Jurisprudence : CAA Paris, 1ère ch., A, 29-11-2002, n° 01PA03042

CAA Paris, 1ère ch., A, 29-11-2002, n° 01PA03042

A7463A48

Référence

CAA Paris, 1ère ch., A, 29-11-2002, n° 01PA03042. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1125767-caa-paris-1ere-ch-a-29112002-n-01pa03042
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Abstract

La cour administrative d'appel de Paris confirme, dans un arrêt en date du 29 novembre 2002, que tout contribuable peut invoquer le droit au respect de ses biens prévu par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH). Le droit au respect des biens posé par le 1er protocole de la CEDH ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires.



N°s 01PA03042 01PA03911 02PA00842 --------------- Société LES GATINES --------------- Mme CAMGUILHEM, Président --------------- M. LENOIR, Rapporteur --------------- Mme MASSIAS, Commissaire du Gouvernement --------------- Séance du 15 novembre 2002 Lecture du 29 novembre 2002 C.P.
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE PARIS

(1ère chambre A)

VU I) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 septembre 2001 sous le n° 01PA03042, présentée pour la société LES GATINES dont le siège social est situé 3, rue Elsa Triolet 78370 Plaisir par la SCP LESOURD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s96300-965448-973748-975161-986670-994354 -003922 en date du 28 juin 2001 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1993 dans les rôles de la commune de Plaisir et à la décharge de la même taxe à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1994, 1995, 1996, 1997, 1998 et 1999 ;

2°) de prononcer la réduction et la décharge demandée ;
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Classement CNIJ : 19-03-03-01
B 26-055-02-01
VU II) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 20 septembre 2001 sous le n° 01PA03911, présentée pour la société LES GATINES dont le siège social est situé 3, rue Elsa Triolet 78370 Plaisir par la SCP LESOURD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; la société demande à la cour de suspendre, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution des avis de recouvrement dont elle a été destinataire le 31 août 1994, le 31 août 1995, le 31 août 1996, le 31 août 1997, le 31 août 1998 et le 31 août 1999 au titre de la taxe foncière bâtie dont elle a été déclarée redevable dans les rôles de la commune de Plaisir ;
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VU III) la requête, enregistrée le 6 mars 2002 sous le n° 02PA00842 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société LES GATINES, dont le siège est 3 rue Elsa Triolet à Plaisir (78370) ; la société LES GATINES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 012472 du tribunal administratif de Versailles en date du 8 janvier 2002 rejetant sa demande de décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2000 dans les rôles de la commune de Plaisir ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée ;
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VU les autres pièces du dossier ;

VU la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel ;

VU le code général des impôts ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2002 :

- le rapport de M. LENOIR, premier conseiller,

- les observations de Me LE SOURD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société LES GATINES,

- et les conclusions de Mme MASSIAS, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 01PA03042, n° 01PA03911 et n° 02PA00842 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Considérant que la société LES GATINES est propriétaire à Plaisir (Yvelines) d'un immeuble destiné à un usage industriel et commercial, à raison duquel elle a été assujettie au paiement de la taxe foncière sur les propriétés bâties ; qu'elle a réclamé contre les cotisations mises à sa charge au titre de cette taxe pour les années 1993 à 2000 en sollicitant le bénéfice du dégrèvement prévu par les dispositions du I de l'article 1389 du code général des impôts, au motif que l'entreprise à laquelle elle avait donné l'immeuble en location avait résilié son bail et quitté les lieux et que l'immeuble était resté inoccupé pour des raisons indépendantes de sa volonté pendant une durée supérieure à trois mois au cours de chacune des années d'imposition ; qu'elle relève appel des jugements en date du 28 juin 2001 et du 8 janvier 2002 par lesquels le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à la décharge des impositions susmentionnées ; que, par une troisième requête enregistrée le 20 novembre 2001, elle demande qu'il soit sursis à l'exécution des avis de recouvrement dont elle a été destinataire au titre des années 1994 à 1999 ;

En ce qui concerne les requêtes n° 01PA03042 et n° 02PA00842 :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1389 du code général des impôts : « I. Les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de la taxe foncière en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location ou d'inexploitation d'un immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel, à partir du premier jour du mois suivant celui du début de la vacance ou de l'inexploitation jusqu'au dernier jour du mois au cours duquel la vacance ou l'inexploitation a pris fin.- Le dégrèvement est subordonné à la triple condition que la vacance ou l'inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable, qu'elle ait une durée de trois mois au moins et qu'elle affecte soit la totalité de l'immeuble, soit une partie susceptible de location ou d'exploitation séparée… » ;

Considérant, d'une part, que la société LES GATINES soutient que l'article 1389 du code général des impôts serait contraire aux stipulations de l'article 1er du protocole précité en ce qu'il limiterait sans justification le bénéfice du dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux seules sociétés utilisant directement un immeuble dont l'exploitation est devenue impossible ; que, toutefois, le droit au respect des biens posé par ledit protocole ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat de mettre en œuvre les lois qu'il juge nécessaires ; que l'exclusion du bénéfice d'une exonération fiscale ne saurait être regardée comme portant par elle-même atteinte au respect des biens au sens de l'article 1er de ce protocole ; qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter ce moyen ;

Considérant, d'autre part, que la société requérante soutient que les impositions mises à sa charge sont d'une importance telle au regard de ses facultés contributives qu'elles équivalent à une confiscation de ses biens prohibée par les stipulations précitées ; que, toutefois, le principe du droit au respect des biens garanti par l'article 1er du protocole précité ne s'oppose pas à ce que le législateur national institue une imposition établie en fonction de la valeur foncière d'un bien immobilier ; que si l'application dudit principe s'oppose à ce que la mise en œuvre d'une imposition de cette nature conduise à ce qu'elle soit d'un niveau tel par rapport à la valeur du bien qu'elle équivale à une « confiscation » de ce dernier, ce n'est qu'à la condition que ladite « confiscation » trouve son origine dans l'application du texte fiscal et que le contribuable ait justifié qu'il a pris toutes les mesures nécessaires pour faire face à ses obligations ;

Considérant que la société LES GATINES ne peut soutenir que sa situation financière critique serait indépendante de sa volonté dans la mesure où cette situation découle du fait que son activité économique est limitée à la location d'un immeuble spécifiquement adapté à un type particulier d'activité industrielle sans qu'elle ait envisagé de solution de substitution ; que, par ailleurs, elle n'a communiqué à la cour aucun document relatif aux caractéristiques des bâtiments et installations en cause et, ainsi, ne démontre pas qu'elle aurait été dans l'impossibilité d'adapter les locaux initialement loués à la société Dassault afin de permettre l'accueil d'une nouvelle entreprise ; qu'enfin, elle n'établit pas avoir effectué les démarches nécessaires pour tenter de remettre son bien en location ou pour procéder à sa vente ; que, dans ces conditions, l'obligation faite à la requérante de procéder au paiement des sommes dues n'est pas de nature à faire regarder les impositions contestées comme contraires aux garanties instituées par l'article premier du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, que la société requérante ne saurait demander à bénéficier de l'exonération prévue par l'article 1389 du code général des impôts dès lors que, en tant que loueur de bâtiments industriels, elle n'utilise pas directement l'immeuble objet de l'imposition dans le cadre de son activité ;

Considérant que, par suite, la SOCIÉTÉ LES GATINES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués qui sont suffisamment motivés, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1993 et à la décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1994 à 2000 ;

En ce qui concerne la requête n° 01PA03911 :

Considérant que, compte tenu de ce qui précède il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société LES GATINES tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution des avis de recouvrement dont elle a été destinataire ;

D E C I D E :

Article 1er
: Les requêtes n° 01PA03042 et n° 02PA00842 de la société LES GATINES sont rejetées.

Article 2
: Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 01PA03911.

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