Jurisprudence : CE 1/4 ch.-r., 18-11-2024, n° 476298

CE 1/4 ch.-r., 18-11-2024, n° 476298

A59536HX

Référence

CE 1/4 ch.-r., 18-11-2024, n° 476298. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/112863394-ce-14-chr-18112024-n-476298
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Abstract

► La non-transmission du certificat d'urbanisme au préfet n'influe pas sur la cristallisation du droit applicable garanti au bénéficiaire de ce certificat.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 476298⚖️


Séance du 23 octobre 2024

Lecture du 18 novembre 2024

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère et 4ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

M. F C a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, le certificat d'urbanisme délivré le 27 octobre 2016 à M. A D par le maire d'Aix-les-Bains (Savoie) pour une parcelle cadastrée section BX n° 234, ainsi que la décision du 15 mars 2019 rejetant son recours gracieux contre cette décision, et, d'autre part, l'arrêté du 6 décembre 2018 par lequel le maire d'Aix-les-Bains a délivré à la société civile de construction vente Panorama un permis de construire douze logements sur cette parcelle, ainsi que la décision du 15 mars 2019 rejetant son recours gracieux contre cet arrêté. Par un jugement nos 1903424, 1903425 du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.

Par un premier arrêt n° 20LY01529 du 12 avril 2022, la cour administrative d'appel de Lyon⚖️ a, sur appel de M. C, sursis à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme🏛, jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois imparti à la société Panorama pour permettre la régularisation des vices entachant le permis de construire litigieux, tenant à la méconnaissance par le projet des articles UD 6, UD 7, UD 10 et UD 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.

Un permis de construire a été délivré à la société Panorama le 19 août 2022, dont Mme H B veuve C, Mme E C et M. G C, venant aux droits de M. F C, décédé le 4 août 2022, ont également demandé l'annulation.

Par un second arrêt n° 20LY01529 du 30 mai 2023, la cour administrative d'appel de Lyon⚖️ a rejeté l'ensemble des conclusions des consorts C.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 juillet et 26 octobre 2023 et le 10 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les consorts C demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ces deux arrêts ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-les-Bains et de la société Panorama la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nejma Benmalek, auditrice,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat des consorts C, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de la commune d'Aix-les-Bains et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Panorama ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire d'Aix-les-Bains a délivré le 27 octobre 2016 à M. D un certificat d'urbanisme pour une parcelle cadastrée section BX n° 234. Par un arrêté du 6 décembre 2018, il a délivré à la société Panorama, devenue propriétaire de cette parcelle, un permis d'y construire un bâtiment de douze logements. Par un jugement du 17 mars 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. C tendant à l'annulation de ce certificat d'urbanisme et de ce permis de construire, ainsi que des décisions rejetant ses recours gracieux. Par un premier arrêt du 12 avril 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sursis à statuer sur l'appel formé par M. C contre ce jugement et a imparti à la société Panorama un délai de six mois pour justifier d'une mesure de régularisation de plusieurs vices entachant le permis de construire. Un permis de construire tacite a été délivré à la société Panorama le 19 août 2022, dont les consorts C, venant aux droits de M. C, décédé, ont également demandé l'annulation. Par un second arrêt du 30 mai 2023, la cour administrative d'appel a rejeté l'ensemble de leurs conclusions. Les consorts C se pourvoient en cassation contre ces deux arrêts.

Sur l'arrêt du 12 avril 2022 :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales🏛, dans sa rédaction alors applicable : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. Pour les décisions individuelles, cette transmission intervient dans un délai de quinze jours à compter de leur signature. " Aux termes de l'article L. 2131-2 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Sont soumis aux dispositions de l'article L. 2131-1 les actes suivants : () 6° Le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol et le certificat d'urbanisme délivrés par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, lorsqu'il a reçu compétence dans les conditions prévues aux articles L. 422-1 et L. 422-3 du code de l'urbanisme🏛🏛 () ".

3. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme🏛, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. "

4. Les dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d'urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis de construire, déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. Il résulte des termes mêmes de la loi que l'intéressé peut se prévaloir de cette garantie dès lors qu'il dépose sa demande dans le délai de dix-huit mois suivant la délivrance du certificat d'urbanisme, sans qu'ait d'incidence à cet égard le respect des conditions de publicité et de transmission au représentant de l'Etat par ailleurs posées par les dispositions des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales🏛 pour qu'un tel acte devienne exécutoire.

5. Par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la circonstance que le certificat d'urbanisme du 27 octobre 2016 n'avait pas été transmis au préfet de la Savoie était sans incidence sur la détermination de la réglementation applicable au permis de construire litigieux.

6. En deuxième lieu, il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme qu'un permis de construire déposé dans le délai de dix-huit mois suivant la délivrance du certificat d'urbanisme ne puisse être complété, à peine de perte du droit à ce que la demande soit examinée au regard des dispositions d'urbanisme applicables à la date de ce certificat, qu'avant l'expiration de ce délai.

7. Par suite, après avoir relevé, par une appréciation souveraine non entachée de dénaturation, que la demande de permis de construire déposée le 25 avril 2018, soit dans le délai de dix-huit mois suivant la délivrance du certificat d'urbanisme du 27 octobre 2016, comportait le formulaire Cerfa, complété d'une notice et d'une annexe, de plans de situation, de masse, de coupe, des toitures, des façades et stationnements, ainsi que de photos d'insertion, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt, a pu juger, sans entacher celui-ci d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique des faits, que la circonstance que cette demande avait fait l'objet d'une demande de pièces complémentaires par courrier du 17 mai 2018 et que d'autres pièces avaient été déposées en août et novembre 2018 ne faisait pas obstacle à ce que le pétitionnaire puisse se prévaloir des effets du certificat d'urbanisme quant aux dispositions d'urbanisme au regard desquelles sa demande serait examinée.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme🏛 : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "

9. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'orientation d'aménagement et de programmation A38 du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération de Grand-Lac fait mention du projet d'élargissement à court terme du chemin Alexandre Toudouze, qui dessert le terrain d'assiette de la construction litigieuse, et que l'arrêté de permis de construire litigieux prévoit que le terrain concerné par ce projet d'élargissement soit cédé par le pétitionnaire à la commune. En jugeant, après avoir relevé que la largeur de cette voie était déjà supérieure à 4 mètres sur une majorité de son tracé et que son élargissement à 7 mètres au droit de la construction litigieuse était certaine dans son principe comme dans son échéance de réalisation, que la décision du maire de délivrer le permis de construire n'était pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, la cour, qui ne s'est pas méprise sur la portée des écritures des requérants, n'a ni commis d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

Sur l'arrêt du 30 mai 2023 :

10. Aux termes de l'article 2.2.2. de la zone UD du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal : " DISPOSITIONS GENERALES : /1. Sont autorisées les toitures comportant au moins deux pans d'une pente comprise entre 50 et 80 % ou les toitures en forme de dômes, voûtes. / 2. Les matériaux de couverture sont d'aspect mat, et de teinte noire, grise, brune ou rouge vieilli et dans les tonalités des toitures environnantes. / 3. Sont interdits : / - l'emploi de tout matériau en plaques ondulées / - les ouvertures de toiture de type "chien-assis" si elles ne sont pas alignées sur les percements existants des façades. () / DISPOSITIONS PARTICULIERES : /1. Les toitures terrasses sont autorisées, à condition que leur emprise soit principalement végétalisée. Si elles constituent un espace prolongeant horizontalement des locaux à usage d'habitation ou dans lesquels il s'exerce une activité, elles doivent comprendre une partie végétalisée. () "

11. La cour a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la toiture courbe végétalisée ayant remplacé, dans le projet modifié, la toiture végétalisée qui surmonte l'un des deux volumes du projet litigieux était recouverte d'un matériau isolant de teinte brune. En jugeant qu'une telle toiture était conforme aux dispositions citées au point précédent, qui n'interdisent pas la végétalisation des toitures courbes, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts C ne sont pas fondés à demander l'annulation des deux arrêts qu'ils attaquent.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune d'Aix-les-Bains et de la société Panorama qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre solidairement à la charge des consorts C une somme de 1 500 euros à verser, d'une part, à la commune d'Aix-les-Bains et, d'autre part, à la société Panorama, au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi des consorts C est rejeté.

Article 2 : Les consorts C verseront solidairement une somme de 1 500 euros à la commune d'Aix-les-Bains et une somme de 1 500 euros à la société Panorama au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme H B veuve C, première dénommée, pour l'ensemble des requérants, à la société civile de construction vente Panorama et à la commune d'Aix-les-Bains.

Copie en sera adressée à M. A D.

Délibéré à l'issue de la séance du 23 octobre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Vincent Mazauric, M. Edouard Geffray et Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Nejma Benmalek, auditrice-rapporteure.

Rendu le 18 novembre 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Nejma Benmalek

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber

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