COUR DE CASSATION
N.R
ASSEMBLEE PLENIERE
Audience publique du 13 décembre 2002
Rejet
M. CANIVET, premier président
Pourvoi n° J 00-17.143
Arrêt n° 492 P
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par M. Michel Z, demeurant Bourg-en-Bresse,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 mai 2000 par la cour d'appel de Grenoble (Chambres civiles réunies), au profit de l'ASSEDIC de l'Ain et des Deux Savoie, dont le siège est Annecy, et son agence de Bourg-en-Bresse, dont le siège est Bourg-en-Bresse,
défenderesse à la cassation ;
M. Z s'est pourvu en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon (1re Chambre), en date du 27 juin 1996 ;
Cet arrêt a été cassé le 6 mai 1998 par la Chambre sociale de la Cour de Cassation ;
La cause et les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de Grenoble qui, saisie de la même affaire, a statué par arrêt du 9 mai 2000 dans le même sens que la cour d'appel de Lyon par des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l'arrêt de cassation ;
Un pourvoi ayant été formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, M. le premier président a, par ordonnance du 15 mars 2002, renvoyé la cause et les parties devant l'Assemblée plénière ;
Le demandeur invoque, devant l'Assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de Cassation par la SCP Bouzidi, avocat de M. Z ;
Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de Cassation par la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'ASSEDIC de l'Ain et des Deux Savoie ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en Assemblée plénière, en l'audience publique du 6 décembre 2002, où étaient présents M. X, premier président, MM. W, W, W, W, W, présidents, Mme V, conseiller rapporteur, MM. Renard-Payen, Guerder, Chemin, Tricot, Merlin, Roman, Mmes Lardet, Vigneron, Mazars, M. Etienne, Mme Bezombes, M. Trédez, conseillers, M. U, premier avocat général, Mme T, greffier en chef ;
Sur le rapport de Mme V, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et de la SCP Piwnica et Molinié, les conclusions de M. U, premier avocat général, auxquelles les parties invitées à le faire n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches
Attendu que le 1er janvier 1993, M. Z a été engagé par la société AGEDIS comme directeur des ventes, son contrat à durée indéterminée contenant une clause de garantie d'emploi de deux ans ; que, nonobstant cette clause, il a été licencié le 1er septembre 1993 ; que l'ASSEDIC de l'Ain et des Deux Savoie a différé au 1er janvier 1995 la prise en charge de l'intéressé au titre de l'assurance chômage, le conseil de prud'hommes de Fontainebleau ayant, le 8 avril 1994, condamné l'employeur à verser les salaires dus au titre de la clause de garantie d'emploi ; que le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, saisi par M. Z d'une demande tendant à faire annuler la décision de l'ASSEDIC, l'en a débouté le 14 décembre 1994 ;
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 mai 2000), rendu sur renvoi après cassation (Sociale, 6 mai 1998, n° 230), d'avoir rejeté ses demandes et de l'avoir condamné en outre à payer diverses sommes à l'ASSEDIC de l'Ain et des Deux Savoie, alors, selon le moyen
1°/ qu'il résulte de l'article L. 351-1 du Code du travail et de l'article 2 du règlement annexé à la convention du 1er janvier 1994 relative à l'assurance chômage, que les dommages-intérêts alloués à un salarié en cas de violation par l'employeur d'une clause de garantie d'emploi peuvent, en l'absence de texte l'interdisant, se cumuler avec les indemnités de chômage servies par les ASSEDIC ; qu'en retenant que le conseil de prud'hommes a condamné l'employeur à payer des dommages-intérêts égaux aux salaires garantis et dit que l'ex-salarié ne démontrait de manière certaine aucun préjudice, pour en déduire que M. Z n'a donc jusqu'à la fin 1994 pas été privé des revenus nés de l'emploi que la juridiction lui a fait retrouver, et que le premier juge a valablement dit qu'une double indemnisation n'était pas possible, la cour d'appel, qui n'a constaté aucun texte prohibant le cumul des dommages-intérêts alloués en cas de violation d'une clause de garantie d'emploi avec les indemnités de chômage servies par les ASSEDIC, a violé les textes susvisés ;
2°/ qu'en décidant que le conseil de prud'hommes a condamné l'employeur à payer des dommages-intérêts égaux au salaire garanti et dit que l'ex-salarié ne démontrait aucun autre préjudice sinon implicitement de principe puisqu'un franc de dommages-intérêts a été alloué, pour en déduire que M. Z n'a donc pas été privé des revenus nés de l'emploi que la juridiction lui a fait retrouver, que le premier juge a valablement dit qu'une double indemnisation n'était pas possible, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les conditions de calcul de l'indemnité et le fait qu'elle n'avait pas été prise en considération pour le calcul des cotisations sociales et de chômage, ni pour le calcul des droits de M. Z, ne démontrait pas qu'elle n'était pas une indemnisation équivalente aux revenus perdus tels qu'ils existaient antérieurement au licenciement, mais une indemnité réparant la faute de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3°/ qu'en affirmant que le caractère indemnitaire des dommages-intérêts alloués pour faute contractuelle invoquée par M. Z n'a pas de conséquence intrinsèque puisqu'une indemnité peut représenter en tout ou partie un gain dont le créancier a été privé, qu'en matière de contrat à durée déterminée, l'indemnité allouée en application de l'article L. 122-3-8 a, elle aussi, un caractère indemnitaire et ne peut se cumuler avec l'indemnité de chômage, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 351-1 du Code du travail et de l'article 2 du règlement annexé à la convention du 1er janvier 1994 relative à l'assurance chômage ;
Mais attendu que les dommages-intérêts alloués à un salarié en cas de violation par l'employeur d'une clause de garantie d'emploi, qui sont équivalents aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme de cette période de garantie, ne peuvent se cumuler avec le revenu de remplacement servi par l'ASSEDIC ;
Que la cour d'appel ayant ainsi légalement justifié sa décision, le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Z ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, siégeant en Assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du treize décembre deux mille deux.
LE CONSEILLER RAPPORTEUR, LE PREMIER PRÉSIDENT, LE GREFFIER EN CHEF,
Moyen produit par la SCP Bouzidi, avocat aux Conseils, pour M. Z.
MOYEN ANNEXE à l'arrêt n° 492 P (Assemblée plénière) MOYEN DE CASSATION
LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT CONFIRMATIF attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris et rejeté l'ensemble des demandes de l'exposant, condamné en outre à payer diverses sommes à l'ASSEDIC de l'AIN et des DEUX SAVOIE.
AUX MOTIFS QUE l'article L. 351-1 du Code du travail affirme le droit à un revenu de remplacement des travailleurs privés d'emploi, que le droit à l'indemnité d'assurance né à la fois de la privation d'emploi et de la privation des revenus née de l'emploi ; qu'en l'espèce le conseil des prud'hommes de FONTAINEBLEAU a condamné l'employeur à payer des dommages et intérêts strictement égaux au salaire garanti et dit que l'ex salarié ne démontrait de manière certaine aucun autre préjudice, sinon implicitement de principe puisqu'un franc de dommages-intérêts a été alloué, que Monsieur Z n'a donc jusque fin 1994 pas été privé des revenus nés de l'emploi que la juridiction lui a fait retrouver, que le premier juge a valablement dit qu'une double indemnisation n'était pas valable, que le caractère indemnitaire des dommages-intérêts alloués pour faute contractuelle invoquée par l'appelant n'a pas de conséquence intrinsèque puisqu'une indemnité peut représenter en tout ou partie un gain dont le créancier a été privé et qu'en matière de contrat à durée déterminée l'indemnité allouée en application de l'article L. 122-3-8 a, elle aussi, un caractère indemnitaire (Soc 1er juillet 1998) et ne peut se cumuler avec l'indemnité de chômage (Soc 14 janvier 1997) ; qu'ainsi la décision de l'ASSEDIC était fondée.
ALORS D'UNE PART QU'il résulte de l'article L. 351-1 du Code du travail et de l'article 2 du règlement annexé à la convention du 1er janvier 1994 relative à l'assurance chômage, que les dommages-intérêts alloués à un salarié en cas de violation par l'employeur d'une clause de garantie d'emploi peuvent, en l'absence de texte l'interdisant, se cumuler avec les indemnités de chômage par les ASSEDIC ; qu'en retenant que le conseil de prud'hommes a condamné l'employeur à payer des dommages-intérêts strictement égaux aux salaires garantis, a dit que l'ex salarié ne démontrait de manière certaine aucun autre préjudice, pour en déduire que l'exposant n'a donc jusqu'à fin 1994 pas été privé des revenus nés de l'emploi que la juridiction lui a fait retrouver, que le premier juge a valablement dit qu'une double indemnisation n'était pas possible, la cour d'appel qui n'a constaté aucun texte prohibant le cumul des dommages-intérêts alloués en cas de violation d'une clause de garantie d'emploi avec les indemnités de chômage servies par les ASSEDIC, a violé les textes susvisés.
ALORS D'AUTRE PART QU'il résulte du jugement définitif du conseil des prud'hommes, que l'employeur était condamné à payer à l'exposant une somme de 327 500 francs à titre de dommages-intérêts outre celle de un franc pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'exposant faisant valoir que la réparation allouée prenait en compte non le salaire brut mais le salaire net qu'il aurait dû percevoir pendant la durée de la clause de garantie d'emploi et n'avait pas la nature de salaire, aucune cotisation de chômage ni de sécurité sociale n'ayant été payée, l'ASSEDIC ayant elle-même refusé de prendre en considération cette indemnité pour le calcul des droits de l'exposant à compter de sa prise en charge à l'échéance de la période de garantie d'emploi ; que l'exposant faisait valoir que l'indemnité qui lui a été allouée avait la nature de dommages-intérêts et en aucun cas celle de revenu de remplacement, n'en remplissant pas les conditions ; qu'en décidant que le conseil des prud'hommes a condamné l'employeur à payer des dommages-intérêts strictement égaux aux salaires garantis et a dit que l'ex salarié ne démontrait de manière certaine aucun autre préjudice sinon implicitement de principe puisqu'un franc de dommages-intérêts a été alloué pour en déduire que l'exposant n'a donc pas été privé des revenus nés de l'emploi que la juridiction lui a fait retrouver, que le premier juge a valablement dit qu'une double indemnisation n'était pas possible, sans rechercher comme elle y était invitée si les conditions de calcul de l'indemnité et le fait qu'elle n'avait pas été prise en considération pour le calcul des cotisations sociales et de chômage, ni pour le calcul des droits de l'exposant ne démontrait pas qu'elle n'était pas une indemnisation équivalente aux revenus perdus tels qu'ils existaient antérieurement au licenciement mais une indemnité réparant la faute de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
ALORS ENFIN QU'en affirmant que le caractère indemnitaire des dommages-intérêts alloués pour faute contractuelle invoquée par l'appelant n'a pas de conséquence intrinsèque puisqu'une indemnité peut représenter en tout ou partie un gain dont le créancier a été privé, qu'en matière de contrat à durée déterminée, l'indemnité allouée en application de l'article L. 122-3-8 a, elle aussi, un caractère indemnitaire et ne peut se cumuler avec l'indemnité de chômage, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 351-1 du Code du travail et de l'article 2 du règlement annexé à la convention du 1er janvier 1994 relative à l'assurance chômage.
LE GREFFIER EN CHEF.