N° T 23-84.265 F-D
N° 01334
GM
6 NOVEMBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 NOVEMBRE 2024
Mme [V] [X] et M. [F] [I] ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 7 juillet 2020, qui, dans la procédure suivie contre personne non dénommée, des chefs d'abus de biens sociaux, escroquerie en bande organisée, faux et usage, fraude fiscale, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Piazza, conseiller, les observations de Me Carbonnier, avocat de Mme [V] [X] et M. [F] [I], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Piazza, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Une enquête préliminaire a été diligentée en mars 2019, sur dénonciation d'un pharmacien concurrent, sur l'activité de la pharmacie de Tassigny gérée par M. [F] [I], dont Mme [V] [X] est la compagne, des chefs d'abus de biens sociaux, escroquerie en bande organisée, faux et usage, fraude fiscale.
3. Le 18 décembre 2019, des saisies ont été pratiquées sur trois comptes bancaires dont M. [I] est titulaire, pour des montants respectifs de 67 564, 62 628,52 et 6 897,49 euros, et sur deux comptes bancaires dont Mme [X] est titulaire, pour des montants respectifs de 15 902,77 et 20 980,19 euros.
4. Par ordonnance du 27 décembre 2019, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien des saisies.
5. Mme [X] et M. [Aa] ont relevé appel de cette ordonnance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa première branche
6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a autorisé le maintien de la saisie pénale du solde créditeur des comptes de M. [Aa] et Mme [Ab], alors :
« 2°/ que l'ordonnance autorisant le maintien de la saisie spéciale doit être motivée ; Que la chambre de l'instruction a autorisé le maintien de la saisie spéciale sans autrement motiver sa décision que par le risque de dissipation des fonds ; Qu'en statuant de la sorte, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des
articles 1er du premier protocole et 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme🏛, préliminaire, 591, 593, 706-141 à 706-158 du code de procédure pénale ;
3°/ que l'ordonnance autorisant le maintien de la saisie spéciale doit être motivée ; Que la chambre de l'instruction a autorisé le maintien de la saisie spéciale du solde créditeur des comptes de Mme [V] [X] sans motiver sa décision sur la participation de cette dernière aux faits reprochés à M. [F] [I] ; Qu'en statuant de la sorte, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1er du premier protocole et 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591, 593, 706-141 à 706-158 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles 593 et 706-154 du code de procédure pénale🏛🏛 :
8. Selon le second de ces textes, au cours de l'enquête préliminaire, la saisie d'un somme d'argent dont la confiscation est prévue par l'
article 131-21 du code pénal🏛 peut être ordonnée par un officier de police judiciaire sur autorisation du procureur de la République, le juge des libertés et de la détention, saisi par celui-ci, se prononçant sur son maintien dans les dix jours de sa réalisation.
9. Selon le premier, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Il se déduit de ces textes que, si la saisie d'une somme d'argent versée sur un compte n'est subordonnée ni à la mise en examen de son propriétaire ou titulaire, ni davantage à l'existence d'un risque de dissipation des biens, la chambre de l'instruction saisie de l'appel d'une ordonnance de saisie pénale spéciale doit apprécier l'existence d'indices de commission d'une infraction de nature à justifier la mesure de saisie pénale.
11 Pour confirmer le maintien de la saisie des comptes bancaires de Mme [X], l'arrêt attaqué énonce, notamment, que les sommes saisies sont confiscables en application des
articles 131-21, 313-1 et 313-2 du code pénal🏛🏛 et
L. 241-3 du code de commerce🏛.
12. Les juges précisent que le risque de dissipation des fonds issus de l'infraction que permet de prévenir la saisie constitue le fondement des saisies ordonnées.
13. Ils ajoutent que les infractions ont procuré un profit direct ou indirect aux mis en cause, au sens de l'article 131-21, alinéa 3, du code pénal, et que la saisie peut s'effectuer en valeur sur tous les biens leur appartenant ou dont ils ont la libre disposition, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi.
14. En prononçant par de tels motifs inopérants en ce qu'elle retient le risque de dissipation des fonds, la chambre de l'instruction qui n'a pas recherché l'existence d'indices de commission d'une infraction de nature à justifier la mesure de saisie pénale ordonnée à l'égard de Mme [X], a insuffisamment justifié sa décision.
15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation proposé, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 7 juillet 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre.