CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 novembre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 612 F-D
Pourvoi n° C 23-21.208
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 NOVEMBRE 2024
M. [Z] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 23-21.208 contre l'arrêt rendu le 20 juillet 2023 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Alliance environnement exploitation, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [U], de la SARL Gury et Maitre, avocat de la société Alliance environnement exploitation, après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 20 juillet 2023), la société Alliance environnement exploitation (la société Alliance environnement), venant aux droits de la société Orga d'Oc, gère depuis le 3 décembre 2013 un centre de compostage de déchets organiques dont l'activité a donné lieu à déclaration en décembre 2004, puis en mai 2006, lors du début d'activité effective. Par arrêté du 24 mai 2011, le préfet a imposé à l'installation en cause un certain nombre de prescriptions, visant notamment à limiter les nuisances olfactives pour le voisinage.
2. Se plaignant de nuisances olfactives excédant selon lui les inconvénients normaux du voisinage, M. [U], après avoir obtenu en référé la désignation d'un expert par ordonnance du 26 juin 2018, a assigné la société Alliance environnement par acte du 8 avril 2021 en réalisation des travaux nécessaires et en indemnisation de son préjudice.
3. La société Alliance environnement a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. M. [U] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable ses demandes, alors :
« 1°/ que l'action pour troubles anormaux du voisinage se prescrit à compter de la première manifestation du trouble ; que lorsqu'elles sont répétées sur une longue période, les nuisances constituent autant de troubles dont la manifestation fait courir un délai de prescription spécifique ; qu'en l'espèce, M. [U] demandait au tribunal judiciaire de condamner la société Alliance environnement à réaliser les travaux préconisés par l'expert et à lui payer la somme de 96 000 euros à parfaire jusqu'à l'achèvement des travaux en réparation de son préjudice de jouissance « depuis juin 2013 » ; que pour déclarer M. [U] irrecevable « en l'ensemble de ses demandes », la cour d'appel a retenu qu' « en matière de trouble anormal de voisinage, le point de départ se situe au jour de la première manifestation de ce trouble, et plus précisément la date à laquelle les nuisances invoquées sont apparues dans
leur anormalité », que « les troubles olfactifs émanant de l'installation en cause sont apparus pour les riverains, dont M. [U] fait partie, au moins depuis l'année 2011 » et qu'en conséquence « à la date de délivrance de l'assignation en référé-expertise du 26 mars 2018, le délai de prescription quinquennale était déjà expiré depuis le début de l'année 2016 » ; qu'en statuant ainsi quand des émanations odorantes ne constituent pas un trouble unique mais une succession de troubles se prescrivant distinctement, la cour d'appel a violé l'
article 2270-1 du code civil🏛, dans sa rédaction antérieure à la
loi n° 2008-561 du 17 juin 2008🏛, et l'
article 2224 du même code🏛, dans sa rédaction issue de cette loi ;
2°/ que la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi ; qu'en l'espèce, M. [Aa] exposait que « l'origine du désordre était liée aux conditions d'exploitation de sorte qu['il] [
]était parfaitement recevable à agir à l'encontre des propriétaires successifs et donc directement à l'encontre de la SAS Alliance Environnement dont il rappelle qu'elle a commencé son exploitation à compter du 3 décembre 2013 de sorte que l'action n'est nullement prescrite » ; qu'en retenant que la prescription avait commencé à courir à compter de l'année 2011 et que « c'est ainsi à tort que le premier juge a retenu comme point de départ de la prescription le 3 décembre 2013 correspondant à la date à laquelle la SAS Alliance environnement est venue aux droits de la SARL Orga d'Oc, cette date ne pouvant être considérée comme le jour où M. [Aa] a eu connaissance du trouble ou de l'aggravation du risque susceptible de créer un trouble anormal de voisinage », quand M. [U] ne pouvait agir contre la société Alliance environnement avant qu'elle reprenne l'exploitation du centre de compostage et qu'elle cause des nuisances olfactives, la cour d'appel a violé l'
article 2234 du code civil🏛 dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008. »
Réponse de la Cour
5. En premier lieu, il résulte de l'article 2224 du code civil que la prescription quinquennale à laquelle est soumise l'action en responsabilité pour trouble anormal de voisinage court à compter de la première manifestation des troubles, leur seule répétition sur une longue période ne faisant pas courir un nouveau délai de prescription.
6. En second lieu, M. [Aa] ayant soutenu devant la cour d'appel qu'il était recevable à agir à l'encontre des propriétaires successifs et donc directement à l'encontre de la société Alliance environnement, en faisant valoir qu'elle avait commencé son exploitation à compter du 3 décembre 2013, de sorte que son action n'était pas prescrite, il n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures, tiré de ce qu'il aurait été dans l'impossibilité d'agir contre le précédent exploitant.
7. Le moyen n'est donc pas fondé en sa première branche et est irrecevable pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [U] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par M. [Aa] et le condamne à payer à la société Alliance environnement exploitation la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre.