Jurisprudence : TA Montpellier, du 29-10-2024, n° 2405722

TA Montpellier, du 29-10-2024, n° 2405722

A20966DY

Référence

TA Montpellier, du 29-10-2024, n° 2405722. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/112462232-ta-montpellier-du-29102024-n-2405722
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Abstract

► Une offre dont le contenu (à travers un fichier zip) ne peut être contrôlé et régularisé par le pouvoir adjudicateur est irrecevable.


Références

Tribunal Administratif de Montpellier

N° 2405722


lecture du 29 octobre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires enregistrées les 4, 9 et 23 octobre 2024, la société de droit Luxembourgeois Solutions 30 SE, représentée par la Scp August Debouzy, demande au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative🏛 :

1°) d'annuler la procédure de passation du marché relatif à la conception-réalisation d'un réseau de communications électroniques à très haut débit sur le département des Pyrénées Orientales numérique 66-zone complétude-phase 3 ;

2°) de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- selon l'article 2.1 du règlement de la consultation le délai de validité des offres expirait le 13 septembre 2024, or, du courrier de rejet qui lui a été adressé le 27 septembre 2024, il se déduit que ce n'est qu'à cette date que le département a retenu l'offre du Groupement pressenti, compte tenu de l'obligation d'informer les candidats non retenus du rejet de leur offre, dès le choix de l'attributaire, il apparaît donc que l'attribution du marché a été faite postérieurement à l'expiration du délai de validité des offres de sorte que le département a retenu une offre devenue caduque, en méconnaissance de son propre règlement de la consultation ;

- elle a présenté le 15 mai 2024, en qualité de mandataire du groupement formé avec la société Lumycom, une offre sur le marché qui a été rejetée le 27 septembre 2024 par le département comme incomplète, et donc irrégulière, au motif que le dossier nommé " 3 - Me¦ümoire technique et environnemental ", vide de tout fichier, ainsi qu'un fichier dénommé " ._3 - Me¦ümoire technique et environnemental " de l'offre dont la taille était de 1Ko ne s'ouvrait sur aucun des postes informatiques utilisés ;

- le rejet de son offre est irrégulier, dès lors qu'elle démontre avoir accompli les diligences normales de dépôt complet, le 15 mai à 15h11, de ses fichiers sous format " zip " autorisé par la plateforme, non corrompu avant sa transmission, lequel n'était pas prohibé au règlement de la consultation, la preuve en est fournie par la plateforme d'AWS qui a émis un bordereau de contrôle des plis dématérialisés confirmant un dépôt de 563 497 158 octets, ce chiffre était conforme au volume du dossier " Pieces de l'offre- Solutions 30 Lumycom.zip ", " Archives zip ", déposé tel que figurant dans les propriétés dudit fichier ; ce dossier contenait toutes les pièces sans problème de nommage ou d'ouverture, en particulier s'agissant du mémoire technique et environnemental et il s'ouvre sans difficulté sur ses postes dans un environnement Mac mais aussi celui d'autres personnels sous environnement PC, ainsi que sur celui des autres membres du groupement ;

- la circonstance qu'elle a réalisé son dépôt deux heures avant l'heure limite est inopérante ainsi que le fait qu'elle n'a pas déposé de copie de sauvegarde, laquelle n'est pas obligatoire ;

- à compter de la date limite de remise des offres, elle ne dispose pas d'un accès à la plateforme AWS lui permettant de prouver davantage qu'elle a bien remis les documents requis sans aucun dysfonctionnement ;

- si le département n'a pas réussi à ouvrir les documents, une telle difficulté n'est imputable qu'à lui-même, dès lors qu'il a imposé aux candidats une dénomination des pièces ou fichiers identique à celle prévue dans le règlement de la consultation - dont il est utilement rappelé qu'il est obligatoire dans toutes ses mentions et qu'il semble ressortir des termes de son courrier qu'un dysfonctionnement ait pu se produire en raison de la présence d'un accent dans la dénomination du fichier (cf. le changement " Mémoire technique et environnemental " en " Me¦ümoire technique et environnemental " ;

- le constat d'huissier est entaché d'incohérences, tout d'abord sur la présence de fichiers fantômes : la présence du dossier _MACOSX correspond à un fichier caché généré automatiquement par les systèmes MacOS lors de la compression de fichiers, il ne s'agit pas de fichiers corrompus ni de fichiers volontairement soumis par la candidate, le fait que le fichier nommé " .3 - Me¦ümoire technique et environnemental " soit de 1 Ko est un indicateur typique de fichiers fantômes ou de métadonnées créés par MacOS, souvent représentés par un "." au début de leur nom, ces fichiers ne sont pas destinés à être ouverts ou utilisés ; ensuite si il est relevé que le fichier ZIP compressé a été reçu, mais que des erreurs se sont produites lors de son extraction, l'erreur de décompression mentionnée dans le constat peut être liée à des paramètres techniques, tels que le format de compression utilisé ou un problème de compatibilité entre les systèmes Windows et MacOS, et cela ne signifie pas que les fichiers principaux sont corrompus, mais plutôt que le système de l'acheteur n'a pas su correctement interpréter la structure des fichiers, et le procès-verbal ne fait pas état d'une tentative du commissaire de justice d'utiliser un outil de décompression alternatif ou mis à jour, tel que le logiciel RAR, largement utilisé pour gérer des problèmes de compatibilité inter-systèmes ; en outre si le procès-verbal mentionne également la présence d'un fichier nommé " Me¦ümoire technique et environnemental ", en évoquant une possible corruption due à un problème d'accentuation, le changement de "Mémoire" en "Me¦ümoire" provient d'un problème d'encodage des caractères entre MacOS et Windows, une situation bien documentée lorsqu'il s'agit d'accents et de caractères spéciaux, et ce type de problème ne concerne que l'affichage du nom du fichier, et non son contenu ou sa lisibilité, donc n'altère pas le contenu réel des fichiers ; enfin, si le procès-verbal indique que l'intégrité des fichiers ne peut être confirmée, il omet de mentionner que l'offre comprenait un fichier ZIP de plus de 500 Mo, attestant ainsi d'un contenu substantiel ; il est incohérent de conclure à l'incomplétude d'un fichier volumineux sans explorer en détail pourquoi seulement certaines parties du fichier seraient inaccessibles ; si le fichier " Mémoire technique et environnemental " était effectivement corrompu, cela aurait pu être vérifié en comparant la taille réelle du fichier et celle attendue ;

- il ressort du procès-verbal de constat que l'inaccessibilité de certains fichiers résulte non pas d'une erreur de sa part, mais d'une mauvaise manipulation des fichiers lors de leur décompression par le Département ; le commissaire de justice, après avoir indiqué que le dossier " Offre " contient deux sous-dossiers et un fichier compressé en extension .zip, n'apparait avoir ouvert que le fichier " Zip Archives " intitulé " Pièces de l'offre - Solutions30 Lumycom.zip ", or, le procès-verbal montre qu'un fichier portant exactement le même nom était déjà décompressé et présent dans le même répertoire ce qui laisse à penser que le fichier avait déjà été décompressé précédemment ; le département aurait également dû ouvrir le dossier non zippé intitulé " Pièces de l'offre - Solutions30 Lumycom " qui apparait dans son dossier " Offre ", ce qu'il ne prouve pas avoir fait et cela crée un doute sérieux sur la rigueur de traitement de son offre par le département qui n'a pas procédé aux diligences que les candidats peuvent raisonnablement attendre d'un acheteur public ; en décompressant le dossier " Zip Archives " sans renommer le dossier décompressé qui en résulte, et qui porte le même nom que le dossier zippé dans " .zip " à la fin, le commissaire de justice a nécessairement écrasé le précédent dossier intitulé " Pièces de l'offre - Solutions30 Lumycom " non ouvert qui figurait dans le dossier d'offre du département, ce faisant, le dossier " Pièces de l'offre - Solutions30 Lumycom ", non ouvert par le département alors même qu'il était parfaitement complet et non corrompu, a été écrasé et remplacé par le dossier décompressé par le commissaire de justice ;

- la gestion des fichiers compressés semble avoir été effectuée de manière incorrecte et en cas de conflit de noms entre le fichier ZIP et les fichiers déjà extraits, le risque d'écrasement partiel ou complet est réel, de sorte qu'une telle manipulation aurait pu corrompre ou rendre inaccessibles certains fichiers, pourtant aucune procédure de vérification supplémentaire, comme l'utilisation de logiciels alternatifs de décompression, ne semble avoir été mise en œuvre pour s'assurer que le fichier ZIP n'était pas altéré lors de la première tentative de décompression ; ainsi les plis déposés par les candidats ont été réimportés le 14 mai 2024 par Mme B, puis ouverts par celle-ci, or, le constat du commissaire de justice a été fait sur le PC professionnel de Monsieur A, de sorte qu'il n'est nullement probant des problèmes rencontrés par Mme B, lorsqu'elle a réimporté le dossier " Zip Archives ", qui ont affecté le dossier de fichier contenant le mémoire technique et environnemental, en ce sens, en page 8 le procès-verbal indique que ce dossier de fichier a été créé le 14 mai 2024 à 10h43, soit pendant la période où Mme B réimportait les dossiers.

Par un mémoire enregistré le 18 octobre 2024, le département des Pyrénées-Orientales, représenté par Me Mokhtar, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la société requérante, qui n'a pas utilisé la possibilité,

qui lui était offerte au règlement de la consultation, de déposer une copie de sauvegarde, ne s'est pas assurée, avant l'envoi de son offre, que l'ensemble des documents chargés sur la plateforme étaient exploitables, or, ce n'est qu'après avoir constaté que le soumissionnaire avait pris les précautions nécessaires et qu'aucun dysfonctionnement en interne ne pouvait expliquer leur erreur, que le juge administratif analyse les mesures prises par l'acheteur, et les dysfonctionnements éventuels de la plateforme ;

- le bordereau de contrôle produit par la société Solutions 30 SE faisant état d'un dépôt d'un dossier de 553 615 514 octets ne s'oppose absolument pas à la constatation de l'incomplétude de son offre ;

- si un le problème avait pour origine l'accent dans la dénomination d'un fichier, il aurait dû être constaté au stade de la dénomination des dossiers .ZIP. Il est en effet constant que la plateforme de dépôt des offres ne peut aucunement modifier le contenu des fichiers contenus au sein des dossiers .ZIP ; deux dossiers apparaissent après extractions, un premier dossier intitulé " _MACOSX qui contient un dossier nommé " Pièces de l'offre - Solution30 Lumycom " avec toute une série de pièces toutes de taille 1Ko , dont la pièce dénommée " ._3 - Me¦ümoire technique et environnemental " par laquelle l'ouverture affiche un message d'erreur et un second dossier intitulé " Pièces de l'offre - Solution30 Lumycom " dans lequel on retrouve les mêmes pièces de taille 1 Koqu'au sein du second dossier à la même dénomination, cette fois-ci non corrompues, à l'exception d'une seule dénommée " ._3 - Me¦ümoire technique et environnemental ", en revanche, dans ce dossier, c'est désormais un sous-dossier qui porte la dénomination " ._3 - Me¦ümoire technique et environnemental ", mais il est vide ; en définitive, il n'y avait qu'une seule pièce dénommée " ._3 - Me¦ümoire technique et environnemental ", laquelle ne faisait qu'1 Ko, et ne pouvait être ouvert, ce qu'atteste dans son constat le commissaire de justice mandaté qui relève, en effet, d'une part, que la décompression du fichier .ZIP fait apparaître deux messages d'erreur qui témoignent de la présence de fichiers corrompus, ou non entièrement téléchargés, à l'intérieur du dossier .ZIP, d'autre part, que le sous dossier " ._3 - Me¦ümoire technique et environnemental " contenu dans le dossier " Pièces de l'offre - Solutions 30 Lumycom " obtenu au terme de la décompression est vide de tout fichier, la taille du dossier était affichée comme faisant 0 Ko ; ainsi, la circonstance que le fichier dénommé " ._3 - Me¦ümoire technique et environnemental " ne fasse qu'1 Ko ne s'oppose aucunement à ce que la société Solutions 30 SE ait effectivement déposé un dossier de 553 615 514 octets ;

- s'agissant des accents, la société requérante n'a pas pris toutes les précautions pour s'assurer que son offre était exempte de tout vice ; le fichier " Annexe2 cadre de réponse " ne comportait aucun accent dans sa dénomination, et il ne peut être valablement soulevé que la conservation du nom d'origine pourrait être à l'origine du dysfonctionnement, par ailleurs, et à défaut de précision par le règlement de la consultation, et alors que le département n'a fourni aucune matrice de documents comportant des accents le cas échéant des " é ", il fallait donc se reporter aux conditions générales de la plateforme, que la société requérante ne pouvait au demeurant ignorer, où il est clairement évoqué que : " Les limites de format et de taille de fichier sont prescrites par le RC, par défaut, elles sont les suivantes [] Les noms de fichiers doivent rester aussi courts que possible, au maximum 30 caractères, ne pas être accentués, et ne pas contenir de caractère spéciaux ", autrement dit, sauf si le règlement de la consultation en dispose autrement, les noms des fichiers ne doivent pas comporter d'accent ; les recommandations figurant expressément à l'article 7.1 du règlement de la consultation n'ont pas non plus été respectées, le pli de la société Solutions 30 est de 563 497 158 octets ce qui converti en Mo, représente 537 Mo, or, la taille maximum préconisée pour un pli électronique est de 500 Mo et les conditions générales de la plateforme conseillent expressément, lorsque la taille du pli risque de dépasser cette taille, de contacter l'assistante au minimum 48 heures avant le dépôt, ce que la société ne démontre pas avoir fait ;

- aucun dysfonctionnement ne saurait être imputé au département qui a sollicité de la part de la plateforme AWS que celle-ci s'assure que, le jour précis où la société Solution 30 a déposé son offre, la plateforme n'a fait l'objet d'aucun dysfonctionnement ;

- enfin le délai de validité des offres de quatre mois n'était pas expiré le 29 juillet 2024, au moment du choix de l'attributaire à la date de l'examen des offres.

Par un mémoire, enregistré le 21 octobre 2024, les sociétés Sas ECL, Altitude Infrastructure Construction et Sas Engelvin TP Réseaux, représentées par Me Bonnet, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle font valoir que :

- la corruption des deux fichiers contenant les mémoires techniques, compte-tenu de leurs poids importants, s'est produite lorsque la société Solutions 30 SE les a convertis, (vraisemblablement au départ au format .pdf, sous forme de fichiers " .zip " ;

- la société requérante n'a pas veillé, avant de déposer in extremis sa candidature et son offre à quelques heures à peine de la date limite, à la possibilité de dépasser le poids recommandé de 500 Mo et elle n'a pas vérifié non plus l'ouverture de tous les fichiers, et notamment le fait que les deux fichiers zippés contenaient bien toutes les pièces qu'elle souhaitait verser à l'appui de sa candidature et de son offre ;

- elle n'a pas produit de copie de sauvegarde, ce qui aurait permis d'éviter toute difficulté, même si elle n'était que recommandée sur la plateforme au regard de l'article 7.1 du règlement de consultation ;

- elle ne rapporte donc pas la preuve d'avoir déposé deux mémoires techniques distincts, non corrompus et comportant des données ;

- les candidats s'étaient tous engagés à accepter les conditions générales d'utilisation de la plateforme posées à l'article 7-1 du, paragraphe 10/13 du règlement ;

- ce n'est pas un problème de nommage des fichiers qui a posé difficulté, et la requérante déduit à tort de l'intitulé des mémoires dans le règlement de consultation la nécessité pour elle de les nommer également avec un accent, au contraire, le département a pu les ouvrir justement (en tous les cas l'un des deux, en doublon), le moyen fondé sur la prétendue irrégularité de la procédure en raison du nommage du fichier est donc inopérant ;

- le moyen tiré du manquement à raison du dépassement de la durée de validité de l'offre manque en fait et est, en tout été de cause, inopérant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision de la présidente du tribunal désignant Monsieur Eric Souteyrand, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Souteyrand, président-rapporteur,

- les observations de Me Billery, pour la société requérante,

- les observations de Me Grail pour le département des Pyrénées-Orientales ;

- et les observations de Me Bonnet pour la Sas ECL.

La clôture de l'instruction a été reportée afin de permettre au département des Pyrénées-Orientales de mandater, à nouveau, un commissaire de justice avec la mission de constater, à partir de la plateforme AWS, l'ouverture de la totalité des pièces dénommées

" ._3 - Me¦ümoire technique et environnemental " déposées par la société Solutions 30 le 13 mai 2024 et correspondant au dossier compressé " Pieces de l'offre - Solution30 Lumycom ", en utilisant, pour procéder à leur décompression, notamment le logiciel Winrar revendiqué.

Une note en délibéré a été enregistrée et communiquée le 25 octobre 2024 pour le département des Pyrénées-Orientales, laquelle contient le constat réalisé le 24 octobre 2024 par le commissaire de justice.

Une note en délibéré a été enregistrée et communiquée le 25 octobre 2024 pour la Sas ECT.

La clôture de l'instruction a été reportée au mardi 29 octobre à 12 heures.

Une note en délibéré a été enregistrée et communiquée le 28 octobre 2024 pour la société Solutions 30 SE.

Une note en délibéré a été enregistrée le 29 octobre 2024 pour la Sas ECT.

Une note en délibéré a été enregistrée le 29 octobre 2024 pour le département des Pyrénées-Orientales.

Considérant ce que suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 2 avril 2024, le département des Pyrénées-Orientales a lancé une consultation, sous forme d'un appel d'offres ouvert, pour l'attribution d'un marché public relatif à la conception-réalisation d'un réseau de communications électroniques à très haut débit sur le département des Pyrénées Orientales numérique 66-zone complétude-phase 3. Les soumissionnaires devaient remettre deux plis, l'un contenant les pièces de la candidature, l'autre contenant les pièces de l'offre, par voie électronique au plus tard le 13 mai à 17 heures conformément aux dispositions de l'article 6 du règlement de la consultation. Par un courrier du 27 septembre 2024, le Département a informé la société Solutions 30, mandataire solidaire du " groupement Solution 30 SE - Lumycom " du rejet de leur offre, en tant qu'elle est irrecevable et que le Groupement conjoint ECL / Altitude Infrastructure Construction / Engelvin TP réseaux avait été déclaré attributaire du Marché. La société Solutions 30 SE, qui conteste le rejet de son offre au motif qu'elle était incomplète, demande au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation du marché.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratif ayant pour l'objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Et aux termes de l'article L. 551-2 de ce code🏛 : " I. Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat () ".

3. En premier lieu, selon l'article 2.1 du règlement de la consultation le délai de quatre mois de validité des offres à compter de la date limite de remise des offres fixée au 13 mai 2024, expirait le 13 septembre 2024. S'il est constant qu'aucune demande de prorogation n'a été adressée aux candidats et que le courrier par lequel le département des Pyrénées-Orientales a informé la société Solutions 30 SE du rejet de son offre est daté du 27 septembre 2024, il résulte de l'instruction que le choix de l'attributaire par la commission d'attribution des offres a eu lieu le 29 juillet 2024, dans le délai de quatre mois susmentionné. Le moyen tiré du vice de procédure manque donc en fait.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 2152-2 du code de la commande publique🏛 : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. ". Enfin, Aux termes de l'article R. 2152-2 du même code : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles. ".

5. Il résulte de l'instruction que pour rejeter, le 27 septembre 2024, l'offre du groupement Solution 30 SE / Lumycom, le département des Pyrénées-Orientales a considéré : " A l'ouverture de l'offre (), il a été constaté la présence d'un dossier nommé " 3 - Me¦ümoire technique et environnemental ", vide de tout fichier, ainsi qu'un fichier dénommé " ._3 - Me¦ümoire technique et environnemental ", dans un dossier intitulé _MACOSX\Pieces de l'offre - Solutions30 Lumycom, dont la taille était de 1Ko et qui ne s'ouvrait sur aucun des postes informatiques utilisés. En l'absence de ces deux mémoires technique et environnemental, l'offre est donc considérée comme étant incomplète. Une vérification a été effectuée auprès de la plateforme du profil acheteur et le prestataire a attesté du bon fonctionnement de cette dernière le jour du dépôt () à savoir le 13 mai 2024. L'offre du groupement est donc déclarée irrecevable et ne sera pas analysée ".

6. Tout d'abord, il résulte du bordereau de contrôle des plis dématérialisés qui lui a été remis, et n'est pas contesté, que la société Solutions 30 SE a transmis sur la plateforme AWS, le 13 mai 2024, en format " ZIP ", d'une part, à 13 heures 11, un fichier d'une taille de 9,88 Mo contenant les pièces correspondant au dossier " candidature " du groupement, d'autre part, à 15 heures 11, un fichier contenant les pièces du dossier " offre " d'une taille de 553,61 Mo. Si la requérante soutient, que, contrairement à ce que le département lui a opposé, le fichier " 3 - Me¦ümoire technique et environnemental " intégré dans le fichier " Pieces de l'offre - Solutions 30 Lumycom.zip " était exploitable, elle ne l'établit pas en se bornant à soutenir avoir déposé un dossier qui contenait toutes les pièces sans problème de nommage, en particulier s'agissant du mémoire technique et environnemental, qui, selon elle, dispose d'une taille de 456,6 Mo et s'ouvre sans difficulté sur ses postes dans un environnement Mac ou PC, faute de combattre, utilement, les constats du commissaire de justice faits, en dernier lieu, le 24 octobre 2024, à partir du dossier " séquestre " où ont été initialement téléchargés le 14 mai 2024 à 11 heures 52 par le département tous les dossiers des quatre candidats au marché en litige, selon lesquels le dossier du groupement, enregistré en " Zip Archives " sous la forme compressée " Pieces de l'offre - Solutions 30 Lumycom.zip ", présente deux fichiers dont le fichier " Pieces de l'offre - Solutions 30 Lumycom ", affichant une taille de 553,6 Mo et une dernière modification le 13 mai 2024 à 14 heures, pour lequel, d'une part, seul l'un des dix sous-dossier, qui est intitulé " 3 - Me¦ümoire technique et environnemental ", modifié en dernier lieu le 13 mai 2024 à 15 heures 09, est vide et, d'autre part, aucun des quatre logiciels, " 7zip ", explorateur Windows, Winzip ou Winrar, utilisés n'est parvenu à le décompresser, à l'inverse du fichier " Pièces de la candidature du groupement ". Et, si la requérante se prévaut de ce que le dossier " séquestre " ne correspondrait pas à celui de l'offre pour lequel elle bénéficie de l'attestation de dépôt mais résulte d'une modification apportée par l'agent du département enregistrée le 15 mai à 11 heures 52 minutes et 54 secondes, elle ne l'établit pas, notamment à défaut d'avoir déposé une copie de sauvegarde comme le règlement du marché le lui permettait. Enfin, il résulte de l'instruction que le problème technique générant cette impossibilité d'ouvrir les fichiers de l'offre du groupement n'avait pas pour origine un dysfonctionnement de la plateforme AWS. Par suite, l'incomplétude de l'offre ne peut être regardée comme imputable à un dysfonctionnement de cette plateforme ou à la manipulation des services du département lors de l'ouverture dématérialisée des plis.

7. Ensuite, alors qu'il est constant que le département des Pyrénées-Orientales n'a pas procédé à la régularisation de l'offre en cause, l'impossibilité pour le pouvoir adjudicateur de contrôler les pièces techniques du groupement Solutions 30 SE / Lumycom, donc le risque qu'une régularisation en modifie des caractéristiques substantielles, au sens des dispositions précitées de l'article R. 2152-2 du code de la commande publique🏛, faisant, en tout état de cause obstacle à sa régularisation.

8. Le moyen tiré de ce que c'est à tort que le département des Pyrénées-Orientales a rejeté l'offre du groupement comme irrégulière doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions en annulation de la société Solutions 30 SE doivent être rejetées.

Sur les conclusions en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

10. Il n'y pas lieu de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales, qui n'est pas la partie perdante, une somme à verser à la société Solutions 30 SE en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Solutions 30 SE, la somme de 2 500 euros à verser au département des Pyrénées-Orientales et de 1 500 euros à verser globalement aux sociétés Sas ECL, Altitude Infrastructure Construction et Sas Engelvin TP Réseaux,sur le fondement des même dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Solutions 30 SE est rejetée.

Article 2 : La société Solutions 30 SE versera la somme de 2 500 euros au département des Pyrénées-Orientales et 1 500 euros, globalement, aux sociétés Sas ECL, Altitude Infrastructure Construction et Sas Engelvin TP Réseaux, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à société Solutions 30 SE, au département des Pyrénées-Orientales et à la Sas ECL.

Fait à Montpellier, le 29 octobre 2024.

Le juge des référés, La greffière,

E. Souteyrand M-A. Barthélémy

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne et à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

Montpellier, le 29 octobre 2024.

La greffière,

M-A. Barthélémy

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