Jurisprudence : CA Paris, 25e, B, 04-09-1998, n° 1996/88734



COUR D'APPEL DE PARIS
25è chambre, section B
ARRÊT DU 4 SEPTEMBRE 1998
J, rj pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 1996/88734 Pas de jonction
Décision dont appel Jugement rendu le 21/10/1996 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS I lè Ch. RG n° 1994/81508 Date ordonnance de clôture 30 Avril 1998 Nature de la décision CONTRADICTOIRE Décision REFORMATION

APPELANT
Monsieur Z EugeneZ
demeurant Paris CHARENTON
représenté par la SCP D' AURIAC-GUIZARD, avoué assisté de Maître ORBEC, Avocat
INTIMÉS
Y Y Y Y Y Y
ès qualités de mandataire liquidateur
ayant son siège PARIS
Monsieur X Jean FrançoisX
demeurant PARIS
représentés par la SCP VARIN-PETIT, avoué assistés de Maître BOISSEAU, Avocat

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré
Président Madame PINOT
Conseiller Monsieur CAILIIAU Conseiller Madame RADENNE
DÉBATS
A l'audience publique du 27 Mai 1998
GREFFIER
lors des débats et du prononcé de l'arrêt
Madame ...
ARRÊT CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement par Madame PINOT, Président, laquelle a signé la minute avec Madame BERTHOUD, Greffier.
Cour d'Appel de Paris ARRÊT DU 4 SEPTEMBRE 1998 25è chambre, section B RG N° 1996/88734 - 2ème page
à/ X

La Cour statue sur l'appel relevé par M. Eugène Z du jugement du tribunal de commerce de PARIS, llème chambre, rendu le 21 octobre 1996, qui l'a débouté de toutes ses demandes dirigées contre M. Jean-François X et Me ..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société COMIP, et qui a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du ncpc.
Il convient de se référer aux énonciations du jugement pour l'exposé des faits, des prétentions et des
moyens des parties en première instance. suffit de rappeler les éléments essentiels suivants.
La société COMIP (COMPAGNIE D'INFORMATIQUE ET DE PEDAGOGIE), à la suite de difficultés financières et du grave accident survenu fin 1992 à son Président directeur-général, M. Jean-Français X, est entrée en relation, au début de l'année 1993, avec M. Z, qui a été désigné par le conseil d'administration, le 23 avril 1993, en qualité d'administrateur et de directeur général, avec la rémunération annuelle de 480 000 F.
M. Z engageait des pourparlers avec les actionnaires de la société COMIP, soit M. X et sa famille, dès le mois de juillet 1993, en vue d'une cession en sa faveur des parts sociales de la société. Le protocole prévoyant une proposition d'embauche de M. X en contrepartie de la cession projetée n'a pas été signé, à la différence de celui du 18 septembre 1993, par lequel la société COMIP s'engageait à verser à M. Z la somme de 140 000 F. à titre d'indemnité transactionnelle en cas de révocation arbitraire et abusive de son mandat de directeur général.
Le 3 mars 1994 M. Z, démissionnaire de ses fonctions de directeur général, était désigné en qualité de Président-Directeur général, en remplacement de M. X, jusqu'au 1er juin 1994, date à laquelle il était révoqué de ses fonctions et où il remettait sa démission d'administrateur de la société COMIP. M. Jean-François X était alors de nouveau nommé Président-Directeur général.
La société COMIP et sa filiale COMIP-CETSYS ont procédé chacune, le 18 octobre 1995, à la déclaration de cessation de leurs paiements, le tribunal de commerce de PARIS ayant prononcé leur liquidation judiciaire le 2 novembre 1995.
M. Z a assigné
- M. X et la société COMIP en paiement de la somme de 1 000 000 F. à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive des pourparlers relatifs à la cession des parts sociales de la société COMIP et
- la société COMIP, seule, en paiement de la somme de 500 000 F. à titre de dommages-intérêts pour révocation
25ème chambre, section B, ARRÊT du 4 septembre 1998


abusive de son mandat de Président-directeur général.
M. X et la société COMIP se sont opposés aux demandes de M. Z en faisant valoir, d'une part, que les négociations engagées en vue de la cession des parts sociales de la société COMIP avaient pu aboutir, comme le souligne l'absence de signature des protocoles restés à l'état de projet, et, d'autre part, que la révocation de ses fonctions de Président-directeur général ne présentait pas de caractère abusif, en raison de la dégradation constante de la société COMIP depuis le début de l'année 1994.
Les premiers juges par le jugement déféré, après avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. X, ont estimé que M. Z n'avait pas rapporté la preuve qu'il avait été pressenti comme repreneur de la société COMIP et que la signature du protocole du 18 septembre 1993 relatif au versement d'une indemnité de 140 000 F. en cas de révocation abusive de ses fonctions de directeur général était peu compatible avec un protocole de cession de parts sociales. Ils ont rejeté la demande d'indemnité formée par M. Z au titre de la révocation de son mandat de Président-directeur général en soulignant qu'il ne prouvait pas le caractère abusif de cette mesure.
APPELANT M. Eugène Z conclut à l'infirmation, en toutes ses dispositions, du jugement entrepris en reprenant pour l'essentiel ses prétentions et ses moyens de première instance.
Il estime que la révocation de son mandat de Président--directeur général, qui a porté atteinte à son honorabilié et à sa réputation professionnelle, lui a été imposée de manière abusive et vexatoire, alors que son action de redressement à la tête de la société COMIP commençait à porter ses fruits, et que M. X, sans manifester son désaccord ou exprimer de critiques, avait été étroitement informé des orientations prises et impliqué dans la gestion de la société,
le redressement effectif de la société COMP, sous la conduite de l'appelant, est à l'origine du revirement de M. X, qui n'a plus souhaité faire aboutir les négociations engagées, car tel n'était plus son intérêt ni celui des autres actionnaires, membres de sa famille,
M. X a engagé, à son égard, sa responsabilité contractuelle en rompant de façon brusque et unilatérale
25ème chambre, section B, ARRÊT du 4 septembre 1998


les négociations engagées sur la cession des parts sociales de la société COMIP, alors qu'il avait déjà engagé et réalisé des investissements importants en prévision de cet objectif et opéré des rapprochements commerciaux avec diverses sociétés,
la signature du protocole du 18 septembre 1993 relatif à l'indemnité de 140 000 F., qui devait lui être versée en cas de révocation abusive de son mandat de directeur général, ne visait qu'à le prémunir du revirement éventuel de M. X et ne présentait pas de contradiction avec le projet litigieux de cession des parts sociales de la société COMIP,
M. X a manqué au devoir général de bonne foi qui s'applique à toute négociation précontractuelle, alors que le protocole de cession de parts avait été finalisé lors de la réunion du 20 juillet 1993, et qu'il avait été présenté au sein de la société COMIP comme le "repreneur tant attendu", son préjudice, lié à la rupture fautive des pourparlers, doit être réparé par la condamnation de M. X à lui payer la somme de 1 000 000 F.
INTIMÉS, M. Jean-François X et Me ..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société COMIP, sollicitent la confirmation du jugement et la condamnation de M. Z à leur payer la somme de 20 000 F. en application de l'article 700 du ncpc.
Ils font principalement valoir que
lors de l'arrivée de M. Z dans la société COMIP, celui-ci n'a pas été présenté par les dirigeants comme le repreneur de la société mais uniquement comme de directeur général, lors même que M. Z a cherché, dès la fin de l'année 1993, à acquérir les actions détenues par la famille X dans la société COMIP,
M. X n'a pas manifesté sur le moment d'hostilité à ce projet, sans pour autant donner son accord ni formuler de promesse, à la suite de la nomination de M. Z aux fonctions de Président-directeur général de la société COMIP le 7 mars 1994, la situation de cette société, aggravée par le "dilettantisme" de son président et les désaccords persistants sur la politique à mener, s'est encore dégradée, justifiant la demande de révocation du nouveau Président-directeur général, accueillie favorablement par décision du conseil d'administration du 1er juin 1994,
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la libre révocation du Président-directeur général d'une société anonyme ne trouve sa limite que dans l'abus, non caractérisé en l'espèce puisque la société n'avait connu aucun redressement depuis l'intervention de M. Z, tant comme directeur général que comme Président-directeur général de la société COMIP, cette constatation faite par M. X avait conduit ce dernier par lettre du 6 mai 1994 à demander à M. Z de convoquer le conseil d'administration, devant la persistance de la dégradation de la situation de la société au 30 avril 1994, et de fixer à l'ordre du jour la remise par le président de la formulation écrite "d'expressions stratégiques de la société", devant la situation comptable obérée de la société et à la démotivation de son président, la tenue d'un nouveau conseil d'administration était sollicitée pour le 1er juin 1994, avec l'inscription à l'ordre du jour de la révocation de son Président-directeur général, la révocation a été prononcée après la convocation régulière du Président intéressé et débat entre les membres du conseil, et ne présente, en conséquence, aucun caractère abusif,
en ce qui concerne la cession des actions de La société COMIP au profit de M. Z, aucun accord n'est intervenu entre eux, s'il est vrai pourtant que des discussions ont bien eu lieu entre les parties, aucun écrit n'a concrétisé les engagements fermes de l'une ou de l'autre parties, et aucune promesse n'a été consentie par M. X à M. Z, la prétention à l'achat de la majorité des actions de la société étant par ailleurs peu compatible avec la prévision d'une indemnité forfaitaire en cas de révocation du mandat de directeur général.

SUR QUOI, LA COUR,
1°/ Sur la révocation du mandat de Président-directeur général de la société COMIP
Considérant que les circonstances dans lesquelles M. Z a démissionné de ses fonctions de directeur général de la société COMIP pour se voir confier la responsabilité de président-directeur général, le 7 mars 1994, après l'exercice pendant plusieurs mois, depuis le 23 avril 1993, de sa précédente fonction de directeur
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général, ne pouvaient que témoigner de la confiance qui lui avait été accordée par les actionnaires majoritaires de la société et par le conseil d'administration depuis son entrée dans la société;
Que la réduction de son indemnité de mandataire social est en l'espèce sans incidence puisque La société filiale de la société COMIP assurait, par le biais d'un contrat de travail distinct, le paiement d'un complément de rémunération;
Considérant que l'acceptation par M. Z de ces nouvelles fonctions a eu nécessairement pour effet, fût-ce de manière implicite, de rendre caduc le protocole du 18 septembre 1993 lui assurant une indemnité forfaitaire en cas de révocation abusive, et qui ne s'appliquait qu'à la fonction de directeur général;
Considérant que si l'appelant se trouvait soumis à la règle de la révocabilité ad nutum, sans compensation financière, dont il avait accepté le risque, toutefois cette situation n'a été assumée qu'en considération de la réalisation prochaine de la cession de parts envisagée, qui devait le rendre maître de l'entreprise;
Considérant que l'avertissement donné par M. X, le 6 mai 1994, demandant, pour le prochain conseil d'administration de formuler par écrit "les expressions stratégiques de la société", de même que la demande de tenue d'un conseil d'administration, le 1er juin 1994, pour débattre de la révocation de son mandat de président-directeur général, sans mentionner précisément les griefs articulés ni la gravité des faits reprochés pour justifier de l'urgence de la convocation de ce conseil, caractérisent un abus de la part de la société COMIP, qui a causé à M. Z un préjudice certain, en ne le mettant pas en mesure de se justifier;
Considérant, au surplus, qu'aucun élément n'est versé aux débats par Me ..., ès qualités, pour établir les fautes commises par M. Z ni les divergences apparues entre lui et les actionnaires sur la politique menée au sein de la société;
Que la brutalité d'une telle révocation, dans des conditions de précipitation que seule pouvait justifier une faute d'une gravité particulière, a incontestablement porté atteinte à l'honorabilité et à la réputation professionnelle de M. Z, lequel apparait fondé à en réclamer réparation;
Considérant que M. Z n'a pas établi qu'il avait procédé à la déclaration de sa créance a.1 passif de la société COMIP; qu'il convient, en conséquence, par application de l'article 48 de la loi du 25 janvier 1985, de déclarer l'instance suspendue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance ou justifié d'un relevé de forclusion;
2°/ Sur la rupture des pourparlers concernant la cession des actions
Considérant que les discussions menées entre M. Z et M. Jean-François X pour mettre au point un projet de cession des parts sociales de la société COMIP permettent de retenir que les négociations ont été assez avancées, puisque diverses modalités avaient été envisagées par les parties, relativement au prix de cession et au maintien de M. X dans un emploi salarié au sein de la société COMIP;
Que, toutefois, force est de constater qu'aucun protocole n'a été signé des deux parties, ni aucun document précontractuel, accord de principe ou échange de promesses unilatérales croisées;
Considérant que les seuls documents invoqués par M. Z pour justifier de l'avancement des pourparlers n'ont été établis que par lui-même, de sorte qu'il ne peut leur être attribué aucune valeur probante; que, de même la prétendue finalisation du protocole, réalisée selon l'appelant à l'issue d'une réunion du 20 juillet 1993, n'a été suivie de la signature d'aucun document caractérisant la rencontre des volontés des parties;
Qu'il s'ensuit que la responsabilité du non aboutissement de ces négociations ne peut être attribuée à la faute ou à la mauvaise foi d'aucune des parties;
Considérant que, dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. Z de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre M. Jean-François X en réparation du préjudice résultant de la rupture des négociations relatives à la cession des parts sociales de la société COMIP;
Que, en ce qui concerne cette même demande dirigée contre la société COMIP, M. Z n'a pas établi qu'il avait déclaré sa créance au passif de la société liquidée;
Que l'instance sera suspendue sur ce point dans l'attente de la justification de la déclaration de la créance ou du relevé de forclusion du créancier;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Jean-François X les frais non recouvrables de procédure exposés par lui en cause d'appel;
Qu'il convient de condamner M. Z à lui payer à ce titre la somme de 5 000 F. en application de l'article 700 du ncpc;
FAR CES MOTIFS
REFORMANT pour partie le jugement
SUSPEND l'instance en ce qui concerne les demandes de dommages--intérêts formées par M. Z contre la société liquidée COMIP,
DÉBOUTE M. Z de ses autres demandes contre M. Jean-François X,
CONDAMNE M. Z à payer à M. Jean-François X la somme de 5 000 F. en application de l'article 700 du ncpc,
CONDAMNE M. Z aux dépens de la présente instance et ADMET la SCP VARIN PETIT, avoué, au bénéfice de l'article 699 du ncpc.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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