SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 octobre 2024
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1084 FS-B
Pourvoi n° T 22-19.700
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 OCTOBRE 2024
Mme [P] [T], épouse [F], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° T 22-19.700 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [M] [Aa], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Alès groupe,
2°/ à la société Alès groupe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],
3°/ à la société FHB, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de Mme [Ab] [I], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Alès groupe,
4°/ à l'AGS CGEA IDF Ouest, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [T], de la SCP Doumic-Seiller, avocat des sociétés BTSG² ès qualités, Alès groupe et FHB ès qualités, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, M. Ac, Ad Ae, Af, Brinet, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er juin 2022), Mme [T] a été engagée, en qualité d'ingénieur chimiste, par la société laboratoire Phytosolba le 5 juin 1990. Son contrat de travail a ensuite été transféré à la société Alès groupe et elle occupait, en dernier lieu, les fonctions de responsable projet recherche et développement.
2. Licenciée le 1er mars 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir l'annulation de ce licenciement ainsi que le paiement d'un complément de rémunération au titre d'inventions de mission et de dommages-intérêts au titre de la violation de son droit à l'image.
3. Par jugement du 28 octobre 2020, la société Alès groupe a été placée en liquidation judiciaire. Il a été mis fin aux fonctions de la société FHB, précédemment nommée en qualité d'administrateur judiciaire, et la société BTSG² a été désignée en qualité de liquidateur.
Sur le troisième moyen
4. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance pour traiter sa demande relative à la rémunération des inventions, alors « que le salarié auteur d'une invention bénéficie d'une rémunération supplémentaire pour les inventions qu'il a faites dans l'exécution, soit de son contrat de travail, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées ; que s'il sollicite le bénéfice de la rémunération supplémentaire pour invention en revendiquant l'application d'une disposition conventionnelle, ce qui n'implique l'examen ni de l'existence ou de la méconnaissance d'un droit attaché à un brevet non plus que d'un droit patrimonial sur un produit ou sa documentation, cette demande ressortit à la compétence de la juridiction prud'homale ; qu'en déclarant la juridiction prud'homale incompétente au profit du tribunal de grande instance en ce que l'
article L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle🏛 énonce une compétence exclusive des tribunaux judiciaires et que l'article L. 611-7 traite de la question spécifique des salariés, cependant que la salariée sollicitant l'application de l'article 17 de l'annexe Cadres et ingénieurs de la convention collective des industries chimiques, la juridiction prud'homale était compétente dès lors que la demande portait sur une rémunération attachée au contrat de travail et résultant de la convention collective susvisée, la cour d'appel a violé les
articles L. 615-17 et L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle🏛, ensemble l'article 17 de l'annexe ''Cadres et ingénieurs" de la convention collective des industries chimiques. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle, les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l'employeur. L'employeur informe le salarié auteur d'une telle invention lorsque cette dernière fait l'objet du dépôt d'une demande de titre de propriété industrielle et lors de la délivrance, le cas échéant, de ce titre. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d'une invention appartenant à l'employeur, bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail.
Si l'employeur n'est pas soumis à une convention collective de branche, tout litige relatif à la rémunération supplémentaire est soumis à la commission de conciliation instituée par l'article L. 615-21 ou au tribunal de grande instance.
7. Selon l'article L. 615-17 du même code, les actions civiles et les demandes relatives aux brevets d'invention, y compris dans les cas prévus à l'article L. 611-7 ou lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire, à l'exception des recours formés contre les actes administratifs du ministre chargé de la propriété industrielle qui relèvent de la juridiction administrative.
8. Il résulte de l'article 17 de l'avenant n° 3, du 16 janvier 1955, relatif aux ingénieurs et cadres à la convention collective des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, dans sa rédaction issue de l'accord du 18 avril 1985, que la rémunération supplémentaire de l'ingénieur ou cadre qui fait une invention ayant trait aux activités, études ou recherches de l'entreprise est subordonnée à la prise de brevet et à l'exploitation de ce brevet.
9. Dans ses conclusions, la salariée, qui soutenait n'avoir jamais été rémunérée pour ses inventions de produits capillaires et dermo-cosmétiques, faisait valoir, d'une part, qu'il ne pouvait pas être déduit du rejet de brevet pour la composition pour chutes de cheveux que ses autres inventions n'étaient pas brevetables, d'autre part, que tout salarié bénéficie d'une rémunération supplémentaire dès lors que l'une de ses inventions est brevetable, sans qu'il soit nécessaire qu'elle fasse l'objet d'un brevet déposé, et, enfin, qu'elle avait inventé en 1988 le Phytorelaxer, premier produit de défrisage aux actifs 100 % d'origine naturelle et agissant sans soude.
10. Pour s'opposer à cette demande, l'employeur faisait valoir que les produits de la gamme Phytospecific, dont la salariée revendiquait l'invention, n'avaient pas fait l'objet de dépôts de brevets et qu'il n'était pas démontré qu'ils seraient brevetables, de sorte qu'elle n'avait été privée d'aucune rémunération.
11. Il en résulte que l'action en rémunération supplémentaire de la salariée relevait de la compétence exclusive du tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire.
12. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a déclaré le conseil de prud'hommes incompétent pour statuer sur ce chef de demande.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
14. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes relatives au droit à l'image, alors « que le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation, et que le seul constat de l'atteinte au droit de chacun de s'opposer à la publication de son image ouvre droit à réparation sans qu'il y ait lieu de s'expliquer davantage sur la nature du préjudice qui en est résulté ; qu'en déboutant la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour atteinte à son image aux motifs qu'elle estimait disproportionné le fait de procéder au retrait dans les stocks existants des notices comportant son image, notice éditée lors de l'exécution du contrat de travail et de l'application de cette licence ou de valoriser un préjudice à ce titre alors que lors de l'édition de ces plaquettes, la licence s'appliquait et que la salariée avait été rémunérée selon les conditions contractuelles, cependant que la seule constatation de l'atteinte au droit de la salariée de s'opposer à la publication de son image postérieurement à son licenciement lui ouvrait droit à réparation, la cour d'appel a violé l'
article 9 du code civil🏛. »
Réponse de la Cour
15. Les dispositions de l'article 9 du code civil, seules applicables en matière de cession de droit à l'image, relèvent de la liberté contractuelle et ne font pas obstacle à celle-ci dès lors que les parties ont stipulé de façon suffisamment claire les limites de l'autorisation donnée quant à sa durée, son domaine géographique, la nature des supports et l'exclusion de certains contextes.
16. Il s'en déduit que la méconnaissance de ce texte ne peut être invoquée qu'à la condition que la diffusion litigieuse ne se rattache pas à l'exécution du contrat.
17. La cour d'appel a d'abord relevé que, par avenant du 28 juillet 1997, la salariée avait signé une licence d'image par laquelle elle consentait à l'employeur un droit exclusif de son nom et de son image pour la promotion de produits capillaires et cosmétiques moyennant une rémunération semestrielle. Elle a ensuite constaté, d'une part, qu'à la suite de la rupture du contrat de travail la licence d'image avait cessé d'être exécutée par l'employeur, d'autre part, que l'édition des notices en stocks était intervenue en exécution du contrat et avait été rémunérée. Elle a ainsi fait ressortir, qu'il n'y avait eu aucune captation, conservation, reproduction ou utilisation de l'image de la salariée en dehors de l'exécution de l'avenant de licence d'image.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [T] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille vingt-quatre.