COUR D’APPEL DE PARIS
25è chambre, section B
ARRET DU 26 JUIN 1998
Numéro d’inscription au répertoire général : 96/ 10645
Pas de jonction
Décision dont appel : Jugement rendu le 16/01/1996 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 1è Ch. RG n° : 95/20785
Date ordonnance de clôture : 24 Avril 1998
Nature de la décision : CONTRADICTOIRE
Décision :
APPELANT :
Monsieur A Aa Ab
demeurant …, … … … … … … …
représenté par la SCP VARIN-PETIT, avoué
assisté de Maître VATIER, Avocat
INTIMEE :
STE MARCEAU INVESTISSEMENTS
ayant son siège 2, Rue de la Baume 75008 PARIS
représentée par Maître BLIN, avoué
assistée de Maître LE NEZET, Avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats et du délibéré
Président : Madame PINOT
Conseiller : Monsieur CAILLIAU
Conseiller : Madame B 9 à
DEBATS :
A Pl’audience publique du 7 Mai 1998 A
GREFFIER : -
lors des débêts êt-du prononcé de l’arrêt
Prononcé publiquément par Madame PINOT, Président, laquelle a signé la
minute avec Madame BERTHOUD, Greffier.
Cour d’Appel de Paris ARRET DU 26 JUIN 1998 25è chambre, section B RG N° 96/10645 - 2ème page
d La Cour statue sur l'appel relevé par M. C A du jugement du tribunal de grande instance de PARIS 1° chambre, rendu le 16 janvier 1996, qui a annulé la ‘éonvention du 26 mai 1993 conclue entre la société MARCEAU INVESTISSEMENTS et M. X A et débouté ce dernier de toutes ses demandes.
Il convient de se référer aux énonciations de premiers juges pour l'exposé des faits de l'espèce, des prétentions et des moyens des parties en première instance. Il suffit “ de rappeler les éléments essentiels suivants.
Dans le cadre de la reprise, par la société MARCEAU INVESTISSEMENTS, de la société SYSMARK, en redressement , judiciaire, M. A a été pressenti par le repreneur pour occuper la fonction de Président Directeur-Général, à des conditions précisées par la société MARCEAU INVESTISSEMENTS dans sa lettre du 26 mai 1993, selon laquelle, notamment, M. A se voyait garantir un'‘bréavis de six mois et une indemnité de 1 MF, versée par la société MARCEAU INVESTISSEMENTS, en cas de révocation de son mandat social pour toute autre cause qu’un départ volontaire ou une faute
lourde de sa part. n
D'abord nommé Directeur-Général de la société MARCEAU SA, dès le 28 mai 1993, puis de la société SYSMARK HOLDING, à la suite du changement de dénomination sociale de la société MARCFAU, M. A a été révoqué des ses fonctions le 7 juillet 1995.
Ce dernier a engagé la présente procédure contre la société MARCEAU INVESTISSEMENTS pour obtenir, en exécution de ses engagements, sa condamnation à lui payer la somme de 1MF avec intérêts de droit à compter du 22 septembre. 1995, outre 100 000 F. à titre de dommages-intérêts pour refus d'exécuter la convention et 50 000 F. en applièation “de l'article 700 du ncpc.
= La société MARCEAU INVESTISSEMENTS s'est opposée à ces demandes en faisant valoir que la condition posée par la lettre du 26 mai 19933 n'était pas- remplie et, subsidiairement, que la clause d'indemnité, invoquée par, le demandeur, était nulle comme étant contraire aux dispositions de l'article 116 de la loi du 24 juillet 1966.
*
arrêt du 26 juin 1998
. Les premiers juges ont relevé que la société MARCEAU
ES INVESTISSEMENTS détenait, entre le ler janvier 1993 et le « 27 décembre 1993, 2 494 actions des 2 500 composant le
capital social de la société SYSMARK HOLDING SA et que la
clause Jlitigieuse était de nature, par son coût, à
dissuader l'actionnaire majoritaire de prendre la décision
de la révocation du mandataire social, faisant ainsi
obstacle au principe de la libre révocabilité ad nutum prévue par l'article 110 alinéa 3 de la loi précitée. Ils
-ont en conséquence annulé la convention du 26 mai 1993
comme contraire à l'ordre public et débouté M. A de
l'ensemble de ses demandes.
APPELANT, M. C A reprenant son argumentation et ses «demandes initiales, conclut ‘à l'infirmation du jugement.
Il soutient que:
la société MARCEAU INVESTISSEMENTS a pris à son égard deux séries de promesses, dans sa lettre du 26 mai 1993,
portant, d'une part, sur samynomination en qualité de
Président Directeur-Général d'une ,société non encore constituée, et d'autre part, sur le versement d'une indemnité forfaitaire en cas de cessation de ses fonctions,
le principe d'ordre public de la libre révocabilité du
Président Directeur-Général posé par l'article 110 de la loi du 24 juillet 1966 ne fait pas obstacle à la perception d'indemnités par le mandataire social, si elles ne mettent pas en cause le principe susvisé,
la société MARCEAU INVESTISSEMENTS ne saurait invoquer sa “ propre turpitude en attirant M. A pour diriger une de ses filiales et dénier ensuite toute portée à son engagement.
INTIMEE la société MARCEAU INVESTISSEMENTS conclut à la confirmation du jugement en soulignant que la condition posée dans sa lettre du 26 mai 1993 n'était pas remplie et” que l'engagement résultant de cette lettre était contraire aux dispositions de l'article 116 de la loi du 24 #illet 1966, et, comme tel, entaché de nullité. Elle sollicite en outre la condamnation de m. A à lui payer la Somme de 25°7° chambre, section B, ; ! arrêt du 26 juin 1998 ‘. U* pag
wa 50 000 F. en application de l'article 700 du ncpe.
Elle reprend son argumentation initiale en
les engagements contenus dans la lettre du 26 mai 1993 étaient subordonnés à la désignation de M. A aux fonctions de Président Directeur-Général de la société SYSMARK, ‘alors que cette nomination n'est pas intervenue,
l'engagement de verser une indemnité forfaitaire était contraire au principe d'ordre public de la libre révocabilité du mandataire social, peu important que cet engagement ait été souscrit par un tiers, dès lors que ce tiers est actionnaire majoritaire de la société dans laquelle s'exerce le mandat social. “
Par conclusions en réponse. signifiées le 2 avril 1998, M. A rappelle qu'il a engagé parallèlement une procédure de révocation abusive de mandat social contre la société SYSMARK HOLDING devant le tribunal de commerce de CRETEIL. Il estime que si,le principe de la libre révocabilité du mandat social est d'ordre public, rien ne s'oppose à la perception d'indemnités par le mandataire social en contrepartie de l'inexécution de la promesse de porte-fort prise en sa faveur par la société MARCEAU ; INVESTISSEMENTS. Le versement de telles indemnités est licite dans la mesure où il ne remet pas en cause le principe de la libre révocabilité du mandataire social et où il vise principalement à limiter les conséquences financières de l'éviction du mandataire social.
SUR QUOI, LA COUR,
Considérant que la nomination. de M. A à la fonction de Directeur-Général de la société MARCEAU SA, devenue SYSMARK HOLDING, aux lieu et place de celles de Président Directeur-Général, ne peut être invoquée utilement par la société MARCEAU INVESTISSEMENTS pour échapper aux conséquences de son engagement du 26 mai 1993, dès lors que le Directeur-Général d'une société anonyme est soumis, comme le Président Directeur-Général, à la même règle de la révocabilité "ad nutum” posée par les articles
arrêt 25° chambre, du 26 juin section 1998 B, S CP :
,#f | 110 et 116 de la loi du 24 juillet 1966;
Qu'une telle manoeuvre eût présenté un caractère dolosif si elle avait suffi-à permettre la non application de la convention, alors que les attributions du Directeur- Général d'une société anonyme et leurs limites sont régies par les. mêmes règles et soumisn à la même autorité . du conseil d'administration;
Considérant que le principe du versement d'une |indemnité forfaitaire au mandataire social, en cas de révocation de son mandat par le conseil d'administration, est de nature à porter atteinte au principe de la libre révocabilité du mandat social, posé par les articles 110 jet 116 de la loi du 24 juillet 1966, lorsque cette indemnité doit être versée par un. tiers détenant ‘a majorité du capital social;
‘ Qu'il convient toutefois. de rechercher si les conséquences financières de la convention sur le patrimoine du débiteur de l'indemnité étaient de nature à porter atteinte au principe de la libre révocabilité du mandataire social, notamment l'incidence,du. versement éventuel de l'indemnité forfaitaire sur les décisions de l'actionnaire
Considérant que la société MARCEAU INVESTISSEMENTS, ; jen souscrivant l'engagement de verser à M. A la somme |de 1 MF dans le cas d'une éviction qui n'aurait pas pour cause une faute lourde ou un départ volontaire, n'a pas . pris un engagement financier significatif eu égard à ses facultés contributives; -
Qu'en effet, en raison ‘de l'importance du capital “ social (1 500 MF) et des résultats moyens de la société MARCEAU INVESTISSEMENTS sur ses trois exercices précédents, l'epaiement de l'indemnité promise n'était pas de nature à”’peser sur la décision de l'actionnaire majoritaire détenant le contrôle absolu de sa filiale;
Qu'il s'ensuit que, en l'absence de’ conséquences | financières importantes pour la société = MARCEAU" INVESTISSEMENTS, la convention Jlitigieuse ne pouvait entraver l'exercice par cette dernière de sa ‘libexté de révocation du Directeur-Général;
q Considérant que la covention souscrite par la société MARCEAU INVESTISSEMENTS n'a pas été exécutée du fait de cette dernière sans justification, exposant celle-ci au paiement de l'indemnité contractuelle de 1 MF au profit de M. C A; '
Considérant que M. A n'apporte pas la preuve d'un préjudice distinct du non versement de l'indemnité à laquelle il pouvait prétendre; qu'il sera en conséquence
-. débouté de sa demande de dommages-intérêts complémentaires;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non recouvrables de procédure exposés en cause d'appel; qu'il convient de condamner la société MARCEAU INVESTISSEMENTS à lui verser à ce titre la somme de 15 000 F.; ‘
PAR CES MOTIFS
INFIRMANT le jugement
CONDAMNE la société MARCEAU INVESTISSEMENTS à payer à M. C A la somme de 1 000 000 F., avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 1995,
DEBOUTE M. C A de sa demande de dommages-intérêts,
CONDAMNE la société MARCEAU INVESTISSEMENTS à payer à M. C A la somme de 15 000 F. en application de l'article 700 du ncpc, au titre des frais 4 non recouvrables de procédure exposés en cause d'appel,
CONDAMNE la société MARCEAU INVESTISSEMENTS aux dépens de première instance et d'appel, et DIT que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP VARIN PETIT, avoué, en application de l'article 699 du ncpc.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT, X
25% chambre, section B,
arrêt. du 26 juin 1998
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