SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 octobre 2024
Rejet
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1035-B
Pourvoi n° F 23-10.930
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 OCTOBRE 2024
Mme [P] [K], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 23-10.930 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à l'[3], dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat de Mme [K], de la SAS Hannotin Avocats, avocat de l'[3], après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Palle, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 novembre 2022) et les productions, Mme [K] a été titularisée à compter du 1er janvier 1998 par la chambre de commerce et d'industrie de Paris Ile-de-France (la CCI) et travaillait au sein de l'[3] (l'[3]).
2. En application de la
loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014🏛, l'[3] est devenu un établissement d'enseignement supérieur consulaire de droit privé et a acquis la personnalité morale le 1er janvier 2016.
3. A compter du 1er janvier 2016, l'intéressée a été mise à la disposition de cet établissement. Elle y exerçait les fonctions de directrice de l'espace d'art contemporain d'[3].
4. Elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de son statut d'agent public en contrat de travail de droit privé puis s'est prévalue d'une situation de co-emploi et a sollicité diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. L'intéressée fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le conseil de prud'hommes matériellement incompétent et renvoyé les parties à mieux se pourvoir, alors :
« 1°/ que lorsqu'un agent public mis à la disposition d'une personne morale de droit privé dans le cadre d'une convention de mise à disposition, exerce ses fonctions dans un lien de subordination avec cette dernière, il est lié à elle par un contrat de travail qui se superpose au lien contractuel qui l'unit à l'établissement public qui l'emploie ; que le lien de subordination se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements ; que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que Mme [K], agent public de la CCI, était mise à disposition par cette dernière auprès de l'[3], au sein duquel elle exerçait les fonctions de directrice de l'espace d'art contemporain dans le cadre d'une convention de mise à disposition, que l'[3] était responsable de l'organisation de son activité, de son planning de travail et de l'organisation de ses congés et que dans ce cadre, il adressait à Mme [K] des ordres et des directives et contrôlait l'exécution de son travail, il était destinataire de ses notes de frais et lui avait alloué, le 1er juillet 2019, une prime d'ancienneté, que Mme [K] exerçait ses droits de vote et de candidature aux élections des représentants du personnel au sein de l'[3] et que l'[3] avait la faculté de saisir la CCI afin de solliciter le prononcé d'une sanction disciplinaire à l'encontre de Mme [K] ; qu'en excluant tout lien de subordination avec l'[3] au motif inopérant que le pouvoir de donner des ordres et des directives à Mme [K] et de contrôler l'exécution du travail de cette dernière s'exerçait dans le cadre de la convention de mise à disposition conclue avec la CCI, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article L. 1221-1 du code du travail🏛 ;
2°/ que le lien de subordination se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'[3] avait l'initiative des promotions et des allocations de primes au bénéfice de Mme [K] et qu'il avait la possibilité de saisir la CCI pour solliciter le prononcé d'une sanction disciplinaire à l'encontre de Mme [K], ce dont il s'évinçait que l'[3] participait à la gestion de la carrière et à l'exercice du pouvoir disciplinaire avec la CCI ; qu'en excluant tout lien de subordination avec l'[3] au motif que la CCI demeurait chargée de la gestion de la carrière de Mme [K] et du pouvoir disciplinaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3°/ que le lien de subordination est l'élément caractéristique du contrat de travail ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que la CCI demeurait chargée de la gestion de la carrière et du paiement des salaires de Mme [K], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
6. Des dispositions législatives peuvent déroger à la règle selon laquelle un agent public mis à la disposition d'un organisme de droit privé pour accomplir un travail pour le compte de celui-ci et sous sa direction est lié à cet organisme par un contrat de travail.
7. Aux termes de l'
article 43 V de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014🏛, lorsqu'un établissement d'enseignement supérieur consulaire est créé en application des
articles L. 711-4 et L. 711-9 du code de commerce🏛🏛, les agents de droit public relevant du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, établi conformément à la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers, affectés aux activités transférées à cet établissement sont mis à la disposition de l'établissement ainsi créé ou de ses filiales pour la durée restant à courir de leur contrat pour les agents sous contrat à durée déterminée et pour une durée maximale de quinze ans pour les agents titulaires et stagiaires.
Une convention conclue entre la chambre de commerce et d'industrie concernée et l'établissement d'enseignement supérieur consulaire détermine les conditions de déroulement et de cessation de cette mise à la disposition et les conditions de prise en charge par l'établissement d'enseignement supérieur consulaire de l'ensemble des coûts correspondants.
Pendant la durée de la mise à la disposition, chaque agent sous contrat à durée indéterminée mis à la disposition peut à tout moment demander que lui soit proposé par l'établissement d'enseignement supérieur consulaire un contrat de travail de droit privé. La conclusion de ce contrat emporte alors radiation des effectifs de la chambre de commerce et d'industrie concernée. Au terme de la durée prévue au premier alinéa du présent V, l'établissement d'enseignement supérieur consulaire propose à chaque agent titulaire un contrat de travail de droit privé, dont la conclusion emporte radiation des effectifs de la chambre de commerce et d'industrie concernée. En cas de refus de l'agent de conclure ce contrat de travail, la chambre de commerce et d'industrie concernée lui propose un autre emploi en son sein, d'un niveau équivalent.
8. Il résulte de ces dispositions qu'un agent statutaire d'une chambre de commerce et d'industrie mis à la disposition d'un établissement d'enseignement supérieur consulaire, s'il peut opter pour la conclusion d'un contrat de travail avec l'organisme d'accueil, ne peut cumuler le statut d'agent public et celui de salarié de droit privé de cet établissement.
9. La cour d'appel, qui a constaté que l'intéressée, agent public de la CCI, avait été mise à la disposition de l'[3] en application de l'article 43 V de la loi du 20 décembre 2014, qu'informée de la possibilité de conclure un contrat de travail de droit privé avec cet établissement, elle n'avait pas formé de demande en ce sens, qu'elle avait ainsi conservé son statut d'agent public et avait exercé ses fonctions dans les conditions prévues à la convention de mise à disposition conclue entre la CCI et l'[3], a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués, justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [K] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille vingt-quatre.