Jurisprudence : Cass. soc., 14-11-2024, n° 21-22.540, F-B, Cassation

Cass. soc., 14-11-2024, n° 21-22.540, F-B, Cassation

A54396GK

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2024:SO01122

Identifiant Legifrance : JURITEXT000050510242

Référence

Cass. soc., 14-11-2024, n° 21-22.540, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/112616494-cass-soc-14112024-n-2122540-fb-cassation
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Abstract

Il résulte des articles L. 1234-20 et L. 1471-1 du code du travail que le solde de tout compte non signé par le salarié n'a pas valeur de preuve du paiement des sommes qui y sont mentionnées et n'a aucun effet sur le délai de prescription, lequel ne court pas et n'est suspendu qu'en cas d'impossibilité d'agir à la suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure


SOC.

CH9


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 novembre 2024


Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 1122 F-B

Pourvoi n° J 21-22.540

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [Aa].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 23 décembre 2022.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 NOVEMBRE 2024



La société Renault, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-22.540 contre l'arrêt rendu le 15 juillet 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [Ab] [Aa], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Renault, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Aa], après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 15 juillet 2021), M. [Aa] a été engagé en qualité d'ajusteur mécanicien machine, le 27 décembre 1981, par la société Renault (la société).

2. Licencié pour motif disciplinaire par lettre du 11 avril 2013, avec dispense d'exécution de son préavis de deux mois, il a saisi la juridiction prud'homale le 7 décembre 2017 de demandes en paiement de diverses sommes au titre du solde de tout compte et de dommages-intérêts pour préjudices financier et moral ainsi que pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.


Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action du salarié aux fins de remise des documents de fin de contrat et en paiement de sommes figurant au solde de tout compte, de la condamner à lui délivrer un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et à lui verser des sommes à titre d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, alors « que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée ; que les actions tendant au paiement de l'indemnité de licenciement et à la remise des documents de fin de contrat sont relatives à la rupture du contrat de travail et se prescrivent conformément aux règles fixées par l'article L. 1471-1 du code du travail🏛, peu important que le salarié n'ait pas signé de reçu pour solde de tout compte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le salarié avait été licencié par un courrier du 11 avril 2013, que le contrat avait au plus tard pris fin le 13 juin 2013 à l'issue du préavis et que l'employeur avait établi le solde de tout compte et les documents de fin de contrat à cette date ; qu'elle a ensuite retenu que la prescription de deux ans prévue par l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013🏛 s'appliquait à compter de la date de promulgation de ladite loi, en sorte que le salarié pouvait engager une action jusqu'au 16 juin 2015 et que, comme l'avaient justement retenu les premiers juges, le courrier de la société Renault du 31 mars 2014 par lequel elle reconnaissait que le solde de tout compte et les documents de fin de contrat étaient à la disposition du salarié s'analysait en une reconnaissance, par le débiteur, de sa créance, faisant courir un nouveau délai de prescription en application de l'article 2240 du code civil🏛, lequel s'achevait le 1er avril 2016, date à laquelle la prescription était acquise pour l'indemnité de licenciement et la délivrance des documents de fin de contrat ; qu'ainsi, le salarié, qui avait saisi le conseil de prud'hommes le 7 décembre 2017 ''[était] bien irrecevable à contester les conditions et les motifs de la rupture du contrat de travail'' ; que, pour dire néanmoins le salarié recevable en ses demandes tendant au paiement de l'indemnité de licenciement ainsi qu'à la délivrance de ses documents de fin de contrat et condamner la société à ce titre, la cour d'appel, après avoir énoncé qu' ''il conv[enait] de s'interroger sur la portée de cette prescription'', a retenu que le salarié demandait simplement que lui soit versée l'indemnité de licenciement figurant sur le solde de tout compte et que, ce dernier n'ayant jamais été signé par le salarié, il était dénué d'effet libératoire, si bien que la prescription n'aurait jamais commencé à courir ; qu'en statuant ainsi, en procédant à une confusion entre l'effet libératoire du solde de tout compte et la prescription des sommes qui y étaient mentionnées, la cour d'appel a violé les articles L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et L. 1234-20 du même code🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1234-20 et L. 1471-1 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017🏛 et l'article 21 V. de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013🏛 :

4. Selon le premier de ces textes, le solde de tout compte fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail. Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature par le salarié, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.

5. Aux termes du deuxième, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

6. En vertu du troisième, les dispositions précédentes s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

7. Il en résulte que le solde de tout compte non signé par le salarié, qui n'a pas valeur de preuve du paiement des sommes qui y sont mentionnées, n'a aucun effet sur le délai de prescription qui ne court pas ou n'est suspendu qu'en cas d'impossibilité d'agir à la suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

8. Pour déclarer recevable l'action du salarié aux fins de remise des documents de fin de contrat, en paiement des sommes mentionnées sur le solde de tout compte et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt retient que le solde de tout compte que le salarié n'a jamais signé en raison de son incarcération du 25 juin 2013 au 22 juin 2017, n'a produit aucun effet libératoire et qu'aucune prescription n'a commencé à courir.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la prescription de l'article L. 1471-1 du code du travail s'était appliquée à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 13 juin 2016 et que le salarié avait jusqu'au 16 juin 2015 pour engager toute action portant sur l'exécution et la rupture du contrat de travail, sans caractériser une cause d'interruption ou de suspension du délai de prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de dommages-intérêts présentées par M. [Aa] au titre du préjudice moral et du préjudice financier et en ce qu'il rejette sa demande en fixation de la moyenne mensuelle des salaires à la somme de 3 500 euros brut, l'arrêt rendu le 15 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne M. [Aa] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre.

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