COIaR D'APPEL DE
VERSAILLES RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
13ème CHAMBRE POUR
Arrêt n° 5
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Extrait des minutes de Greffe de 'la Cour d'Appel de Versailles du 27 FÉVRIER 1997 Le VINGT SEPT FÉVRIER MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX SEPT
R.G. n° 2158/96 la Cour d'Appel de Versailles, 13ème Chambre
a rendu l'arrêt contradictoire suivant, prononcé en audience publique AFFAIRE la cause ayant été débattue
Mr Didier Z
Mme ... épouse ... en audience publique C/ le VINGT SEPT JANVIER MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX SEPT SCP LAUREAU-JEANNEROT et autres devant
Madame MONTEILS, Président Monsieur BESSE, Conseiller Madame BARDY, Conseiller
assistés de Madame ..., Premier Greffier.
Dans l'AFFAIRE
ENTRE
Monsieur Didier Z, né le ..... à NEUILLY SUR SEINE (92), SAINT GERMAIN
APPELANT ET INTIMÉ
CONCLUANT par la SCP KEIME-GUTTIN, Avoués près la Cour d'Appel de
VERSAILLES
PLAIDANT par Maître ..., Avocat au Barreau de NICE
Appel d'un jugement du 28 décembre 1995 du T.C. DREUX
Copie certifiée conforme
Expédition exécutoire
délivrée le Yr à SCP KEIME-GUTTIN
Me ...
SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON eivo
/VU t/t Pt ei 2 ) et
SCP LISSARRAGUE-DUPUIS c)L-ei s
SCP LEFEVRE & TARDY
e (impie lifftp g Pe /o3/,>.> Copie coefevme te 24 jeé/5e az ri. seetà A DEÏL 'Ne.t.- Me ri c lett .
Madame ... épouse ... Elisabeth, née le ..... à ABBEVILLE (SOMME), ABONDANT, prise en son nom personnel et en sa qualité de tutrice légale de ses enfants mineurs ... L., né le ..... à DIEPPE (76) et de ... K., née le ..... à DIEPPE (76)
APPELANTE
CONCLUANT par Maître ..., Avoué près la Cour d'Appel de
VERSAILLES
PLAIDANT par Maître ..., Avocat au Barreau de PARIS
ET
La SA APEL, ayant son siège SAINT REMY SUR AVRE
La SA BONDE ALMA, ayant son siège SOLIGNAC SUR LOIRE
La CAISSETTE EUROPÉENNE, SARL, ayant son siège SAINT REMY SUR AVRE
CAP ALMA, société en nom collectif, ayant son siège SOLIGNAC SUR LOIRE
Établissements PIERRE REMY, SA, ayant son siège SAINT REMY SUR AVRE
La SA REMORY, ayant son siège SAINT REMY SUR AVRE
REMY MATÉRIEL ( société en nom collectif), ayant son siège SAINT REMY SUR AVRE
La SCP LAUREAU-JEANNEROT, ayant son siège VERSAILLES, pris en qualité d'administrateurs judiciaires des société Établissements PIERRE REMY, de la SA REMORY et de la société Anonyme APEL
INTIMÉES
CONCLUANT par la SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON, Avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES
PLAIDANT par Maître ..., Avocat au Barreau de CHARTRES
Monsieur de ... G., demeurant NEUILLY SUR SEINE
INTIMÉ
Monsieur ... A., né le ..... à AUBERVILLIERS (93)
demeurant GARGES LES GONESSE
INTIMÉ
CONCLUANT par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS Avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES
PLAIDANT par Maître ..., Avocat au Barreau de PARIS
Monsieur ... G., demeurant PARIS
INTIMÉ
CONCLUANT par la SCP LEFEVRE-TARDY Avoués près la Cour d'Appel de
VERSAILLES
AYANT pour Avocat Maître ..., du Barreau de PARIS
Monsieur ... J., demeurant PARIS
INTIMÉ
Vu le Visa du Ministère Public en date du 24 janvier 1997.
o-o-o-o-o-o
Les sociétés du GROUPE REMY ont une activité d'emballage, fabrication de capsules, bouchages métalliques et plastiques. Elles sont implantées dans la région de SAINT REMY SUR AVRE depuis 1976.
Elles étaient placées depuis 1986 sous l'autorité de Monsieur P. ..., directeur général ; ce dernier en décembre 1989 a constitué une société HOLDING dont il était actionnaire majoritaire. Cette société a pris le contrôle de toutes les sociétés du Groupe.
Un organigramme figurant dans le dossier présenté au comité d'entreprise pour l'exercice 1991-1992 mentionne le nom de dix sociétés dont le capital est détenu en majorité par la SA REMY EMBALLAGES, dont Monsieur P. ... est actionnaire à
70%.
Le 25 janvier 1993, le Président du Tribunal de Commerce de DREUX a désigné un conciliateur pour tenter d'organiser les conditions d'un règlement amiable. Cette solution n'a pu être mise en oeuvre et par jugement du 4 février 1993, le redressement judiciaire a été ouvert sur déclaration de cessation de paiement faite par Monsieur ..., pour sept des sociétés du Groupe.
Le juge commissaire, par ordonnance du 23 février 1993, a désigné la société d'expertise comptable CEDOREC pour vérifier la comptabilité des sociétés du GROUPE REMY.
Le redressement judiciaire de la société REMY EMBALLAGES, HOLDING du groupe a été prononcé le 15 avril 1993 et la confusion des patrimoines a été prononcée par jugement du 3 février 1994 pour les dix sociétés du groupe, au vu du rapport de la société CEDOREC déposé en avril et mai 1993.
L'administrateur judiciaire des sociétés du Groupe a demandé l'application de sanctions à l'encontre des dirigeants et des héritiers de Monsieur ..., décédé en 1993.
Par jugement du 28 décembre 1995, le Tribunal de Commerce de DREUX a
- déclaré la SCP LAUREAU-JEANNEROT, agissant en qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire Établissements PIERRE REMY et autres, partiellement recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions,
- dit qu'il n'y a pas lieu ni à ouverture de procédure de redressement personnelle, ni à prononcé de sanction de faillite personnelle à vie à l'égard de
* Monsieur ..., en sa qualité d'administrateur des société Établissements PIERRE REMY, SA REMORY, et de représentant permanent au Conseil d'Administration de la société BONDE ALMA, Monsieur ..., en sa qualité de Directeur Général de la société REMORY SA,
* Monsieur Z, en sa qualité d'administrateur des société Établissements PIERRE REMY, SA REMORY et APEL,
* Monsieur ... ... en sa qualité d'administrateur de la société APEL,
* Monsieur L. ..., en sa qualité d'ayant droit à la succession de Monsieur P. ...,
* Mademoiselle K. ..., en sa qualité d'ayant droit à la succession de Monsieur P. ...,
* Madame ... épouse ..., en sa qualité de dirigeant des sociétés Établissements PIERRE REMY, SA REMORY, SNC REMY MATÉRIEL et la SA REMY EMBALLAGE qu'en sa qualité d'ayant droit à la succession de son époux décédé, Monsieur P. ..., dirigeant de l'ensemble des sociétés du GROUPE REMY, - dit la SCP LAUREAU-JEANNEROT, es-qualités, mal fondé en toutes ses demandes formulées à l'encontre de Monsieur G. de ..., domicilié à NEUILLY SUR SEINE 92200 et l'en a débouté,
- condamné Monsieur ... A., demeurant à GARGES LES GONESSE 95140 à payer à la SCP LAUREAU-JEANNEROT, es-qualités, la somme de 200.000 Francs au titre du comblement de passif partiel du redressement judiciaire Établissements PIERRE REMY et autres,
- condamné Monsieur ... A. à verser à la SCP LAUREAU JEANNEROT, es-qualités, la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC,
- dit la SCP LAUREAU-JEANNEROT, es-qualités, mal fondéen toutes ses demandes formulées à l'encontre de Monsieur G. ..., domicilié à PARIS 75019 et l'en a débouté,
- débouté Monsieur G. ... de sa demande dommages-intérêts pour procédure abusive à l'égard de la SCP LAUREAU JEANNEROT, es-qualités,
- condamné Monsieur Z Didier domicilié à SAINT GERMAIN SUR AVRE 27320 à payer à la SCP LAUREAU-JEANNEROT, es-qualités, la somme de 300.000 Francs au titre de comblement de passif partiel du redressement judiciaire Établissements PIERRE REMY ET autres,
- prononcé à l'égard de Monsieur Z Didier, en application de l'article 192 de la loi du 25 janvier 1985, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement, " toute entreprise, commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole" et toute personne morale et a fixé la durée de cette mesure à 8 ans, - condamné Monsieur Z Didier à verser à la SCP LAUREAU JEANNEROT, es-qualités, la somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC,
- donné acte à la SCP LAUREAU-JEANNEROT, es-qualités, de son désistement dans ses demandes visant à voir prononcer la faillite personnelle à l'encontre de Monsieur L. ... et de Mademoiselle K. ..., domiciliés tous deux à ABONDANT ,
- condamné Madame E. ... épouse ... domiciliée à ABONDANT 28570, prise en sa qualité de tutrice légale de
Monsieur L. ..., à payer à la SCP LAUREAU-JEANNEROT, es-qualités,
* la somme de 500.000 Francs au titre du comblement de passif partiel du redressement judiciaire Établissements PIERRE REMY et AUTRES,
* la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC,
Mademoiselle K. ... à payer à la SCP LAUREAU-JEANNEROT, es-qualités,
* la somme de 500.000 Francs au titre du comblement de passif partielle du redressement judiciaire Établissements REIVIY et AUTRES,
* la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC,
- condamné Madame E. ... épouse ..., domiciliée à ABONDANT 28570 à payer à la SCP LAUREAU-JEANNEROT, es-qualités, les sommes de
* 1.000.000 Francs au titre d'ayant droit à la succession de Monsieur ... P., sont époux,
* 2.500.000 Francs au titre du comblement de passif partiel du redressement judiciaire Établissements PIERRE REMY et autres,
* 20.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC,
- prononcé à l'égard de Madame E. ... épouse ... en application de l'article 192 de la loi du 25 janvier 1985, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement, "toute entreprise, commerciale ou artisanale, toutes exploitation agricole" et toute personne morale et a fixé la durée de cette mesure à 10 ans.
Ont fait appel de cette décision Monsieur Didier Z d'une part Madame E. ... veuve ..., en son nom personnel et en qualité de tutrice légale (sic) de ses enfants mineurs, L. ... et K. ....
Madame ... a fait appel à l'encontre de la société APEL, la société BONDE ALMA, Monsieur ..., la société LA
CAISSETTE EUROPÉENNE, la SNC CAP ALMA, la SNC BONDE ALMA, Monsieur de MAREUIL, Monsieur Z, Monsieur ..., Monsieur ..., la société Établissements PIERRE REMY, la société REMORY, la société REMY MATÉRIEL.
Elle s'est désistée par la suite de l'appel à l'encontre de Monsieur ... et de Monsieur de MAREUIL.
Monsieur Z a demandé l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 28 décembre 1995. Cette demande a été rejetée.
Monsieur Z demande à titre principal de dire qu'il doit être exonéré de toute responsabilité et d'infirmer le jugement.
A titre subsidiaire, de constater que les conditions d'application de l'article 180 ne sont pas réunies à son encontre, que les conditions d'application de l'article 189 ne peuvent être retenues à son encontre.
En conséquence d'infirmer le jugement.
A titre très subsidiaire, de limiter sa participation à 1 Franc du passif vérifié et accepté par application de l'article 244 alinéa 2 de la loi du 24 juillet 1966, de condamner la SCP LAUREAU-JEANNEROT à payer 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Il rappelle qu'il était administrateur des SA Établissements PIERRE REMY, SA REMORY, SA APEL et SA REMY EMBALLAGE.
Il soutient qu'il n'a commis aucune faute mais au contraire, a démissionné le 19 septembre 1992, après avoir refusé d'établir les comptes au 31 mars 1992 ; il s'est heurté à l'obstruction du Président des sociétés dont il était le subordonné et qui avait un comportement dictatorial.
Il estime que le jugement contient des contradictions, que le moyen tiré de la tardiveté du dépôt de bilan n'est pas fondé puisqu'il n'était pas dirigeant ; que les déclarations recueillies dans le rapport CEDOREC ne sont pas contradictoires et ne peuvent être retenues.
La SCP LAUREAU-JEANNEROT demande d'ordonner l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire personnelle à l'encontre de Monsieur Z, de juger qu'en conséquence il sera tenu in solidum au paiement, outre son passif personnel, l'intégralité du passif de l'ensemble des sociétés soumises à la procédure de redressement judiciaire des Établissements PIERRE REMY et autres, de prononcer par ailleurs une sanction de faillite personnelle pour 8 ans au moins.
A titre subsidiaire, de prononcer à l'encontre de Monsieur Z solidairement la sanction de comblement de passif, ainsi que la sanction de faillite personnelle pour 8 ans au moins, de le débouter de ses demandes, de le condamner à payer 20.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
La SCP LAUREAU-JEANNEROT soutient, en s'appuyant sur les constatations du Cabinet CEDOREC
- que Monsieur Z n'était pas un simple salarié, qu'il était directeur financier des Établissements PIERRE REMY et avait la qualité de dirigeant de quatre des sociétés du Groupe puisqu'il était administrateur, qu'il ne justifie d'aucune diligence pour mettre un terme aux agissements frauduleux et aux malversations constatées ; qu'il avait évidemment intérêt à la poursuite des activités des sociétés,
puisqu'il était rémunéré ; qu'il connaissait parfaitement la situation compromise et les agissements répréhensibles, qu'il a été négligent et a participé de façon active à l'établissement de comptes faux.
Monsieur Z demande en réplique de constater à titre subsidiaire que les conditions d'application de l'article 182 ne sont pas réunies.
Madame ... en son nom personnel et es-qualités demande d'infirmer le jugement, de dire que l'action initiée à l'encontre des héritiers de la succession MULOT doit être déclarée irrecevable en l'état, Karine, Laurent et E. ... n'ayant pas à ce jour la qualité d'héritiers et ce en application des dispositions des articles 795 et suivants du Code Civil, de dire qu'aucune condamnation au titre de l'article 180 ou au titre d'une responsabilité personnelle ne saurait être imputée à Madame ... dont il n'a pas été rapporté la preuve des fautes de gestion à elle reprochées, de condamner la SCP LAUREAU-JEANNEROT à payer 50.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Elle rappelle qu'elle et ses enfants ont accepté la succession sous bénéfice d'inventaire, ce qui ne leur confère pas la qualité d'héritier.
Elle conteste avoir commis des fautes, observe qu'elle était mariée sous le régime de la séparation de biens, que les opérations sur les "SCI TRIAGE DU PARC et la CAISSETTE EUROPÉENNE étaient la propriété de son mari, qu'elle ne peut donc être responsable.
La SCP LAUREAU-JEANNEROT demande de dire opposables aux appelants les conclusions signifiées à l'égard de Monsieur Z le 10 juin 1996.
A titre principal, d'ordonner l'ouverture d'une procédure de
redressement judiciaire personnelle à l'encontre de Madame ... en sa qualité de dirigeant des sociétés Établissements PIERRE REMY, SA REMORY, SNC REMY MATÉRIEL et SA REMY EMBALLAGE et en sa qualité d'ayant droit à la succession de son époux décédé dirigeant de l'ensemble des sociétés du GROUPE REMY,
- de Monsieur L. ... et Mademoiselle K. ..., ayant droits à la succession de Monsieur ...,
- de juger qu'ils seront tenus in solidum au paiement du passif personnel de l'ensemble des sociétés, outre leur passif personnel,
- de prononcer par ailleurs à l'encontre de Madame ... la sanction de faillite personnelle à vie.
A titre subsidiaire, à défaut de redressement judiciaire personnel à l'encontre des appelants de prononcer la sanction de comblement du passif des sociétés, en tout ou en partie,
- de condamner les appelants à payer in solidum 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Karine et L. ... demandent
- constater que Karine et L. ..., mineurs non émancipés, Font accepté la succession que sous bénéfice d'inventaire et ne peuvent de toute façon être considérés comme héritiers purs et simples de la succession de Monsieur P. ..., en application de l'article 761 du Code Civil,
- constater que Madame E. ... - MULOT n'a accepté la succession que sous bénéfice d'inventaire,
- donner acte à Madame ..., tant en sa qualité d'épouse de P. ... qu'en sa qualité d'administratrice légale de ses deux enfants, elle entend solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 800 du Code Civil,
- dire en conséquence, irrecevable, la demande de redressement judiciaire formulée tant à l'encontre de Madame ... à titre d'héritière qu'en sa qualité d'administratrice légale de ses deux enfants mineurs,
- constater qu'en l'absence d'inventaire de la succession de Monsieur P. ..., toute demande de condamnation est en l'état irrecevable à l'encontre de Madame ... et de ses deux enfants mineurs,
- constater en tout état de cause, que la SCP LAUREAU-JEANNEROT n'apporte pas la preuve de sa qualité de créancier de feu Monsieur P. ..., et ne dispose d'aucune créance certaine, liquide et exigible à son encontre.
Monsieur ... forme un appel incident.
Il demande d'infirmer le jugement, de débouter la SCP LAUREAU-JEANNEROT de ses demandes à son encontre, de la condamner à payer 50.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Il rappelle qu'il a été embauché par la société REMY en 1961 comme comptable, qu'il est entré en conflit, comme l'ensemble des cadres, avec Monsieur ..., que celui-ci a décidé de le licencier, que le 30 septembre 1991, il a reçu une indemnité de licenciement de
820.000 Francs ; qu'il n'a plus exercé aucune fonction à compter du 1er juin 1991.
Il soutient que sa fonction de directeur des achats ne lui permettait pas de connaître les difficultés de l'entreprise ni d'avoir d'influence sur les décisions du Groupe.
Monsieur ... demande de condamner les consorts ... solidairement à lui payer 20.000 Francs à titre de dommages-intérêts et 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC, au motif qu'il a été attrait dans la procédure sans raison puisque rien n'est demandé à son encontre.
La SCP LAUREAU-JEANNEROT dénonce les conclusions régularisées à l'encontre de Monsieur Z et des consorts ... à Monsieur ... et demande de débouter Monsieur ... de ses demandes.
DISCUSSION
Considérant que les affaires enrôlées sous les numéros 2158/96 et 3355/96 sont connexes, qu'il convient d'en ordonner la jonction et de statuer par un seul arrêt ; qu'il y a lieu également de constater le désistement partiel d'appel de Madame ... ;
Considérant sur la recevabilité des demandes de la SCP LAUREAU-JEANNEROT à l'encontre des héritiers de Monsieur ... ; que les actions à caractère patrimonial peuvent être exercées à l'encontre des héritiers même mineurs ; qu'il en est ainsi
des actions en comblement de passif ou en redressement judiciaire par application de l'article 182 de la loi de 1985 ;
Considérant que Madame ..., administrateur légal sous contrôle judiciaire de ses enfants Laurent et Karine ne pouvait accepter la succession en leur nom que sous bénéfice d'inventaire, et avec l'autorisation du juge des tutelles ; qu'il est établi qu'elle a obtenu cette autorisation le juge ayant d'ailleurs pris la précaution de mentionner l'éventualité d'une condamnation au paiement d'un passif de la société ; qu'il n'est pas justifié que Madame ... ait procédé aux formalités d'acceptation et d'inventaire ;
Considérant que le défaut d'accomplissement de ces formalités ne prive pas les héritiers mineurs du droit pour l'héritier devenu majeur de les accomplir ; qu'il n'est donc pas réputé avoir accepté purement et simplement la succession ;
Considérant que l'abstention de l'administrateur ou du tuteur ne suffit pas cependant à interdire ou retarder toute action portant sur les biens successoraux ;
Que les premiers juges ont justement observé que les héritiers ayant accepté sous bénéfice d'inventaire étaient tenus du paiement des dettes de la succession à concurrence de la valeur des biens recueillis ;
Qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur l'action en comblement de passif et en redressement judiciaire engagée contre les héritiers mineurs de Monsieur ..., qu'en effet, l'évaluation des sommes devant figurer au passif de la succession est nécessaire pour qu'ils puissent disposer des éléments leur permettant de prendre parti sur l'acceptation ou le refus de la succession de leur père ;
Qu'en outre, il n'est pas admissible qu'une éventuelle prescription de l'action ait pour conséquence de laisser les héritiers jouir de l'actif sans faire face au passif qui resterait ainsi le lot des seules créanciers du débiteur principal ;
Considérant que l'existence d'enfants mineurs, héritiers du dirigeant fautif d'une personne morale, n'est pas un obstacle à l'exercice des actions en comblement de passif et en redressement judiciaire, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré ces actions recevables;
Considérant que la SCP LAUREAU-JEANNEROT reprend devant la Cour sa demande tendant à faire ouvrir une procédure de redressement judiciaire, par application de l'article 182 de la loi de 1985, à l'encontre des dirigeants du GROUPE REMY ;
Considérant que c'est dans l'exercice de sa faculté d'appréciation et de choix que le Tribunal a écarté l'application de l'article 182 de la loi de 1985 aux enfants de Monsieur ..., que la Cour, usant de ce même pouvoir de choix, adoptera la même indulgence, tout en observant que la responsabilité des héritiers n'est pas en cause, mais celle de leur auteur ;
Considérant que l'insuffisance d'actif des sociétés du GROUPE
REMY est certaine et importante
- SA PIERRE REMY 49 Millions de Francs,
- SNC REMY MATÉRIEL 1,9 Million de Francs
- Société REMORY 5,6 Millions de Francs,
- CAISSETTE EUROPÉENNE 4,6 Millions de Francs
- APEL 790.000 Francs ;
Que pour le GROUPE cette insuffisance est voisine de 100 Millions de Francs ;
Considérant que les fautes commises par Monsieur P. ... sont patentes, qu'elles ne sont d'ailleurs même pas contestées par les héritiers ; qu'il suffit de rappeler que Monsieur P. ... était détenteur de la majorité du capital de la HOLDING, et partant du capital des autres sociétés ; qu'il est établi par les constatations du rapport CEDOREC que plusieurs années avant la déclaration de cessation des paiements, les comptes avaient été manipulés pour présenter une situation plus favorable aux tiers, que les bilans de la société PIERRE REMY étaient inexactes depuis 1990, que les commissaires aux comptes refusaient de certifier les comptes en 1990, qu'il existait certaines dissimulations, voulues par les organes dirigeants, notamment sur les congés payés, les stocks, les charges ; que les résultats présentés comme bénéficiaires (21 Millions de Francs) étaient en réalité lourdement déficitaires (environ 26 Millions de Francs) ; que les mêmes constatations pouvaient être faites pour les autres sociétés du GROUPE ;
Considérant qu'il est également établi que la société Établissements PIERRE REMY et ses filiales ont réalisé des opérations qui ne profitaient qu'à Monsieur P. ... et à sa famille achat d'un appartement au CHESNAY, appartenant à
Monsieur ..., grâce à un emprunt de 900.000 Francs sans autorisation du Conseil d'Administration ; achat d'une propriété à ABONDANT par la SCI TRIAGE DU PARC, grâce à un emprunt de 1 Million de Francs ; travaux de rénovation facturés à la SCI pour 350.000 Francs ; location de ce bien à Monsieur ... pour un loyer particulièrement modique ;
Considérant que les fautes de Monsieur P. ... ont contribué à la constitution du passif des sociétés et dans le même temps à son enrichissement personnel ; qu'il convient en conséquence de faire droit à l'appel incident de la SCP LAUREAU-JEANNEROT et de porter à la somme de 4 Millions de Francs, le montant de la contribution mise à la charge des Héritiers de Monsieur ... et de prononcer une condamnation solidaire ;
Considérant sur la responsabilité de Madame ..., que Madame E. ... était administrateur de la société PIERRE REMY SA, directrice des relations extérieures de cette société depuis janvier 1990, directrice du marketing de la SARL LA CAISSETTE EUROPÉENNE depuis octobre 1991, puis directrice de cette même société depuis le 1er septembre 1992 ; administrateur de la SA REMORY, de la SNC CAP ALMA, représentant permanent de la société REMY EMBALLAGE, associé de la SNC REMY MATÉRIEL; qu'elle assumait donc des responsabilités de dirigeant ; qu'elle était par conséquent tenue à une surveillance et à un contrôle sérieux de l'administration de ces entreprises, que sa passivité qui n'est d'ailleurs pas démontrée ou son incompétence ne sont pas une excuse exonératrice, que Madame ... a d'ailleurs revendiqué une participation réelle à l'activité sociale, notamment dans la société LA CAISSETTE EUROPÉENNE qu'elle prétend avoir dirigée ;
Considérant que les fautes relatées plus haut lui sont également imputables, qu'elles ont contribué à la très importante insuffisance d'actif, donc du préjudice subi par les créanciers, tout en augmentant son patrimoine personnel ;
Considérant qu'il y a donc lieu de faire droit en partie à l'appel incident de l'administrateur judiciaire, et de porter la condamnation fondée sur l'article 180 de la loi de 1985 à la somme de 3 Millions de Francs ;
Considérant qu'aux fautes retenues à l'encontre de Madame ..., usage des biens des personnes morales contraire à l'intérêt de celles-ci et à des fins personnelles, poursuite d'une activité déficitaire, comptabilité inexacte, volontairement manipulée, s'ajoute encore la tardiveté de la déclaration de cessation des paiements ; qu'en effet l'état de cessation de paiement du Groupe était constitué dès le mois de janvier 1992 pour la SA Établissements PIERRE REMY, juin 1992 pour REMY MATÉRIEL et octobre 1992 pour la société REMORY ;
Considérant que compte tenu des fautes retenues il n'y a pas lieu de faire bénéficier Madame ... des dispositions de l'article 192 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'il convient de faire application des dispositions de l'article L 188 et de prononcer une mesure de faillite personnelle de 15 ans ;
Considérant sur la responsabilité de Monsieur Z, que Monsieur Didier Z était administrateur de la SA Établissements PIERRE REMY, de la SA REMORY, de la SA APEL, de la SNC CAP ALMA, SA REMY EMBALLAGE ; qu'en cette qualité sa responsabilité de dirigeant est patente ; qu'elle est d'autant plus évidente que Monsieur Z n'était pas totalement incompétent ou naïf puisqu'il avait été chef de section comptable aux Établissements PIERRE REMY, puis directeur financier ;
Considérant que son attitude passive n'est ni excusable, ni explicable, que la crainte révérencielle d'un dirigeant particulièrement autoritaire ne suffit pas à justifier son inaction persistante, que les manipulations de la comptabilité lui sont particulièrement imputables ; que sa démission tardive est intervenue alors que les sociétés étaient déjà dans une situation complètement obérée dont il avait nécessairement conscience en raison de ses fonctions ; qu'il est inexact de soutenir qu'il ne retirait aucun intérêt personnel dans la poursuite d'exploitation, car il percevait un salaire qui n'était pas tout à fait aussi négligeable qu'il le prétend ; que c'est donc à juste titre, et par une appréciation particulièrement bienveillante que les premiers juges ont limité à 300.000 Francs le montant de la condamnation au titre du comblement de passif ;
Considérant par contre que le Tribunal ne pouvait faire bénéficier Monsieur Z des dispositions de l'article L 192 dès lors qu'il estimait ne pas devoir reprocher à celui-ci l'omission de déclaration de cessation de paiement dans le délai légal, que seules les dispositions des articles 187 et 188 étaient applicables ; qu'il y a
donc lieu de prononcer à son encontre une sanction de faillite personnelle de 8 ans ;
Considérant sur la responsabilité de Monsieur ..., que celui-ci était administrateur des sociétés Établissements PIERRE REMY SA, REMORY SA et représentant permanent de la SA PIERRE REMY, administrateur de BONDE ALMA SA, qu'il est resté administrateur des dites sociétés jusqu'au 26 décembre 1991, après cessation de ses fonctions de salarié des Établissements PIERRE REMY le 1er juin 1991 ; qu'il était dirigeant de droit jusqu'à la fin décembre 1991, c'est à dire pendant la période suspecte puisque la date de cessation de paiement du GROUPE REMY a été fixée au 5 août 1991 par jugement définitif du 5 mai 1994, que sa contestation sur la date de cessation de paiement n'est donc pas fondée ;
Considérant que Monsieur ... tente de s'exonérer de tout principe de responsabilité en faisant valoir qu'il a été licencié par Monsieur ... début 1991, qu'il n'a plus exercé aucune fonction dès le mois de juin 1991, qu'il ne peut être condamné sur la base d'un rapport d'expertise qui n'est pas contradictoire à son égard, et qu'il n'a commis aucune faute ;
Considérant qu'on peut observer que Monsieur ... qui était âgé lors de son licenciement de 55 ans et a pu faire valoir depuis ses droits à la retraite n' avait pas fait état de difficultés relationnelles avec Monsieur ... avant cette période ; qu'il n'a pas démissionné mais a négocié son licenciement avec indemnité et n'a en Conseil d'
Administration émis aucune critique sur la gestion de Monsieur ... ;
Considérant qu'outre ses fonctions d'administrateur, Monsieur ...4i0LI ancien chef comptable du GROUPE jusqu'en 1986 était directeur des achats, qu'il ne saurait faire admettre que cette activité ne lui permettait pas de connaître les difficultés que connaissait le GROUPE et les manipulations des comptes ; il ne démontre pas qu'il ne rencontrait jamais ses collègues, n'avait plus aucune relations avec ses anciens subordonnés du service comptable et ne participait pas aux Conseils d'Administration ;
Considérant que Monsieur ... connaissait nécessairement les difficultés rencontrées avec les Commissaires aux Comptes des sociétés (rapport au 31 mars 1991) ; qu'il avait l'obligation, en raison de ses fonctions d'administrateur, de s'intéresser de manière précise à la gestion des entreprises, à solliciter des informations s'il ne les avait pas reçues ou les jugeait insuffisantes ;
Considérant que le rapport établi par le Cabinet CEDOREC n'est pas un rapport d'expertise, qu'il s'agit d'une mission ordonnée par le juge commissaire et confiée à un technicien, que les règles relatives à l'expertise ne s'appliquent pas, que de plus Monsieur ... a eu connaissance du rapport écrit et a pu le discuter ;
Considérant que les fautes reprochées à Monsieur ... sont les mêmes que celles qui ont été retenues à l'encontre des autres administrateurs poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel (salaire mensuel de 27.315 Francs par mois sur 13 mois), comptabilité irrégulière, falsifiée et manipulée ;
Considérant que l'inaction de Monsieur ... est fautive, que c'est à juste titre que le Tribunal a prononcé une condamnation pécuniaire, au demeurant modique au regard du passif ;
Considérant que pour les motifs retenus plus haut, à l'égard des autres dirigeants les dispositions de l'article L 192 ne peuvent bénéficier à Monsieur ..., que la sanction de faillite personnelle est seule applicable, qu'il1 a lieu de la prononcer pour une durée de 8 années ;
Considérant que la responsabilité de Monsieur ... n'est pas recherchée en cause d'appel, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de sanction à l'encontre de Monsieur ... ; que la demande en dommages-intérêts de Monsieur ... est fondée à l'encontre de Madame ..., la mise en cause de Monsieur ... devant la Cour n'étant pas justifiée et l'action en comblement de passif ou en sanctions ne lui appartenant pas ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande dans la limite de 10.000 Francs ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCP LAUREAU-JEANNEROT et de Monsieur ... la totalité des frais irrépétibles exposés par eux ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Constate le désistement d'appel de Madame ... es-qualités et personnellement à l'égard de Monsieur G. de ... et de Monsieur J. ...,
Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 3355/96 et 2158/96, Statuant par un seul arrêt,
Emende le jugement du 28 décembre 1995,
Condamne Madame ... épouse ... en sa qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire de K. ..., née le ..... à DIEPPE (76) et de L. ... né le ..... à DIEPPE (76) et en son nom personnel en qualité d'ayant droit à la succession de son mari décédé, à payer solidairement à la SCP LAUREAU-JEANNEROT une somme de TROIS MILLIONS DE FRANCS (3.000.000 Francs) au titre du comblement partiel du passif du redressement judiciaire des sociétés du GROUPE REMY,
Condamne Madame ... épouse ... personnellement à payer à ta SCP LAUREAU-JEANNEROT au titre du comblement partiel du passif des sociétés du GROUPE REMY une somme de TROIS MILLIONS DE FRANCS (3.000.000 Francs), Prononce à l'égard de Madame ... une mesure de faillite personnelle de quinze années,
Enjoint à Madame ... de céder les actions et parts sociales qu'elle détient dans les sociétés du GROUPE,
Prononce à l'égard de
- Monsieur Z une mesure de faillite personnelle de huit années,
- Monsieur ... une mesure de faillite personnelle de huit années,
Confirme le jugement en ses autres dispositions non contraires aux présent arrêt,
Renvoie la cause et les parties devant le Tribunal de Commerce compétent pour poursuite de la procédure et accomplissement des formalités légales,
Condamne Madame ... à payer à Monsieur ... la somme de DIX MILLE FRANCS (10.000 Francs) à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et celle de CINQ MILLE FRANCS (5.000 Francs) sur le fondement de l'article 700 du NCPC et à payer à la SCP LAUREAU-JEANNEROT la somme de TRENTE
MILLE FRANCS (30.000 Francs) sur le fondement de l'article 700 du NCPC,
Condamne Monsieur Z à payer à la SCP LAUREAU-JEANNEROT la somme de VINGT MILLE FRANCS (20.000 Francs) sur le fondement de l'article 700 du NCPC,
Déboute les parties de toutes autres demandes,
Condamne Madame ... es-qualités et personnellement, Monsieur Z et Monsieur ... aux dépens et accorde à la SCP FIEVET-ROCHETTE-LAFON et à la SCP LEFEVRE & TARDY, Avoués, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du NCPC, Et ont signé le présent arrêt
Madame ..., Président
Madame ..., Premier Greffier.