SOC.
PRUD'HOMMESC.B.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 15 janvier 2003
Rejet
M. CHAGNY, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Pourvoi n° V 00-44.799
Arrêt n° 66 F D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ la société Groupe Monin, société anonyme dont le siège est Bourges,
2°/ la société Georges Monin, société anonyme dont le siège est Bourges Cedex,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 juin 2000 par la cour d'appel de Bourges (Chambre sociale), au profit de M. Henri X, demeurant Bourges,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 novembre 2002, où étaient présents M. Chagny, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Bailly, conseiller rapporteur, M. Frouin, Mme Lebée, conseillers référendaires, M. Duplat, avocat général, Mme Guyonnet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Bailly, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat des sociétés Groupe Monin et Georges ..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X, les conclusions de M. Duplat, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X, qui était entré en 1976 au service de la société Georges Dubois et qui exerçait en dernier lieu des fonctions de directeur général adjoint, a été licencié le 24 juin 1998 pour faute grave par la société Groupe Monin, société holding constituée en 1996 ; qu'il a alors saisi le juge prud'homal de demandes tendant à faire constater la nullité de ce licenciement et prononcer la résiliation de son contrat, aux torts de la société Georges Monin ;
Sur le premier moyen du pourvoi de la société Georges Monin
Attendu que la société Georges Monin fait grief à l'arrêt attaqué (Bourges, 9 juin 2000) d'avoir, à la demande de M. X, réformé le jugement qui l'avait mise hors de cause, alors, selon le moyen, qu'il ne résulte d'aucun des termes de l'arrêt que M. X ait formé un appel principal contre la société Georges Monin, en sorte qu'en accueillant ses demandes sur la base des conclusions d'appel incident déposées à l'audience, telles que reproduites dans l'arrêt, la cour d'appel a, en violation des articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile, méconnu le principe du contradictoire, faute d'avoir recherché si lesdites conclusions avaient été notifiées à la société Georges Monin ;
Mais attendu qu'il résulte du dossier de la procédure que la société Georges Monin avait été informée le 3 janvier 2000 par le greffe du conseil de prud'hommes de la déclaration d'appel incident de M. X et qu'elle avait été régulièrement convoquée à l'audience de la cour d'appel par une lettre recommandée dont elle a accusé réception le 17 janvier suivant ; qu'il s'ensuit qu'elle a été mise en mesure de débattre contradictoirement à cette audience des moyens invoqués par M. X au soutien de son appel incident et qu'elle ne saurait se prévaloir de sa propre défaillance pour reprocher au juge d'appel d'avoir fait droit aux demandes du salarié ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi de la société Georges Monin
Attendu que la société Georges Monin fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle était l'employeur de M. X et que le licenciement notifié par la société Groupe Dubois était nul, alors, selon le moyen, que l'article L. 122-12 du Code du travail s'applique de plein droit et n'est pas laissé à la discrétion des salariés concernés, que dès l'instant où la société Georges Monin avait situé le transfert de M. X à la société Groupe Monin dans le cadre de ce texte, il incombait à la cour d'appel de rechercher s'il n'y avait pas eu modification dans la situation juridique de l'employeur avec transfert d'une entité économique, peu important à cet égard qu'un nouveau contrat ait été proposé à M. X et que celui-ci l'ait refusé, puisque la relation de travail était maintenue par rapport au contrat initial ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a manifestement privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
Mais attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, bien que régulièrement convoquée, la société Georges Monin n'a pas comparu devant la cour d'appel ; qu'ainsi, le moyen est nouveau et, mélangé de fait et de droit, irrecevable ;
Sur les troisième et quatrième moyens réunis du pourvoi de la société Georges Monin
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la rupture du contrat de travail incombait à la société Georges Monin et de l'avoir en conséquence condamnée à payer à M. X diverses indemnités de rupture, des dommages-intérêts et un rappel de salaires jusqu'à la date de résiliation, ainsi que des primes d'ancienneté, alors, selon les moyens
1°/ qu'à supposer que la société Georges Monin soit, en raison de la nullité du licenciement, demeurée l'employeur de M. X, elle ne pouvait être tenue de verser la totalité des salaires auxquels celui-ci aurait pu prétendre entre la date de son départ et la date de l'arrêt attaqué, faute pour lui d'avoir fourni ou offert la moindre contrepartie de travail pendant la période considérée, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel qui n'aurait pu prononcer qu'une éventuelle condamnation à des dommages-intérêts, a violé l'article L. 121-1 du Code du travail et les articles 1780 et 1184 du Code civil ;
2°/ qu'en se bornant à affirmer que la société Georges Monin aurait omis de verser une prime à laquelle le salarié aurait pu prétendre, aurait cherché à transférer le contrat de travail "en sachant pertinemment que des conditions moins favorables lui étaient proposées", qu'elle aurait entrepris "insidieusement de le priver de la plénitude de ses responsabilités" sans fournir la moindre indication sur les éléments objectifs qui devaient servir de base à la qualification de ces fautes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1184 du Code civil ;
3°/ que la cour d'appel ne pouvait sans se contredire, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, considérer que la société Groupe Monin n'était pas l'employeur de M. X et cependant tenir compte des fautes imputées à celle-ci pour justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de la société Georges Monin ;
4°/ que le juge a la faculté de moduler le montant de licenciement prévu par le contrat de travail et ce même d'office, en sorte que la cour d'appel qui se borne à relever que la demande de réduction n'émanait pas de la société Georges Monin défaillante, mais d'un tiers, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1152 du Code civil ;
5°/ que la cour d'appel qui retient qu'aucun élément propre n'est de nature à remettre en cause l'accord librement intervenu entre le salarié et l'employeur quant à cette indemnité, sans s'expliquer sur le fait que celui-ci représentait une augmentation de 86 % de l'indemnité de licenciement résultant de la convention collective, a manifestement privé sa décision de base légale au regard de l'article 1152 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que la société Georges Monin n'ayant pas comparu devant la cour d'appel, les moyens sont nouveaux et, mélangés de fait et de droit, irrecevables, sauf en leur troisième branche ;
Attendu, ensuite, que, sans se contredire, la cour d'appel a relevé à la seule charge de la société Georges Monin un ensemble de manquements à ses obligations dont elle a pu déduire que la résiliation du contrat de travail devait être prononcée à ses torts ; que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Sur le moyen unique du pourvoi de la société Groupe Monin, tel qu'annexé au présent arrêt
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen, qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi formé au nom de la société Georges Monin ;
Déclare non admis le pourvoi formé au nom de la société Groupe Monin ;
Condamne la société Groupe Monin et la société Georges Monin aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Georges Monin à payer à M. X la somme de 2 100 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille trois.