour la première fois, devant la Cour de cassation, que la prohibition d'une mise à la retraite d'office par l'employeur ne concernerait que l'hypothèse où le salarié a déjà atteint, à la date de son embauche, l'âge de 70 ans.

8. Cependant, dans ses conclusions d'appel, l'employeur faisait valoir qu'à partir de 70 ans, la mise à la retraite d'office est possible, que l'employeur a dès lors toute liberté pour prononcer la mise à la retraite d'un salarié ayant au moins 70 ans, sans avoir à solliciter le salarié sur ses intentions, que la jurisprudence admet par ailleurs la légalité de la procédure de mise à la retraite d'un salarié qui, au moment de son embauche, était déjà titulaire d'une pension de vieillesse à taux plein, que le salarié, lors de la signature du contrat à durée déterminée le 5 octobre 2009 était âgé de 63 ans, et quand bien même il avait liquidé ses droits à la retraite le 1er octobre 2009, l'employeur était fondé à prononcer sa mise à la retraite conformément aux arrêts de la Cour de cassation.

9. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 1237-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008🏛 :

10. Lorsque le salarié a atteint, au moment de son engagement, l'âge permettant à l'employeur de le mettre à la retraite sans son accord en application de l'article L. 1237-5 du code du travail, son âge ne peut constituer un motif permettant à l'employeur de mettre fin au contrat de travail.

11. Pour dire que la mise à la retraite d'office s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner, en conséquence, l'association à payer au salarié certaines sommes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement abusif, l'arrêt retient qu'en l'espèce, à la date de la conclusion de son contrat de travail à durée déterminée, soit le 5 octobre 2009, le salarié, né le [Date naissance 1] 1946, avait atteint l'âge lui permettant alors de prendre sa retraite, soit 60 ans, ainsi que le nombre maximum de trimestres de cotisations alors applicable, soit 156, et que l'association ne peut valablement soutenir qu'il y aurait lieu, a posteriori, de retenir un autre âge légal, résultant des différentes réformes successives des régimes de retraite intervenues depuis lors et ayant repoussé l'âge légal de départ en retraite, réformes qui, à la date à laquelle le contrat de travail à durée déterminée a été conclu, n'étaient encore ni effectives ni applicables.

12. En statuant ainsi, par des motifs erronés tenant à l'âge auquel le salarié est en droit de faire valoir ses droits à la retraite s'il le souhaite, alors qu'il ressortait de ses constatations que le salarié avait été engagé tandis qu'il était âgé de 63 ans, ce dont il résultait qu'il n'avait pas atteint, au moment de son engagement le 5 octobre 2009, l'âge de 70 ans permettant à l'employeur de le mettre à la retraite d'office en application des dispositions de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 entrée en vigueur le 19 décembre 2008, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation des chefs de dispositif disant que la mise à la retraite du salarié le 5 février 2016 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnant l'association à verser au salarié des sommes au titre de l'indemnité de licenciement, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt condamnant l'association aux dépens, justifié par une autre condamnation non remise en cause.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen,
la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la mise à la retraite de M. [T] le 5 février 2016 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il condamne l'association [Localité 4] innovation Sud développement à payer à M. [T] les sommes de 102 039,34 euros au titre de l'indemnité de licenciement, déduction faite de la somme perçue au titre de l'indemnité de retraite, 34 482 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 3 448,20 euros bruts au titre des congés payés afférents et 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, l'arrêt rendu le 19 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne M. [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.

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