Jurisprudence : CA Paris, 25e ch., A, 13-10-2000, n° 1998/14892

CA Paris, 25e ch., A, 13-10-2000, n° 1998/14892

A1475AU8

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COUR D'APPEL DE PARIS
Grosm Délivrée Le 2 0 KI.. 2000
25è chambre, section A
ARRET DU 13 OCTOBRE 2000
(N° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 1998/14892 Pas de jonction
Décision dont appel Jugement rendu le 18/05/1998 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de AUXERRE - sans N° RG (M. ...) Date ordonnance de clôture 30 Juin 2000 NATAF 369.
Nature de la décision CONTRADICTOIRE
Décision CONFIRMATION PARTIELLE

APPELANTE
S.A. SAVIB 89
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège PERRIGNY
représentée par la SCP GOIRAND, avoué
assistée de Maître AGLIANY, Avocat au Barreau de CHATEAUROUX,
INTIMÉ
Monsieur Y PatrickY
demeurant ESCOLIVES
représenté par la SCP d'AURIA L,-GUIZARD, avoué
assisté de Maître DURAND, Avocat au Barreau de TROYES,

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré
PRESIDENT Madame ... ... Madame ...
Monsieur ...
DEBATS à l'audience publique du 8 SEPTEMBRE 2000
GREFFIER
lors des débats et du prononcé de l'arrêt Madame ...
ARRET CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement par Madame BRIOTTET, Président, laquelle a signé la minute, avec Madame MARTEYN, Greffier.

Le 15 septembre 1997 le conseil d'administration de la société anonyme dénommée SAVIB 89, qui exploite la concession MERCEDES d'AUXERRE, procédait à la révocation de son président alors en exercice.
Patrick Y, en prenant ses fonctions, en cette qualité, le 26 février 1994. avait, alors, succédé à son père Jean-Alain Y, juste après que ce dernier ait cédé la quasi-totalité du capital de la société qui se dénommait, à l'époque, EUROPE AUTOMOBILES. Antérieurement il était déjà salarié de l'entreprise, en qualité de chef des ventes, avant que son contrat de travail ne soit suspendu lors de son accès aux fonctions sociales qui l'ont placé à la tête de la concession automobile.
Estimant que sa révocation avait eu lieu dans des circonstances blâmables ayant porté atteinte à son honorabilité et à sa considération il a fait assigner la société SAVIB 89, le 22 octobre 1997, devant le Tribunal de commerce d'AUXERRE aux fins de paiement d'une indemnité d'un million de francs outre la publication de la décision à intervenir et 50 000 F. de frais irrépétibles.

Par jugement du 18 mai 1998 la juridiction consulaire a condamné, avec exécution provisoire, la société SAVIB 89 à payer à M. Patrick Y 576.000 F. outre 15 C JO F. en application de l'art. 700 du N.C.P.C.

La société SAVIB 89 interjette appel et soutient, dans ses conclusions, signifiées le 29 septembre 1998, qu'en application de l'art. 110 de la loi du 24 juillet 1966 le mandat de président du conseil d'administration est révocable à
Cour d'Appel de Paris ARRET DU 13 OCT BRE 2000 tout moment par le conseil sans préavis ni indemnité et sans avoir à justifier de la décision. Elle précise que l'intéressé a été normalement convoqué à la séance du conseil d'administration du 15 septembre 1997 et qu'il y était présent en début de séance mais a refusé de signer le registre et s'est ensuite retiré avant la fin. L'appelante justifie la révocation de M. Y par des difficultés et des pertes enregistrées depuis deux exercices sociaux qui nécessitaient des mesures de redressement pour lesquellés le conseil d'administration n'avait plus confiance en lui et l'information immédiate du personnel par des impératifs modernes de gestion de celui-ci afin de le prévenir, dans les délais les plus courts, des changements majeurs dans la direction de l'entreprise. Elle estime que l'intimé ne rapporte pas la preuve des mesures ve*atoires qu'il prétend avoir subies et qui auraient porté atteinte à son honneur et à sa réputation en observant qu'il a très rapidement retrouvé du travail dans le même secteur d'activité ce qui démontre le contraire.
La société SAVIB 89 sollicite, en conséquence, la " réformation " du jugement entrepris, le rejet des prétentions de M. Y, la condamnation de celui-ci à lui rembourser la somme de 576 000 F. qu'elle lui a dores et déjà réglée en application de l'exécution provisoire qui avait été ordonnée par les premiers juges outre une indemnité de 20 000 F. au titre des frais irrépétibles.
M. Patrick Y réplique, dans ses conclusions signifiées le 23 mai 2000, que, dès avant la réunion du conseil d'administration du 15 septembre 1997, M. J. ..., représentant la société actionnaire majoritaire dans le capital social de SAVIB 89, avait réuni, le 10 septembre précédent, l'ensemble du personnel de la concession MERCEDES d'AUXERRE pour annoncer la révocation de son mandat de président et la perte immédiate consécutive de tout pouvoir au sein de la concession. Dans le même temps son bureau était d'ores et déjà attribué à son successeur pressenti tandis qu'il se voyait affecter un nouveau bureau, de taille plus modeste, s'ouvrant directement, par de larges baies vitrées, sur le hall d'exposition des véhicules à vendre. Le surlendemain, 12 septembre, alors que le conseil d'administration ne s'était toujours pas réuni, son futur successeur, M. ... ..., lui a annoncé, devant les responsables des divers services réunis, la nécessité de son départ " physique " immédiat.
M. Y proteste de son éviction soudaine, qu'aucune pré-alerte ne laissait entrevoir et ayant fait l'objet d'une publicité auprès du personnel, sur lequel il avait autorité depuis plusieurs années, dans des conditions qui ont porté atteinte à son honorabilité et à sa considération. Estimant que son préjudice a été insuffisamment indemnisé par le Tribunal qui l'a, en outre, débouté de sa demande de publicité, il conclut à la confirmation du jugement en son principe mais à sa réformation quant à son quantum et à la publication de la décision en sollicitant les réparations initialement demandées outre une nouvelle indemnité de 50 000 F. au titre des frais irrépétibles.
Cour d'Appel de Paris ARRET DU 13 OCTO 2000

SUR QUOI
Considérant qu'il s'induit de l'art.110 de la loi du 24 juillet 1966 qu'il n'ya pas lieu de se pencher sur le bien-fondé des griefs faits par le conseil d'administration à l'encontre de son président qui ont amené cette instance à révoquer son mandat social ;qu'il convient, en revanche, de vérifier si la décision du conseil est régulière en 1 t forme et d'apprécier si les circonstances dans lesquelles elle est intervenue ont été, injurieuses ou vexatoires ;
1. sur la régularité de la réunion du conseil d'administration du 15 septembre 1997
Considérant que la réception " en mains propres " le vendredi 12 septembre 1997 de la convocation pour la séance du conseil d'administration du lundi 15 suivant n'est pas de nature à entacher d'irrégularité formelle ladite réunion puisque la loi n'impose aucun délai et qu'il n'a pas été démontré ni que les statuts de la société SAVIB 89 en aurait prévu un, ni que les autres administrateurs auraient bénéficié d'un délai plus long de convocation pour la séance considérée ; que la société SAVIB 89 a indiqué, sans être contredite sur ce point, que M. Y était présent en début de séance, ce qui est corroboré par la signature le même jour du bordereau de mouvement de ses actions par ce dernier ; que, dès lors, Patrick Y a bien été en mesure de faire part au conseil d'administration de ses explications sur la situation qui lui était reprochée même s'il a préféré renoncer à cette faculté en se retirant ;
2. sur les circonstances de la révocation
Considérant, par ailleurs, que la société SAVIB 89 n'a pas contesté que le personnel de la concession a été informé le 10 septembre 1997 de la révocation de Patrick Y de ses fonctions de président du conseil d'administration de la société dès avant que le conseil ait été réuni pour en débattre puis, le cas échéant, d'en décider ; que cette manière cavalière d'agir a entouré la future décision d'une précipitation et d'une certitude, quant au résultat de la délibération du conseil, de nature à laisser s'accréditer dans l'esprit du personnel et des partenaires habituels de l'entreprise que les reproches qui étaient formulés à l'encontre de Patrick Y étaient de nature bien plus grave que de simples dissensions sur la gestion et les mesures à mettre en oeuvre pour redresser la situation comptable de la société ;
Que l'appelante n'a pas davantage contesté dans ses écritures les mesures immédiatement prises le vendredi 13 septembre 1997 sur le changement de bureau de Patrick Y alors que ce dernier était toujours détenteur des pouvoirs attachés à sa fonction de président puisque le conseil ne s'était pas encore' réuni pour délibérer sur sa révocation ; que l'invitation à quitter physiquement l'entreprise, par une personne qui ne disposait encore d'aucun pouvoir à cet égard et dont la seule " légitimité " du moment était d'avoir été pressenti par l'actionnaire majoritaire pour le remplacer, constitue une mesure vexatoire en ce que tant que le conseil n'avait pas délibéré il n'y avait aucune urgence à demander à M. Y de quitter l'entreprise dont il assumait la
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direction sociale depuis plusieurs années ; qu'au surplus cette demande de départ immédiat s'est faite en présence des chefs de services réunis alors que la nécesSité de leur information sur les prochains changements envisagés à la tête de la société n'impliquait pas une telle publicité sur un départ dans une précipitation déjà contestable par ailleurs ;
Que dès lors le jugement entrepris sera confirmé sur le principe des conditions vexatoires de la révocation .;
3. sur l'évaluation du préjudice
Considérant, qu'en fonction des seuls éléments disponibles dans le dossier, le préjudice moral subi par Patrick Y sera réparé par l'allocation d'une indemnité fixée à 120 000 F. toutes causes confondues et que le jugement entrepris sera réformé sur le quantum ; qu'en conséquence M. Y sera condamné à restituer le surplus, en capital sans intérêts jusqu'au jour de la signification du présent arrêt, qu'il aurait perçu suite à l'exécution provisoire de la décision des premiers juges ; qu'à titre de complément de réparation il conviendra d'ordonner, aux frais de la société SAVIB 89 dans la limite de 5 000 F. ht., la publication par extraits de la présente décision dans la revue interne du réseau MERCEDES BENZ en France, les extraits comprenant la partie des motifs concernant les circonstances vexatoires dans lesquelles sont intervenues la révocation du mandat de président du conseil d'administration de M. Patrick Y et la totalité du dispositif ci-après ; que pour le surplus M. Y sera débouté de ses autres demandes en principal ;
4. sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant que la société SAVIB 89, succombant dans l'essentiel de ses prétentions et moyens de défense, ne peut pas prétendre à l'indemnisation de ses frais irrépétibles ; que, par ailleurs, il apparaît équitable de laisser à M. Y la charge définitive des frais non compris dans les dépens qu'il a exposé en appel et que sa demande de ce chef devant la Cour ne sera pas accueillie ; que les dépens, tant de 1' instance que d'appel, seront mis à la charge de la société SAVIB 89 ;

PAR CES MOTIFS Contradictoirement,
Confirme partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a
admis le caractère vexatoire des circonstances de la révocation du mandat de M.
Patrick Y de président du conseil d'administration de la société SAVIB 89, octroyé une indemnité de 15 000 F. en couverture des frais irrépétibles de ce dernier en lère instance
et condamné la société SAVIB 89 aux dépens de 1' instance,
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Le réforme pour le surplus et y ajoutant, Fixe à la somme de 120 000 F. toutes causes confondues le montant du préjudice moral subi par M. Y et condamne ce dernier à restituer à la société SAVIB 89 la différence en capital par rapport à ce qu'il a déjà perçu suite à l'exécution provisoire du jugement, ladite différence n'étant pas productive d'intérêts jusqu'au jour de la signification du présent arrêt puis productive des intérêts légaux à compter de là signification de la décision,
Ordoine la publication, à la diligence de M. Y mais aux frais de la société SAVIB 89 dans la limite-de 5 00b F. ht., dans la revue interne du réseau de MERCEDES BENZ en France des extraits du présent arrêt comprenant la partie des motifs concernant les conditions vexatoires dans lesquelles M. Y a été révoqué de son mandat de président du conseil d'administration de la société SAVIB 89 et de la totalité du présent dispositif,
Rejette toutes les demandes du chef des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Condamne la société SAVIB 89 aux dépens Admet la SCP D'AURIAC-GUIZARD au bénéfice de l'art. 699 du N.C.P.C.

LE PRESIDENT
LE GREFFIE
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