CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 18 février 2003
Cassation partielle
M. LEMONTEY, président
Pourvoi n° J 99-12.203
Arrêt n° 220 F D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la compagnie ICS assurances, dont le siège est Levallois-Perret, à ce jour liquidée de plein droit, M. Jacques Y, mandataire liquidateur, demeurant Nanterre, reprenant l'instance,
en cassation d'un arrêt rendu le 4 janvier 1999 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), au profit
1°/ de M. Yves X,
2°/ de Mme Chantal XW XW, épouse XW,
demeurant Avignon,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 janvier 2003, où étaient présents M. Lemontey, président, M. Pluyette, conseiller rapporteur, M. Bouscharain, conseiller, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Pluyette, conseiller, les observations de Me de Nervo, avocat de M. Y, liquidateur de la compagnie ICS assurances, de la SCP Tiffreau, avocat des époux X, les conclusions écrites de Mme Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à M. Y, mandataire liquidateur de la société ICS assurances, de sa reprise d'instance ;
Attendu qu'ayant subi des désordres provenant de l'installation d'un système de chauffage de serres agricoles, les époux X ont obtenu, et accepté, de la compagnie Sprinks assurances, assureur dommages-ouvrage, une indemnité qui a permis de mettre en oeuvre les mesures d'urgences pour sauver l'exploitation des serres ; que les travaux s'étant révélés insuffisants, ils ont fait une nouvelle déclaration de sinistre ; que l'assureur a refusé de le prendre en charge en estimant qu'il ne relevait plus de l'assurance dommages-ouvrage ; qu'au vu d'une nouvelle expertise, l'arrêt attaqué a condamné la compagnie Sprinks assurance, devenue ICS, à leur payer la somme de 6 635 000 francs correspondant aux travaux préconisés par l'expert ainsi que celle de 6 028 000 francs en réparation des dommages immatériels relatifs aux préjudices d'ordre cultural et végétal ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches
Attendu que la compagnie Sprinks assurance fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer la première somme de 6 635 000 francs alors, selon le moyen
1°/ qu'ayant constaté que les désordres litigieux n'étaient pas des désordres nouveaux par rapport à ceux déjà indemnisés, la cour d'appel ne pouvait pas accorder une nouvelle indemnité, remettant ainsi en cause l'accord des parties, sans violer l'article A 243-1 du Code des assurances et l'article 1134 du Code civil ;
2°/ qu'en affirmant que ces désordres relevaient "sans discussion possible" de la garantie décennale sans s'expliquer, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'accord des parties avait porté, en raison de la gravité de la situation, sur la mise en oeuvre de mesures d'urgences, que le second expert avait constaté que des travaux nécessaires n'avaient pas pu être réalisés en raison de l'indemnité insuffisante versée par l'assureur et que les désordres actuels, qui n'étaient donc que la suite des désordres d'origine et non des désordres nouveaux, relevaient de la garantie décennale, c'est sans violer les textes susvisés et en se référant aux constatations de l'expert, que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait, faisant application du principe indemnitaire de l'article L. 121-1 du Code des assurances ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur le second moyen, pris en sa première branche
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner la compagnie d'assurance à payer la somme de 6 028 000 francs en réparation des dommages immatériels, l'arrêt énonce que si "cette compagnie a versé aux époux X des indemnités au titre de la garantie dommage-ouvrage, les travaux réalisés selon les préconisations des experts de la compagnie se sont révélés insuffisants si bien que les préjudices dont se plaignent les époux X résultent de la responsabilité directe de cet assureur" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans préciser sur quel fondement et en quoi la compagnie Sprinks assurances avait engagé sa responsabilité, alors qu'elle ne pouvait pas être tenue, au titre de la garantie concernée, de couvrir les dommages immatériels, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la compagnie Sprinks assurances à payer la somme de 6 028 000 francs aux époux X, l'arrêt rendu le 4 janvier 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne les époux X aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux X ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille trois.