CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 octobre 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 572 F-D
Pourvoi n° S 23-12.665
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 OCTOBRE 2024
La société Ernst & Young société d'avocats, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 23-12.665 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [D] [P], domicilié [… …],
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié en son parquet général, palais de justice, [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Aa et Rameix, avocat de la société Ernst & Young société d'avocats, de Me Ridoux, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 janvier 2023), M. [P] a signé avec le cabinet Arthur Andersen International un contrat de travail à durée indéterminée à effet du 15 mars 1983, en qualité de conseil juridique.
2. Le 7 décembre 1993, il est devenu avocat salarié par l'effet de la fusion entre les professions de conseil juridique et d'avocat et le 1er juillet 2003, son contrat de travail a été repris par la société d'avocats Ernst & Young (la société d'avocats).
3. Après son départ de la société d'avocats le 31 décembre 2018, il a, le 1er juillet 2020, saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine d'une demande de conciliation, en application des
articles 7 et 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛🏛, pour obtenir le versement d'une indemnité de fin de carrière prévue à l'article 9.3.2 de la Convention collective nationale des cabinets d'avocats (avocats salariés) en cas de départ volontaire à la retraite du salarié. La société d'avocats a opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
4. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La société Ernst & Young fait grief à l'arrêt d'écarter la fin de non-recevoir et de la condamner à payer à M. [Ab] les sommes de 688 611,72 euros bruts à titre d'indemnité de fin de carrière prévue à la convention collective applicable et de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et résistance abusive, alors « que l'indemnité versée par l'employeur au salarié au titre de sa mise à la retraite ou de son départ volontaire à la retraite n'est, dans aucun de ces deux cas, la contrepartie d'un travail fourni ; qu'il suit de là qu'elle ne constitue jamais une rémunération soumise au délai de prescription triennale prévu par l'
article L. 3245-1 du code du travail🏛 ; qu'en retenant au contraire et de manière erronée, après avoir dit que l'action intentée par M. [Ab] aurait eu "pour objet principal le paiement de l'indemnité de fin de carrière", que cette indemnité "ne compensant pas un préjudice, elle constitu[ait] une rémunération, de sorte que la prescription triennale prévue par l'article L. 3245-1 du code du travail s'appliqu[ait]", la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 3245-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. L'indemnité de fin de carrière versée, en cas de départ à la retraite, au salarié qui quitte volontairement l'entreprise n'a pas pour objet de compenser un préjudice et constitue dès lors une rémunération.
7. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l'action en paiement d'une telle indemnité est soumise à la prescription triennale prévue à l'article L. 3245-1 du code du travail.
8. C'est donc à bon droit que la cour d'appel, faisant application de cette prescription, a écarté la fin de non-recevoir soulevée par la société d'avocats et accueilli la demande de M. [P].
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ernst & Young aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette sa demande et la condamne à payer à M. [Ab] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.