COMM.
SH
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 novembre 2024
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 690 F-B
Pourvoi n° H 23-19.924
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 NOVEMBRE 2024
La société Crédit Logement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° H 23-19.924 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [K] [Aa],
2°/ à Mme [C] [Ab], épousAa [J],
tous deux domiciliés [Adresse 5],
3°/ à la société EKIP', société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [Ac] [W], en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de M. [KAa [J],
4°/ à la société prestation viti-vinicoles Banton Lauret, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8],
5°/ au trésor public service impôts des entreprises,
6°/ au trésor public service impôts des particuliers de [Localité 9],
ayant toutes deux leur siège [Adresse 6],
7°/ à la société coopérative vinicole Alliance Bourg, dont le siège est [Adresse 4],
8°/ à la société Vitivista, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
9°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [… …],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Coricon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Ad et Rameix, avocat de la société Crédit Logement, de Me Carbonnier, avocat de la société EKIP', ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Coricon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er juin 2023), la société Crédit Logement, créancière à titre non professionnel de M. [Aa] et de son épouse en vertu d'un jugement du 14 décembre 2017 devenu irrévocable, leur a fait délivrer le 11 mai 2021 un commandement aux fins de saisie-vente de leur résidence principale, sur laquelle elle détient une hypothèque.
2. Le 28 janvier 2022, M. [Aa] a été mis en liquidation judiciaire. La société EKIP', prise en la personne de M. [W], a été désigné liquidateur.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Crédit Logement fait grief à l'arrêt de dire que la vente forcée de l'immeuble en cause ne peut être poursuivie jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de M. [Aa] alors « qu'un créancier, titulaire d'une sûreté réelle, à qui l'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable en application de l'
article L. 526-1 du code de commerce🏛, peut faire procéder à la vente de cet immeuble sur saisie ; que pour débouter Crédit Logement de sa demande de vente forcée de l'immeuble saisi, qui constituait la résidence principale des époux [Aa], la cour d'appel a jugé que s'il est acquis que le créancier non professionnel peut réaliser son droit sur un immeuble bénéficiant d'une insaisissabilité légale, la règle de l'arrêt des poursuites, qui présente un caractère d'ordre public, l'empêche toutefois d'exercer une action qui tend au paiement de sa créance ; que la cour d'appel en a déduit que le créancier peut prendre toutes mesures visant à faire constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance, qu'il peut effectuer toute action tendant à la préservation ses droits sur le patrimoine saisissable de l'entrepreneur individuel, mais qu'en revanche il ne peut exercer d'action visant au paiement de sa créance, hors application des règles de la procédure collective, comme la vente forcée de l'immeuble (arrêt, p. 9, §§ 3 et 4) ; qu'en statuant ainsi tandis qu'étant titulaire d'une sûreté réelle et l'insaisissabilité de la résidence principale lui étant inopposable, Crédit Logement devait pouvoir faire procéder à la vente forcée de cet immeuble, peu important la liquidation judiciaire ouverte à l'égard de M. [Aa], la cour d'appel a violé les
articles L. 526-1 et L. 641-3 du code de commerce🏛. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles L. 526-1 et L. 622-21 du code de commerce🏛 :
4. Le créancier titulaire d'une sûreté réelle, à qui la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable en application du premier de ces textes, peut faire procéder à sa vente sur saisie, qui n'est pas une action tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, prohibée par le second de ces textes.
5. Pour rejeter la demande, formée par la société Crédit Logement, de vente forcée de l'immeuble appartenant notamment à M. [Aa] et constituant sa résidence principale, l'arrêt, après avoir énoncé que si un créancier non professionnel peut réaliser son droit sur l'immeuble bénéficiant d'une insaisissabilité légale, l'ouverture d'une procédure collective, qui a pour corollaire l'arrêt des poursuites, fait obstacle à l'exercice d'une action qui tend au paiement d'une créance, et donc à la vente forcée de l'immeuble. Il en déduit que la vente forcée de l'immeuble appartenant à M. [Aa], mis en liquidation judiciaire, ne pourra pas être poursuivie jusqu'à la clôture de la procédure collective.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la vente forcée de l'immeuble ne peut être poursuivie jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de M. [Aa], l'arrêt rendu le 1er juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;
Condamne la société EKIP' prise en la personne de M. [W], en qualité de liquidateur de M. [Aa], aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller référendaire rapporteur et Mme Labat, greffier, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.