Jurisprudence : CA Versailles, 12e, 2, 13-06-2002, n° 97/04547

CA Versailles, 12e, 2, 13-06-2002, n° 97/04547

A5460A4Y

Référence

CA Versailles, 12e, 2, 13-06-2002, n° 97/04547. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1126034-ca-versailles-12e-2-13062002-n-9704547
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COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES Extrait der
de la Cour t.
1 2ème chambre section 2


E.D.
D.C./P.G.
ARRÊT N° ?e.\
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS






DU 13 Juin 2002
LE TREIZE JUIN DEUX MILLE DEUX
R.G. N' 97/04547 La cour d'appel de VERSAILLES, 12eme chambre section 2, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, AFFAIRE prononcé en audience publique,
- M. Christian Z La cause ayant été débattue à l'audience publique du NEUF AVRIL DEUX MILLE DEUX
C/
- SA KHARYS PARFUMS
- M. Gérald X
- M. Jean-Pierre X
- M. Marcel X
La cour étant composée de
Madame F. ..., Conseiller, faisant fonction de président,
Monsieur J. ..., conseiller, Monsieur D. ..., conseiller,

- Mme Lydie X née X assistée de Mme M. ..., greffier,
- Sté MARIONNAUD PARFUMERIES et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, venant aux droits de la société
GROUPEMENT FRANÇAIS DE PARFUMERIE "GFP" SA DANS L'AFFAIRE

ENTRE
- M. Patrick U
- Mme Marie U née U
- Monsieur Christian Z demeurant TOULOUSE.
APPELANT d'un jugement rendu le 22 avril 1997 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE, 7ème chambre.
· SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL
· SCP GAS
CONCLUANT par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES.
PLAIDANT par la SELARL NAVARRO-RAVASIO-VERNHET, Avocats au barreau de MONTPELLIER.

ET
- SA KHARYS PARFUMS ayant son siège BOULOGNE BILLANCOURT, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
- Monsieur Gérald X ayant demeuré PARIS et actuellement PARIS.
- Monsieur Jean-Pierre X demeurant NOGENT SUR MARNE.
- Monsieur Marcel X
- Madame Lydie X née X demeurant tous deux 51 avenue de la Belle
Gabrielle NOGENT SUR MARNE.
- Monsieur Patrick U
- Madame Marie U née U demeurant
CHELLES.
INTIMÉS
- Société MARIONNAUD PARFUMERIES ayant son siège PARIS VENANT AUX DROITS DE LA SOCIÉTÉ GROUPEMENT FRANÇAIS DE PARFUMERIES SA "GFP" ayant son siège PARIS, agissant en la personne de ses represecitants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
INTERVENANTE VOLONTAIRE
CONCLUANT par la SCP GAS, avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES. PLAIDANT par Maître M. ..., Avocat au barreau de TOULOUSE.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Monsieur Christian Z détenait 1.400 des 4.200 actions composant le capital social de la société KHARYS PARFUMS qui exploite plusieurs points de vente de produits de parfumerie à TOULOUSE et dans sa périphérie.
La société KHARYS PARFUMS a fait l'objet d'une procédure collective, ouverte le 03 mars 1992, ayant abouti à un jugement, rendu le 15 décembre suivant par le tribunal de commerce de Nanterre, de redressement par continuation. Le plan d'apurement du passif en six ans prévoyait notamment la cession des deux autres tiers des actions, détenus par monsieur ..., à la société GPF, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société MARIONNAUD PARFUMERIES, animée par monsieur Jean-Pierre X.
Le 11 janvier 1995 fut réunie une assemblée générale extraordinaire qui, sur proposition du conseil d'administration et malgré l'opposition de monsieur Z, a décidé la reconstitution des fonds propres par un "coup d'accordéon" consistant en une diminution du capital de 1.680.000 francs (243.918,42 euros) par annulation des 4.200 actions existantes immédiatement suivie d'une augmentation de 5.880.000 francs (896.400,22 euros) du capital par l'émission d'actions nouvelles à souscrire en numéraire suivie d'une réduction du capital de 5.615.400 francs (856.062,21 euros).
Monsieur Z, qui ne disposait pas des liquidités nécessaires pour souscrire la totalité des actions nouvelles que l'opération lui réservait, estimant que ces modifications du capital social avaient pour but de le spolier de ses droits d'actionnaire minoritaire, a introduit devant le tribunal de commerce de Nanterre une action en annulation de l'assemblée réclamant au surplus, à tous les actionnaires, 10.000.000 francs (1.524.490,17 euros) de dommages et intérêts.

Par jugement rendu le 22 avril 1997, cette juridiction, considérant que l'abus de majorité n'était pas établi, l'a débouté de toutes ses demandes et condamné à payer 50.000 francs (7.622,45 euros) par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur Z a interjeté appel de cette décision. Par un arrêt rendu le 20 mai 1999, la cour, relevant l'insuffisance de motivation, au regard des dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile, a annulé le jugement. Elle a déclaré monsieur Z recevable en sa demande d'annulation de l'assemblée et, avant dire droit sur son bien fondé, a désigné Monsieur J. ... en qualité d'expert avec mission de fournir les observations nécessaires pour apprécier la fidélité et la sincérité des éléments comptables apportés en vue de l'assemblée litigieuse.
Monsieur Z fait grief à l'expert d'aboutir à des conclusions erronées, de ne pas avoir pleinement respecté sa mission, d'avoir ignoré le rôle de l'annexe du bilan et de n'avoir pas répondu à la demande de production d'éléments essentiels.
Il soutient que les décisions prises lors de l'assemblée générale du 11 janvier 1995 sont irrégulières au motif que l'associé minoritaire n'a pas bénéficié d'une information loyale et objective dans la mesure où les comptes étaient volontairement erronés, les mentions du rapport du conseil d'administration tendancieuses et le contenu de l'annexe très insuffisant pour lui permettre de connaître la valeur réelle de la société.
Il affirme que le "coup d'accordéon" est illégal car n'était pas en cause, selon lui, la survie de la société qui se trouvait dans une situation de trésorerie florissante, confortée par le paiement sur six ans du passif sans intérêts et les résultats bénéficiaires attendus.
Il ajoute que la validité d'une telle opération est soumise à la condition que la société ait perdu toute valeur et soutient qu'en l'espèce, celle-ci était au moins égale à 33 millions de francs (5.030.817,57 euros).
Il fait valoir que l'opération litigieuse ne trouvait pas sa cause dans l'intérêt social et, expliquant que la trésorerie disponible de la société KHARYS PARFUMS était utilisée par la société GPF, soutient que l'apport financier a été en réalité financé par les sommes dues par le groupe à la société KHARYS PARFUMS, au titre d'avances non rémunérées. Il en infère que l'opération n'a eu aucun effet sur la trésorerie disponible. Il indique au surplus que l'augmentation de capital n'a été libérée que de façon partielle, mais que le capital a pourtant été réduit en dessous de la partie libérée.
Il demande en conséquence à la cour de constater l'abus de majorité, la violation de l'obligation légale d'information, de l'article 9 du code de commerce, de la directive européenne du 04 juillet 1978, de l'article 1833 du code civil et d'annuler en toutes ses dispositions l'assemblée générale extraordinaire du 11 janvier 1995.
Il prétend que les fautes commises par la société et les actionnaires majoritaires, constituées d'un abus de droit, d'une fraude et de la violation du pacte social lui ont causé un préjudice dont il demande réparation à concurrence de 1.829.388,21 euros.
Il réclame enfin 45.734,71 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Les sociétés KHARYS PARFUMS et MARIONNAUD PARFUMERIES, messieurs G. ..., J. ..., Marcel X, Patrick U, mesdames Lydie X et Marie U répondent ensemble en rappelant le caractère tout à fait licite d'une opération de réduction-augmentation de capital ainsi que les dispositions de l'article 241 de la loi du 24 juillet 1966 (devenu L.225-248 du code de commerce) qui l'autorisent expressément.
Ils exposent que les capitaux propres de la société KHARYS PARFUMS étaient négatifs de 5.611.127,51 francs (855.410,87 euros) au 31 décembre 1993 et font valoir que la loi comme le plan de redressement imposaient leur
reconstitution. Ils indiquent qu'ont été respectés les droits d'actionnaire minoritaire de monsieur Z qui avait la faculté de souscrire à l'augmentation de capital.
Ils soulignent les conclusions sans ambiguïté du rapport d'expertise qui, en redressant les comptes, détermine une situation nette au 31 décembre 1994 plus obérée que celle figurant dans le bilan et qui confirme que les documents présentés aux actionnaires n'étaient donc pas exagérément pessimistes.
Ils affirment que l'abus de majorité n'est aucunement caractérisé puisque l'opération n'a pas été faite dans le seul intérêt de l'actionnaire majoritaire et que l'intérêt social la justifiait. Ils ajoutent que la jurisprudence rejette toute demande d'annulation dès lors que le juge n'a pas à apprécier le bien fondé du choix justifié opéré par la majorité.
Ils concluent au débouté de monsieur Z de ses demandes et, formant appel incident, lui réclament 60.979,61 euros à titre de dommages et intérêts et 36.465,80 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 17 janvier 2002 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 09 avril 2002.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que l'assemblée litigieuse a été convoquée par courriers recommandés en date du 23 décembre 1994 ; que, sur sa demande, le président du conseil d'administration a adressé à monsieur Z, le 09 janvier 1995, un certain nombre d'éléments d'information ;
Considérant que l'expert a relevé dans son rapport que cet envoi comportait la totalité des documents prévus par les articles 133 et 135 du décret du 23 mars 1967 ; qu'il a contrôlé la présence dans le rapport des indications conformes aux dispositions légales et réglementaires ;
Que ces constatations établissent la légalité formelle, au demeurant non discutée, de la réunion de l'assemblée générale extraordinaire du 11 janvier 1995 ;
SUR LES INFORMATIONS DONNÉES AUX ACTIONNAIRES
Considérant que monsieur Z soutient que les comptes présentés auraient été volontairement erronés ; qu'à cet égard, l'expert a relevé que la dette en capital du CRÉDIT AGRICOLE a été surévaluée de 499.340 francs (76.123,89 euros) ; que le caractère volontaire de cette erreur n'est cependant pas établi dès lors qu'elle est expliquée, selon les constatations du rapport d'expertise, par l'écart entre le capital restant dû à cette banque d'après les tableaux d'amortissement des quatre emprunts mis en place et la dette selon l'état des créances arrêtées par les organes de la procédure collective ;
Considérant que l'expert a expliqué en détail les raisons qui ont amené la société KHARYS PARFUMS à inscrire au passif de son bilan les intérêts à échoir sur la dette à l'égard du CRÉDIT AGRICOLE ; qu'elles tiennent à la conclusion d'un protocole, entre cette banque et les cautions, ayant eu pour conséquence de modifier les intérêts dans leur montant et de les rendre immédiatement exigibles ; que, comme l'a fait observer l'expert, le règlement des intérêts par les cautions n'éteint pas la dette de la société, que l'enregistrement en provision pour risque de la totalité de la charge d'intérêts, devenue immédiatement exigible pour les cautions, traduit le maintien du risque pour la société d'avoir à régler cette somme à la banque ou aux cautions substituées ;
Considérant que l'expert a conclu "L'enregistrement de la charge d'intérêts devenus immédiatement exigibles en provision pour risque est en adéquation avec le principe de prudence" ; que les critiques de monsieur Z apparaissent
dès lors vaines même s'il pouvait exister des raisons de choisir de ne pas inscrire au passif les intérêts dus ; la décision de la direction de les y inscrire est bien volontaire mais, eu égard à l'avis de l'expert, n'est pas erronée ;
Considérant que monsieur Z fait grief à la société d'avoir comptabilisé des factures émises par une société STRATEGIE MARKETING, même si elle a pris en compte, en 1992, un produit exceptionnel de 589.771 francs (89.910,01 euros) correspondant à la partie contestée de cette facturation ; mais considérant que la créance totale déclarée par STRATEGIE MARKETING était de 5.827.671,71 francs (888.422,82 euros) dont plus de cinq millions de francs (762.245,08 euros) au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de relations contractuelles ; qu'elle faisait l'objet d'une instance en cours au jour du jugement déclaratif et de l'arrêté du bilan ; que l'expert a exposé manquer d'éléments pour apprécier correctement le risque du résultat du litige et évaluer la provision qu'il aurait été prudent de passer dans les comptes au 31 décembre 1992 ; que s'il a déclaré acceptable la non-provision de la réclamation de cinq millions de francs (762.245,09 euros), il a, en revanche considéré que le montant des factures litigieuses devait être maintenu, dans un souci de prudence, jusqu'au jugement de l'affaire et que le produit exceptionnel avait donc été enregistré à tort ;
Qu'il suit de là que les modalités de comptabilisation partielle, retenues par la direction de l'entreprise pour ces factures litigieuses qui auraient dû figurer dans les comptes pour leur totalité, a eu pour conséquence une amélioration de la situation nette comptable ; qu'au regard des explications de l'expert, monsieur Z est mal fondé à soutenir que le litige autorisait à ne pas les inscrire ; que ce faisant, il se borne à émettre une opinion sur une décision de gestion qui n'a aucunement le caractère d'une présentation volontairement erronée des comptes ;
Considérant que, comme l'a souligné l'expert, les honoraires supportés par la société à l'occasion du dépôt de son bilan constituent des charges d'apurement d'une situation défavorable et ne sont pas, à ce titre, susceptibles d'être étalés sur plusieurs exercices ; qu'il suit de là que, contrairement à l'opinion de monsieur
Z, la somme de 1.441.305 francs (219.725,53 euros) devait être supportée en totalité par le résultat de l'exercice 1992 ; que l'imprécision sur le contenu des honoraires payés n'aboutit qu'à conforter l'application de la règle générale d'annualité de ce type de dépenses sauf à établir, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, qu'elles auraient été susceptibles d'engendrer, dans le futur, des économies de charges ou une augmentation du rendement de l'activité ;
Considérant que l'expert a relevé que le rapport présenté à l'assemblée par le conseil d'administration contenait les indications exigées par les textes, a savoir les motifs de l'augmentation de capital, la marche des affaires sociales depuis le début de l'exercice ainsi que des informations sur l'importance et l'utilité de l'opération ;
Que monsieur Z ne saurait faire grief à l'actionnaire majoritaire de ne lui avoir pas indiqué une évaluation précise des résultats de fin d'année dès lors qu'au 11 janvier 1995 le bilan n'était pas encore arrêté et que le rapport informe les actionnaires de la progression du chiffre d'affaires, et indique que l'évolution reste globalement positive ; que, contrairement aux affirmations de monsieur Z, la situation décrite dans ce rapport n'apparaît pas volontairement présentée comme tendue ; qu'il convient à cet égard de rappeler que l'état de cessation des paiements a été constaté par un jugement rendu le 03 mars 1992 ; que la situation nette comptable au 31 décembre 1992 était négative de 6.098.950 francs (929.778,93 euros), que l'exercice 1993 avait fait apparaître un bénéfice de seulement 487.823 francs (74.368,14 euros) pour un chiffre d'affaires de 51.019.656 francs (7.777.896,42 euros) la situation nette étant encore négative de 5.611.127 francs (855.410,80 euros) ; que, dans de telles circonstances, les dirigeants de la société KHARYS PARFUMS ne pouvaient faire de la société une présentation avantageuse et florissante, même si les niveaux d'activité et de résultat de 1994 leur apparaissaient satisfaisants ;
Considérant que la seule insuffisance significative relevée par l'expert dans le rapport du conseil d'administration est le défaut de développement de l'information sur l'importance et l'utilité de l'opération au regard des perspectives
d'avenir ; que la seule justification pertinente est la résorption des pertes et la reconstitution du capital social ; que cette insuffisance n'est toutefois pas de nature à justifier que soit prononcée l'annulation de l'assemblée ;
Considérant que l'expert a validé la conformité des informations contenues dans le rapport du commissaire aux comptes, dans l'exposé de la situation des affaires de l'exercice écoulé servant de base à l'opération (1993), dans le tableau des cinq derniers exercices ;
Considérant que monsieur Z soutient, contre l'avis de l'expert, que l'annexe du bilan arrêté au 31 décembre 1993 devait comprendre des informations ayant pour but de donner à l'actionnaire minoritaire la valeur réelle de la société KHARYS PARFUMS ; mais considérant qu'il ne précise pas davantage la nature des informations prétendument manquantes ; qu'une société n'a pas l'obligation de formuler un avis sur sa propre valeur patrimoniale ; que les dispositions de l'article 9 du code de commerce qui imposent aux comptes de donner une image fidèle du patrimoine de la situation financière et des résultats de l'entreprise n'ont pas pour effet d'autoriser une société à s'affranchir des règles applicables à la tenue de la comptabilité ; que l'image du patrimoine de l'entreprise est le bilan comptable, que celle de ses performances est le compte de résultat ; que ces images sont fidèles dès lors que les comptes sont dressés dans le respect des règles et des normes en vigueur ; que, comme le souligne l'expert, la valorisation de la société n'a pas à être mentionnée dans l'annexe ou dans le rapport ; qu'au surplus, la valorisation des actions d'une société non cotée est incertaine et susceptible de variations significatives d'autant qu'elle n'est évoquée en l'espèce par monsieur Z que dans la seule appréciation patrimoniale, sans relation avec une opération de cession ;
Considérant que l'article L.225-144 du code de commerce permet la libération du quart de la valeur nominale des actions souscrites ; que, l'expert a relevé que la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes indique que rien n'interdit de procéder à la réduction du capital non intégralement libéré pour apurer des pertes antérieures et recommande, dans une telle hypothèse, de
procéder par réduction de la valeur nominal ; que tel a été le cas dans l'opération litigieuse ; Considérant qu'un actionnaire reste toujours tenu de son obligation de libérer la fraction qui ne l'a pas encore été, cela même si le capital a été réduit ;
Que le défaut de rappel de cette obligation dans la résolution prise par l'assemblée du 10 janvier 1995 ne constitue pas un manquement aux devoirs d'information des actionnaires ou à des obligations, inexistantes en la matière, de la loi, même si la compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes recommande d'en contrôler la mention ; que l'absence de tout rappel ne saurait constituer une illégalité et, partant, une cause d'annulation de l'assemblée ;
Considérant que l'expert a mené des investigations approfondies et pertinentes sur la situation comptable de la société et sur la qualité de l'information fournie aux actionnaires ; qu'il ressort de ces analyses que les documents présentés aux actionnaires n'étaient pas "exagérément pessimistes" ; qu'il a même considéré que les capitaux propres auraient dû être diminués de 1.513.973 francs (230.803,70 euros) supplémentaires ; qu'il a ainsi déterminé une situation nette corrigée négative de 5.212.923 francs (794.704,99 euros) au 31 décembre 1992 et 4.725.100 francs (720.336,85 euros) à la clôture de l'exercice 1993 ;
Qu'il résulte de ce qui précède que monsieur Z n'apporte pas la preuve d'un manquement de la société et a fortiori des autres actionnaires à leur devoir de loyauté ou qu'ils se seraient rendus coupables de fraude ; que les prétentions de ces chefs seront écartées ; qu'il ne saurait davantage être retenu un vice du consentement de l'actionnaire minoritaire qui ne précise pas la nature des obligations qu'il aurait souscrites et qui seraient atteintes par une telle cause de nullité ;
SUR LINTÉRÊT SOCIAL
Considérant que les dirigeants de la société KHARYS PARFUMS ont justifié l'opération par la nécessité de reconstituer le capital social, invoquant l'obligation légale et le jugement arrêtant le plan de redressement
1-
Mais considérant que les dispositions de l'article L.225-248 du code de commerce imposant, à défaut de dissolution de la société, la reconstitution, dans un délai de deux ans, des capitaux propres, ne sont pas applicables aux sociétés en redressement judiciaire ou qui bénéficient d'un plan de redressement ; que le jugement arrêtant le plan ne fait aucune mention d'une quelconque obligation des repreneurs de procéder à une telle reconstitution ; que les impératifs invoqués par les sociétés KHARYS PARFUMS et MARIONNAUD PARFUMERIES, messieurs G., J., Marcel X, Patrick U, mesdames Lydie FRYDMANFRYDMAN et Marie U pour justifier l'opération manquent ainsi de pertinence ;
Considérant toutefois que, à la suite des pertes comptables considérables enregistrées en 1991 et 1992, de l'ouverture de la procédure collective, de la situation nette comptable largement négative, le conseil d'administration et, à sa suite, l'assemblée des actionnaires pouvaient légitimement définir que l'intérêt de la société, notamment au regard de sa crédibilité financière pour les fournisseurs, la réussite du plan de redressement par continuation, et donc la survie à long terme de la société, nécessitaient un assainissement de la situation financière ;
Considérant que l'affirmation de monsieur Z selon laquelle la société KHARYS PARFUMS se trouvait, au début 1995, dans une situation de trésorerie florissante ne saurait résulter de la seule constatation de l'existence de disponibilités à l'actif du bilan sans rapprocher ces sommes de celles figurant au passif comme dues aux fournisseurs ainsi qu'aux organismes sociaux ; que par l'effet du gel des dettes antérieures au jugement déclaratif, une procédure de redressement judiciaire se traduit par une amélioration de la trésorerie immédiate ; que la situation en résultant n'est que la conséquence passagère d'un événement judiciaire sanctionnant les graves difficultés dans laquelle une entreprise s'est trouvée ;
Considérant que monsieur Z soutient que l'opération dite "coup d'accordéon" serait illégale au motif que la valeur de la société n'était pas égale à zéro ; qu'à cet égard, il convient de souligner qu'en dehors de toute acte de
cession de titres, la valeur des actions composant le capital social ne repose que sur des appréciations, souvent subjectives, des éléments d'actifs et de passifs sociaux ;
Considérant qu'à l'appui de son affirmation d'une valeur supérieure à trente millions de francs, monsieur Z fait état de celle attribuée aux actions de la société SGF lors de sa fusion absorption par GROUPEMENT FRANÇAIS DE PARFUMERIE ; mais considérant que les valeurs d'échanges retenues pour cette opération ont été appréciées au regard de l'ensemble des actifs et des passifs de SGF dont les titres de participation dans le capital de la société KHARYS PARFUMS ne constituent qu'une des composantes ;
Considérant que le jugement du tribunal de commerce de Nanterre rendu le 15 décembre 1992 mentionne que le passif vérifié par le représentant des créanciers s'élève à 29.271.933,86 francs (4.462.477,55 euros) ; Considérant que maître ..., administrateur judiciaire, dans le rapport présentant au tribunal les offres de reprise de la société, fait état des propositions de rachat des actifs de l'entreprise par les différents candidats et relève qu'elles s'établissent à 10.465.100 francs (1.595.394,21 euros) pour BEAUTY SHOP, à 16.229.933 francs (2.474.237,34 euros) pour BEAUTY CONCEPT, à 17.403.100 francs (2.653.085,49 euros) pour FINANCE MURILLO et à 22.017.626 francs (3.356.565,45 euros) pour monsieur ... ; qu'ainsi, dans aucune des propositions, le prix de vente proposé ne permettait de couvrir le passif ; qu'il en résulte que, sur le marché de l'offre ouverte de vente des actifs, tel qu'il a été initié par administrateur auprès des différents agents économiques susceptibles d'être intéressés, la valeur de la société était nulle ;
Qu'il suit de là que l'affirmation de monsieur Z, qui n'est au demeurant appuyée d'aucune analyse financière des actifs et des bilans, ne peut être retenue pour qualifier d'illégale l'opération d'augmentation-réduction de capital ;
Considérant que monsieur Z énonce que les modalités de financement de l'augmentation de capital seraient contraires à l'intérêt social au motif que, par le jeu des avances de trésorerie, c'est la société KHARYS PARFUMS elle-même qui aurait assuré le financement de l'augmentation de capital ;
Considérant toutefois qu'il sera relevé que la mise en place, dans un groupe de sociétés, d'une gestion commune de la trésorerie disponible, ce qui était le cas en l'espèce, n'a aucun caractère illégal dès lors que ne sont pas méconnus les intérêts de chacune des personnes morales qui peuvent se trouver alternativement en position débitrice ou créditrice de trésorerie ;
Considérant que la comparaison des bilans respectivement arrêtés au 31 décembre 1994 et 1995 montre que le montant des dettes a peu varié, passant de 44.059.825 francs (6.716.877,02 euros) à 45.387.945 francs (6.919.347,61 euros) alors que celui des actifs circulants a enregistré une augmentation de plus de neuf millions de 35.449.195 à 44.717.544 francs (5.404.194,94 à 6.817.145,64 euros) ; que l'amélioration sensible de la trésorerie ainsi constatée ne peut pas résulter du seul bénéfice de l'exercice d'environ trois millions de francs ; qu'elle démontre la réalité d'un apport effectif de liquidités par les actionnaires ayant souscrit à l'augmentation de capital, qui contredit les affirmations de monsieur Z ;
Qu'il résulte des constatations qui précèdent que monsieur Z est mal fondé à soutenir que l'opération "coup d'accordéon" serait illégale au regard de la survie de la société, de sa valeur patrimoniale ainsi que de l'intérêt social et que la fraude qu'il allègue sur les mêmes fondements n'est pas établie ; que l'affirmation d'une telle fraude part du postulat, au demeurant non démontré, que la société KHARYS PARFUMS et ses dirigeants auraient eu connaissance, préalablement à la convocation de l'assemblée, de l'impossibilité pour monsieur Z de faire valoir son droit de souscription tant avec ses deniers propres qu'au moyen d'un emprunt personnel ;
Considérant que l'opération de recapitalisation de la société, telle qu'elle a été réalisée légalement pour assainir la situation financière au sortir de la période de redressement judiciaire, a été décidée par l'assemblée générale des actionnaires statuant souverainement ;
Que monsieur Z, auquel a été réservé un droit préférentiel de souscription aux actions nouvelles, ne peut soutenir que l'objectif de l'opération aurait été d'organiser la spoliation de ses actifs ; que les actionnaires peuvent être amenés, en cas de difficultés financières, à répondre à une demande d'apport de capitaux nouveaux ; qu'aucun engagement supplémentaire ne pouvant, dans le cadre de la société anonyme, être exigé d'eux, leur incapacité à assurer le financement réclamé implique la dilution de leur participation ; qu'un minoritaire est tenu, comme les autres actionnaires, par les décisions arrêtées souverainement par l'assemblée générale selon des règles de vote conformes au pacte social ;
Considérant qu'en l'espèce l'égalité entre les actionnaires a été observée ; que les droits légaux et statutaires de monsieur Z ont été pris en compte et respectés ; qu'il est dès lors mal fondé à faire valoir une violation du pacte social et à soutenir que l'opération n'aurait pas été réalisée dans l'intérêt commun des associés et aurait ainsi violé les dispositions d'ordre public édictées par l'article 1833 du code civil, et qu'elle constituerait un abus de droit des actionnaires majoritaires ;
Qu'il suit de là que monsieur Z doit être débouté de ses demandes tant d'annulation de l'assemblée du 15 janvier 1995 que de paiement de dommages et intérêts dès lors que le comportement fautif des intimés n'est pas établi ;
Considérant qu'en interjetant appel de la décision des premiers juges, monsieur Z n'a fait qu'user d'un droit de recours que lui réserve la loi ; que les sociétés KHARYS PARFUMS et MARIONNAUD PARFUMERIES, messieurs Gérald, Jean-Pierre, Marcel FRYDMANFRYDMAN, Patrick U, mesdames Lydie FRYDMANFRYDMAN et Marie U ne démontrent pas le caractère abusif de l'usage que l'appelant en aurait fait, ni ne justifient du préjudice qu'ils allèguent ; que leur demande en paiement de dommages et intérêts doit être rejetée ;
Considérant, en revanche, qu'il serait inéquitable de leur laisser la charge de la totalité des frais qu'ils ont été contraints d'engager en cause d'appel ; que monsieur Z sera condamné à leur payer une indemnité de 8.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant que l'appelant qui succombe dans l'exercice de son recours doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Vu l'arrêt de cette cour rendu le 20 mai 1999,
DÉCLARE monsieur Christian Z mal fondé en toutes ses demandes, l'en déboute,
LE CONDAMNE à payer aux sociétés KHARYS PARFUMS et MARIONNAUD PARFUMERIES, à messieurs Gérald FRYDMAN, J. ..., Marcel X, Patrick U, et à mesdames Lydie FRYDMANFRYDMAN et Marie U la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
LE CONDAMNE aux dépens des deux instances comprenant les frais d'expertise et AUTORISE la SCP Daniel et Benoît GAS, société titulaire d'un office d'avoué, à recouvrer eux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
ARRÊT RÉDIGÉ PAR MONSIEUR ..., CONSEILLER
PRONONCÉ PAR MADAME ..., CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT
ET ONT SIGNÉ LE PRÉSENT ARRÊT
LE GREFFIER
LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT


M "THÉRÈSE GÉNISSEL
F.. ...

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