CIV.3
LM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 29 janvier 2003
Rejet
M. WEBER, président
Pourvoi n° P 01-13.034
Arrêt n° 118 FS P+B
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ la société Xavier promotion, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est Bordeaux,
2°/ la société Immobilière Claude Alban, société à responsabilité limitée, dont le siège est Arsac,
en cassation d'un arrêt rendu le 26 avril 2001 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre, section A), au profit du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 53, avenue Thiers, pris en la personne de son syndic, l'agence Jean W, dont le siège est Bordeaux-Bastide,
défendeur à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 décembre 2002, où étaient présents M. V, président, Mme U, conseiller référendaire rapporteur, MM. Chemin, Villien, Cachelot, Mmes Lardet, Gabet, Renard-Payen, conseillers, Mmes Masson-Daum, Boulanger, Nési, conseillers référendaires, M. T, avocat général, Mme Y, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme U, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de l'EURL Xavier promotion et de la société Immobiliere Claude Alban, de la SCP Peignot et Garreau, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du à Bordeaux, les conclusions de M. T, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier et le second moyens, réunis
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 avril 2001), que la société Immobilière Claude Alban et l'EURL Xavier promotion ont acquis, par acte du 8 novembre 1991, de la société des Établissements Baril un immeuble à Bordeaux ; que les acquéreurs ont fait rénover et redistribuer le bâtiment acquis et l'ont vendu par lots, l'immeuble étant placé sous le régime de la copropriété ; que le syndicat des copropriétaires ayant découvert en 1995, dans un réduit muré en sous-sol, l'existence de gravats comprenant des détritus en bois infestés de termites, a assigné les sociétés venderesses en paiement du coût du traitement antiparasitaire ;
Attendu que la société Immobilière Claude Alban et l'EURL Xavier promotion font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen
1°/ que la mise en jeu de la garantie décennale suppose l'existence d'un désordre qui affecte la structure du gros-oeuvre ; qu'ainsi ne constitue pas un désordre couvert par la garantie décennale le dommage résultant d'une simple omission ou d'une négligence ; qu'en considérant que le fait d'entreposer des détritus de bois dans un réduit muré constituait un désordre entraînant l'application de la garantie décennale, la cour d'appel a violé l'article 1792 du Code civil ;
2°/ que la garantie décennale ne couvre que les seuls vices de construction supposant un apport à la structure du gros-oeuvre du bâtiment ; qu'en considérant que l'entrepôt de détritus de bois dans un réduit muré constituait un désordre couvert par la garantie décennale, la cour d'appel a violé l'article 1792 du Code civil ;
3°/ qu'en toute hypothèse, la garantie décennale n'est applicable qu'à la condition que le désordre, vice de construction, porte atteinte à la destination de l'immeuble ; qu'en s'abstenant de rechercher si la présence de détritus envahis de termites dans un réduit muré était de nature à mettre en péril la destination de l'immeuble, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 1792 du Code civil ;
4°/ que la garantie décennale ne s'applique que lorsque le vice de construction apparaît dans le délai de dix ans à compter de la réception ; que seul le préjudice actuel et certain est indemnisable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que les désordres étaient en germe et de nature à porter atteinte à la solidité des éléments constitutifs de l'immeuble ; qu'en statuant ainsi, sans constater que les termites allaient porter atteinte de façon certaine au gros-oeuvre de l'immeuble avant l'expiration du délai de dix ans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 1792 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que les travaux avaient porté sur les murs, les cloisons, les planchers, les plafonds et l'isolation de l'immeuble et étaient, selon les factures produites, d'un montant supérieur à 300 000 francs, la cour d'appel a pu en déduire qu'il s'agissait d'une rénovation lourde assimilable à des travaux de construction ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu qu'un procès-verbal de constat d'huissier de justice établissait que les détritus de bois provenant de la démolition de parties de l'immeuble entreposés dans un réduit muré au sous-sol étaient envahis par les termites et que ce désordre était de nature à porter atteinte à brève échéance et en tous cas avant l'expiration du délai de garantie décennale, à la solidité de l'immeuble, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne, ensemble, l'EURL Xavier promotion et la société Immobilière Claude Alban aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne, ensemble, l'EURL Xavier promotion et la société Immobilière Claude Alban à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du à Bordeaux la somme de 1 900 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille trois.