N° F 23-84.530 FS-B
N° 01256
LR
6 NOVEMBRE 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 NOVEMBRE 2024
M. [Aa] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 31 mai 2023, qui, pour violences aggravées, l'a condamné à sept mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, deux ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation et une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Guérin-Gougeon, avocat de M. [Aa] [S], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 septembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Ab, Mme Ac, M. A Ad, Ae Af, Clément, conseillers de la chambre, M. Gillis, Mme Chafaï, M. Michon, Mme Bloch, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Le Roch, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [Aa] [S] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour violences habituelles n'ayant pas d'entraîné d'incapacité totale de travail d'une durée supérieure à huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité.
3. Par jugement du 2 mars 2022, le prévenu a été déclaré coupable de ces faits et condamné, notamment, à la confiscation des scellés.
4. Le prévenu, puis le ministère public et la partie civile, ont interjeté appel de la décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et cinquième branches, et le second moyen
5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛.
Mais sur le premier moyen, pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation des scellés, à l'exception des scellés numéros 01/INF, 02/INF, 03/INF, 04/INF et 05/INF, alors :
« 2°/ que la confiscation d'une arme n'est obligatoire que lorsque le délit a été commis avec elle ; qu'elle est sinon facultative ; qu'en se fondant, pour ordonner la confiscation des armes, sur ce que la mesure de confiscation était obligatoire et qu'il n'existait aucun motif, lié aux circonstances de l'infraction ou à la personnalité de M. [S], justifiant que la confiscation obligatoire des armes ne soit pas prononcée, la cour d'appel, qui n'a pourtant pas retenu que les faits de violence pour lesquels il a été condamné avaient été commis avec ces armes, a méconnu les
articles 131-21 et 222-44 du code pénal🏛🏛 ;
3°/ qu'en tout état de cause, en jugeant qu'il n'existait aucun motif lié aux circonstances de l'infraction ou à la personnalité de son auteur justifiant que la confiscation des armes ne soit pas prononcée, la cour d'appel, qui devait, par un raisonnement inverse, rechercher si les circonstances de l'infraction, la personnalité et la situation personnelle de son auteur devaient conduire au prononcé de la peine de confiscation litigieuse, n'a pas justifié sa décision, en méconnaissance des articles 131-21 et 222-44 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que le prononcé d'une interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation, qui est temporaire, n'implique ni ne permet de justifier une mesure de confiscation, qui est définitive, des armes détenues par le condamné ; qu'en se fondant, pour ordonner la confiscation des armes, sur ce qu'une telle sanction était en cohérence avec la peine d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation prononcée à l'encontre du condamné, la cour d'appel a violé les articles 131-21 et 222-44 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 131-21, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024, 222-44 et 132-1 du code pénal et 485-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la même loi :
7. Il résulte du premier de ces textes que la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, à l'exception des délits de presse, lorsqu'elle porte sur l'instrument, l'objet ou le produit de l'infraction. Cette peine est obligatoire pour les objets qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi ou le règlement, ou dont la détention est illicite, que ces biens soient ou non la propriété du condamné.
8. Selon le deuxième, les personnes physiques coupables des infractions d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la personne encourent la confiscation d'une ou plusieurs armes dont elles sont propriétaires ou dont elles ont la libre disposition. Cette peine est obligatoire pour les crimes et délits commis avec une arme, le tribunal correctionnel pouvant, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.
9. Il se déduit des troisième et quatrième que, en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine de confiscation doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire.
10. Pour confirmer la confiscation des armes appartenant au prévenu, de leurs munitions et de leurs accessoires, l'arrêt retient que l'article 131-21, alinéa 1er, du code pénal dispose que la peine complémentaire de confiscation est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, et que l'alinéa 7 de cet article ajoute que la confiscation est obligatoire pour les objets qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi ou le règlement.
11. Les juges ajoutent que, l'article 132-75 du même code définissant une arme comme tout objet conçu pour tuer ou blesser, il est indiscutable que les armes, quelle que soit leur catégorie, sont des objets dangereux ou nuisibles.
12. Ils ajoutent encore qu'aux termes de l'
article 222-44, I, 2°, du code pénal🏛, les personnes physiques coupables des infractions prévues au chapitre consacré aux atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne encourent la peine complémentaire de confiscation d'une ou plusieurs armes leur appartenant ou dont elles ont la libre disposition.
13. Ils relèvent qu'en l'espèce la procédure a mis en avant l'impulsivité du prévenu et des capacités d'introspection limitées, alors que la détention d'une arme, quels que soient sa catégorie et son usage, nécessite de la part de son propriétaire, du fait de sa dangerosité intrinsèque, une maîtrise de soi et une bonne gestion de ses émotions.
14. Ils en concluent qu'il n'existe aucun motif, lié aux circonstances de l'infraction ou à la personnalité de son auteur, justifiant que la confiscation obligatoire des armes, objets dangereux ou nuisibles, ne soit pas ordonnée, outre le fait qu'une telle confiscation est en cohérence avec la peine d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation par ailleurs prononcée.
15. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
16. En effet, d'une part, la peine obligatoire de confiscation des armes appartenant au condamné n'était pas encourue en l'espèce, dès lors que les faits reprochés au prévenu n'ont pas été commis avec l'usage d'une arme.
17. D'autre part, les dispositions du septième alinéa de l'article 131-21 du code pénal étaient impropres à fonder la confiscation des armes du prévenu, dès lors que ces dispositions ont seulement pour objet de rendre obligatoire la confiscation des biens lorsqu'elle est prévue par les autres alinéas de cet article.
18. Il s'en déduit que la confiscation des armes, prévue par le 6° du I de l'article 222-44 du code pénal, encourue par le prévenu, ne présentait pas de caractère obligatoire, de sorte qu'il appartenait à la cour d'appel de motiver cette peine au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité du prévenu et de sa situation personnelle.
19. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 31 mai 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées, les dispositions relatives à la restitution de certains scellés et au titre des frais irrépétibles étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre.