Jurisprudence : Cass. civ. 3, 07-11-2024, n° 22-14.088, FS-B, Cassation

Cass. civ. 3, 07-11-2024, n° 22-14.088, FS-B, Cassation

A19256EZ

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2024:C300583

Identifiant Legifrance : JURITEXT000050509899

Référence

Cass. civ. 3, 07-11-2024, n° 22-14.088, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/112540370-cass-civ-3-07112024-n-2214088-fsb-cassation
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Abstract

Ayant constaté qu'en exécution du jugement, les maîtres de l'ouvrage avaient reçu une somme qui n'avait pas été contestée devant elle par l'entrepreneur et son assureur, qu'elle avait confirmée et qui permettait d'exécuter les travaux, une cour d'appel, qui a fait ressortir l'absence de lien de causalité entre les manquements de l'entrepreneur et le préjudice de jouissance des maîtres de l'ouvrage postérieur à la date à laquelle l'ouvrage pouvait être remis en état, en déduit exactement que la demande d'indemnisation de ce préjudice ne peut être accueillie


CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 novembre 2024


Cassation partielle


Mme TEILLER, président


Arrêt n° 583 FS-B

Pourvoi n° T 22-14.088


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024


1°/ Mme [E] [W], épousAa [J],

2°/ M. [D] [J],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° T 22-14.088 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2022 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société [F] [P], dont le siège est [Adresse 3], exerçant sous l'enseigne Entreprise [P],

2°/ à la société SMA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de Me Soltner, avocat de M. et Mme [Aa], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société SMA, de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de M. [F] [P], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, MM. Pety, Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, Mmes Ab, Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 2 mars 2022), M. et Mme [Aa] ont confié à M. [Ac], assuré auprès de la société SMA, des travaux de construction de l'extension d'une maison.

2. La réception de l'ouvrage est intervenue le 21 décembre 2012.

3. Se plaignant de différents désordres apparus avant et après la réception, les maîtres de l'ouvrage ont assigné l'entrepreneur et son assureur en référé-expertise puis au fond.


Examen des moyens

Sur le troisième moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [Aa] font grief à l'arrêt de retenir une somme de 300 euros par mois à compter du 23 mai 2012 au titre du préjudice de jouissance et de limiter à 3 975 euros leur préjudice de jouissance pour la période postérieure à la décision de première instance, alors « que l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; qu'en l'espèce, pour refuser aux époux [J] l'indemnisation d'un préjudice de jouissance postérieur au 1er janvier 2021, la cour d'appel leur a reproché de ne pas avoir fait réaliser des travaux pour lesquels ils auraient reçu le financement nécessaire ; qu'en statuant ainsi, en reprochant aux époux [J] de ne pas avoir limité leur préjudice dans l'intérêt de M. [Ac], la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil🏛 (devenu 1231-1) ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice. »


Réponse de la Cour

6. Ayant constaté qu'en exécution du jugement, M. et Mme [Aa] avaient reçu, le 18 juin 2020, une somme qui n'avait pas été contestée devant elle par l'entrepreneur et son assureur, qu'elle avait confirmée et qui leur permettait d'exécuter les travaux, la cour d'appel, qui a fait ressortir l'absence de lien de causalité entre les manquements de l'entrepreneur et le préjudice de jouissance des maîtres de l'ouvrage postérieur au 1er janvier 2021, en a exactement déduit que la demande devait être rejetée.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.


Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. M. et Mme [Aa] font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite la demande reconventionnelle en paiement formulée par M. [P] et, statuant à nouveau, d'imputer la somme correspondante sur les sommes dues par M. [P] et la société SMA, alors « qu'aux termes de l'article 64 du code de procédure civile🏛, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire ; qu'en application de l'article L. 137-2 du code de la consommation🏛 dans sa version applicable à la cause, l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que la demande par laquelle le professionnel, pour minorer le montant des dommages et intérêts dus au consommateur qui l'assigne en responsabilité fait valoir une facture restée impayée, tend à obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire de sorte qu'elle doit être qualifiée de demande reconventionnelle ; qu'il en résulte qu'une telle demande est soumise à la prescription biennale des actions des professionnels contre les consommateurs ; qu'en l'espèce, en jugeant qu'une telle demande de M. [P] n'était qu'un « simple moyen visant à la juste évaluation du préjudice » en tant que telle soumise à aucune prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »


Réponse de la Cour

Vu les articles 64 et 71 du code de procédure civile🏛 :

9. Aux termes du premier de ces textes, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.

10. Aux termes du second, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.

11. Pour rejeter la fin de non-recevoir opposée par les maîtres de l'ouvrage à la déduction du solde du prix des travaux du montant des indemnités devant leur revenir, l'arrêt retient que l'entrepreneur ne formule pas une demande en paiement dont la recevabilité serait susceptible d'être contestée, mais un simple moyen visant à la juste évaluation du préjudice, dès lors qu'à défaut de déduction du solde de la facture les maîtres de l'ouvrage seraient indemnisés au-delà de leur préjudice.

12. En statuant ainsi, alors que constitue une demande reconventionnelle et non une défense au fond la demande de l'entrepreneur tendant au paiement, par compensation, de sa propre créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en ce qu'il déclare irrecevable la demande reconventionnelle en paiement formulée par M. [P], en ce que, statuant à nouveau, il déduit de la condamnation in solidum de M. [P] et de la société SMA au titre des travaux de reprise de la structure de la charpente et du plancher la somme de 9 541,20 euros correspondant au solde du prix des travaux de M. [Ac] et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, l'arrêt rendu le 2 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen autrement composée ;

Condamne M. [P] et la société SMA aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [P] et la société SMA et les condamne à payer à M. et Mme [Aa] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre.

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