COUR D'APPM. DE RIOM
SECRETARIAT-9EFFE
XTRAIT DES HUTU DU "le IRT-Gge3
DI 1 C0119 D'APPFL O Rinm
Arrêt rendu ce vingt deux Février deux mil par la CHAMBRE SOCIALE de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de
M. M. BLATMAN, Président
M. D. JEAN, Conseiller
M. C. BILLY, Conseiller
En présence de Mme M. DUFOUR greffier lors des débats et du prononcé
22/02/2000
Arrêt n° MB.MRD.
Dossier n°99/01655
YVONNE BRUCKER
S . A . ENTRE
DIAMANTINE,
C.P.A.M. DE Mme Y Z YYALLIERALLIER, 17 chemin de Piétot -
Jean-Michel DESERTINES
BRUCKER Représentée et plaidant par Me D. ...
RASSS Avocat au barreau de RIOM
AUVERGNE
Véronique X
BRUCKER
ET
C53JeneA0 S.A. DIAMANTINE, prise en la personne de son représentant
/àe).up, légal, dont le siège est
1\ço F 00 itt 3-1 5 eit4 2.5 oWeen) BP 3245 -
- fe& Cxxx-a_ Ccedaia . MONTLUCON
s-.pe Représentée et plaidant par la SCP d'avocats REBOUL -SALZE - MEYZONNADE-TRUNO du barreau de CLERMONT-FERRAND
(3-nst
e 061e Itk kt 1 t) 4 to%---.,z)
C.P.A.M. DE L'ALLIER
9 & 11, rue Achile
MOULINS
Représentée par Melle ... M.
M. J. Z
SAINT MARTIN DU VIVIER
et
Melle Z VéroniqueX
MOLENBRINCK 20 2553 GN DEN HAAG - NEEDERLAND Tous deux intervenants volontaires
1655/99 -2- Représentés et plaidant par Me MACHELON, Avocat au barreau de RIOM
D.R.A.S.S. D'AUVERGNE
CLERMONT-FD
Non comparant
INTIMÉS
Après avoir entendu les représentants des parties à l'audience publique du 11 Janvier 2000, la Cour a mis l'affaire en délibéré pour la décision être rendue à l'audience publique de ce jour, indiquée par M. le président, à laquelle ce dernier a lu le
( dispositif de l'arrêt dont la teneur suit, en application de l'article 452 du nouveau code de procédure civile
I. - EXPOSÉ DE LA CAUSE
Suivant lettre recommandée du 5 juin 1999 Madame Y. ... veuve Z a interjeté appel du jugement rendu le 7 mai 1999 par lequel le Tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Allier l'a
- D'une part, déboutée de son recours contre la décision de la Commission de Recours Amiable de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Allier du 9 septembre 1997, ayant rejeté sa demande de prise en charge, au titre d'accident du travail, du décès de son fils L. Z, né le 12 mai 1963, entré le 25 janvier 1988 au service de la S.A. DIAMANTINE en qualité d'ouvrier de fabrication puis promu le 1er janvier 1992 au poste de responsable de l'atelier Conditionnement, exerçant par ailleurs des fonctions représentatives au Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail, et suicidé par pendaison avec corde sur son lieu de travail le 20 janvier 1997;
- D'autre part, condamnée à payer à la S.A. DIAMANTINE la somme de 1.500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Madame Z maintient sa réclamation initiale et conclut à la condamnation de la CPAM à lui payer la somme de 1.500 F en application de l'article susvisé.
Monsieur J. Z et Mademoiselle Véronique Z, respectivement frère et soeur du défunt, interviennent volontairement à l'instance d'appel aux côtés de leur mère.
La CPAM sollicite la confirmation du jugement.
La S.A. DIAMANTINE excipe d'abord du défaut de qualité de l'appelante à agir, conclut ensuite à la confirmation du jugement et à la condamnation de Madame Z à lui payer la somme de
3.000 F au titre de l'article 700 NCPC.
Le Directeur Régional des Affaires Sanitaires et Sociales d'Auvergne, régulièrement convoqué, ne comparaît pas, ni personne pour lui, et ne présente d'observations écrites.
II - MOTIFS
Attendu que, pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer au jugement attaqué et aux conclusions des parties, oralement reprises ;
Sur la recevabilité
Attendu, d'une part, que l'appel, interjeté dans le délai d'un mois prévu par les articles 538 du nouveau Code de procédure civile et R.142-28 du Code de la sécurité sociale, est régulier en la forme ;
Que, d'autre part, les consorts Z justifient par une attestation notariée versée aux débats de leur qualité d'ascendant en ce qui concerne Madame veuve BRUCKER, d'héritiers en ce qui concerne les frère et soeur du défunt ; que leur action est par conséquent recevable ;
Sur l'imputabilité du décès à l'accident du travail
Attendu que, pour débouter Madame Z de son recours, le tribunal des affaires de sécurité sociale énonce que le défunt ayant prémédité son geste puisque la corde avec laquelle il a mis fin à ses jours n'appartenait pas à l'entreprise et avait donc vraisemblablement été amenée sur les lieux de son travail par la victime qui a attendu le départ du personnel pour se pendre, d'une part, que n'étant pas démontré que les différents avertissements précédemment reçus de l'employeur et l'éventuelle convocation de l'intéressé en vue d'un licenciement ou d'une rétrogradation aient provoqué une dépression grave du salarié l'ayant conduit au suicide, d'autre part, que les pièces et attestations produites montrant au contraire qu'il avait eu un comportement normal le jour de son décès, enfin, son acte de désespoir s'analyse comme un acte réfléchi et
conscient totalement étranger au travail qu'il exécutait ce jour-là ; qu'en aucun cas, il n'est établi que Monsieur Z s'est donné la mort dans un moment d'aberration exclusif de tout élément intentionnel ; que, dès lors, s'agissant d'une faute intentionnelle de la victime, l'article L.453-1 du Code de la sécurité sociale exclut toute prise en charge au titre des accidents du travail ;
Que la CPAM ajoute, à l'appui de cette décision, qu'il ressort de l'enquête légale diligentée par l'organisme social qu'aucun événement particulier n'est survenu dans la journée du 20 janvier 1997 permettant d'établir un lien entre l'activité de l'intéressé et son décès, que les problèmes professionnels de Monsieur Z étaient réglés et que rien n'établit davantage la possibilité d'une sanction à son égard ; que son suicide n'est donc pas imputable au travail effectué le jour de l'accident et ne peut donner lieu à prise en charge ;
Que la S.A. DIAMANTINE fait valoir, pour sa part, que l'acte volontaire et réfléchi, constitutif de faute intentionnelle, accompli par son salarié ne répond pas à la condition de soudaineté caractérisant l'accident du travail, et est dépourvu de lien direct avec le travail lui-même, l'événement à l'origine du suicide se situant, selon un collègue, en dehors de la vie professionnelle de l'intéressé, qui avait été éprouvé par le fait que sa compagne avait perdu son emploi au sein de la société DIAMANTINE, et dont les erreurs professionnelles objet de l'avertissement, étaient la conséquence de problèmes personnels ;
Attendu cependant, en premier lieu, que L. Z a pointé à l'entrée de l'entreprise le lundi 20 janvier 1997 à 7 h 45, et a été trouvé vers 22 heures 30, porteur de sa blouse blanche, pendu à une corde nouée sur une traverse métallique située à 3,5 m du sol, dans l'entrepôt de stockage de matières premières solides ; que les services de police ont été alertés à 23 heures et que le décès par suite de suicide a été constaté par un médecin du S.A.M.U. à 23 heures 30, le corps étant froid et raide, et la mort remontant déjà à plusieurs heures ;
Que si le directeur du personnel, entendu les 7 mars et 21 avril 1997, a déclaré qu'il est apparu a posteriori que la corde n'appartenait pas à l'entreprise, et qu'elle avait été détruite par cette dernière ultérieurement, Mademoiselle C. ..., compagne du défunt, a régulièrement attesté que lorsque son compagnon et elle avaient quitté leur appartement, le matin, pour se rendre à leur travail respectif L. Z n'avait aucune corde sur lui ; que Monsieur ..., collègue de la victime, a également déclaré que la corde en question appartenait bien à l'entreprise ;
Qu'il ressort déjà de cette première contradiction que le caractère prémédité du geste du défunt résultant, selon les premiers juges, de la non-appartenance de la corde à l'entreprise n'est pas établi ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'enquête légale succincte à laquelle a procédé la Caisse et les explications données par l'employeur, selon lequel les fonctions de responsable de la sécurité de l'entreprise exercées par l'intéressé le rendaient autonome sur les deux sites de la société, ne permettent pas de savoir avec certitude comment L. Z, dont la carte de pointage n'a pas été oblitérée à 11 h 45, a pu disparaître de la vue de ses collègues, et notamment de sa hiérarchie, pendant toute une journée, seul le directeur du personnel indiquant l'avoir rencontré le matin vers 9 heures 30 et précisant qu'il aurait été vu vers 11 h 20 pour la dernière fois par un collègue ;
Attendu, en troisième lieu, que le salarié s'est vu notifier par son employeur, le 8 janvier 1997, la lettre recommandée dont la teneur suit
" Nous constatons, jour après jour votre manque de rigueur et d'intérêt dans l'accomplissement de votre travail de Responsable du Magasin de Matières Premières.
En cette période de l'année, votre premier souci doit être de porter un soin tout particulier aux matières premières craignant le gel.
Vous n'êtes, malheureusement, pas débordé de travail vu le peu de fabrications et d'approvisionnements de ces derniers jours, malgré cela, vous avez omis de sortir un fut d'Haloflex 202 qui a gelé, ce qui fait beaucoup si l'on ajoute les 14 palettes de matières premières inutilisables pour le même motif .
Vous avez déjà été averti le 19 avril 1996 pour une faute professionnelle, il faut absolument vous remettre en cause, car nous ne tolèrons plus d'erreur de votre part. Vous occupez un poste important rémunéré comme tel et qui demande de la rigueur. Vous bâclez votre travail (cf. différentes erreurs dans votre comptage d'inventaire). Veuillez donc noter qu'à partir du Lundi 13 janvier 1997 et ceci, jusqu'à nouvel ordre de Monsieur ..., vous pèserez toutes les matières premières des différents ateliers de fabrication, ce qui facilitera le suivi de celles-ci .
Nous estimons que vous avez largement le temps pour le faire, compte tenu de votre charge journalière de travail .
Si dans l'avenir, nous avions à constater, la moindre erreur, votre place de responsable serait remise en cause. "
Que dès le lendemain du décès de son compagnon, le 21/1/1997 vers 14 h 30, Mademoiselle C. ... indiquait aux policiers enquêteurs que le suicide était dû aux pressions faites par l'employeur ; que son ami, en effet, promu récemment au poste de responsable de sécurité, devait être aidé dans son travail par deux personnes qui n'ont jamais été affectées à ce poste ; qu'il ne pouvait donc plus assurer physiquement ce travail, d'autant que dans le courant du mois, il avait été destinataire d'un courrier en recommandé adressé par l'employeur lui enjoignant un entretien pour explications, suivi d'un nouveau courrier avec injonction de faire correctement les nouvelles attributions que l'employeur lui avait confiées ; que, depuis une dizaine de jours, il "n'en pouvait plus physiquement et psychologiquement" mais, malgré cela, ne voulait pas s'arrêter de travailler ; que, dépressif depuis le premier courrier recommandé de la société DIAMANTINE, il avait consulté le 18 janvier 1997 un médecin, le docteur ..., qui lui avait prescrit des antidépresseurs;
Qu'un tract syndical du 21 janvier 1997 a d'abord rappelé qu'après avoir reçu plusieurs lettres d'avertissement, L. Z craignait d'autres sanctions pour cette semaine, a ensuite dénoncé l'existence dans l'entreprise d'une dégradation des conditions de travail et ses conséquences sur chaque salarié (stress, manque de motivation) avec une charge de travail toujours en augmentation ;
Que le témoin LARUE a précisé que le défunt étant venu lui demander quelles démarches il devait faire à la suite de la réception d'une lettre recommandée l'accusant d'une faute qu'il n'avait pas commise, il lui avait conseillé de demander une entrevue avec la Direction, ce qu'il fit ; que l'ayant ensuite rencontré dans la cour, il lui avait posé la question de savoir où en était son problème, ce à quoi l'intéressé lui avait répondu que c'était réglé, le patron lui ayant dit de ne pas en tenir compte, mais qu'il y avait "autre chose" qu'il expliquerait ultérieurement à son collègue ; que l'attestant, auquel il était apparu très marqué psychologiquement à la suite de la réception des différents courriers recommandés, n'avait pas eu d'autres contacts avec lui, mais qu'un autre salarié, Monsieur ..., l'avait prévenu que L. Z lui avait demandé, le vendredi 17 janvier 1997, de l'assister en cas de convocation pour un entretien préalable ;
Qu'un second témoin, Monsieur ..., a indiqué que L. Z était venu se confier à lui, le même 17 janvier 1997, pour lui parler des difficultés rencontrées dans son travail et lui annoncer qu'il s'attendait à être convoqué en milieu de semaine prochaine en vue d'une rétrogradation ou d'un licenciement ;
Qu'il se déduit de ces circonstances que, contrairement à ce que soutient l'employeur, la preuve n'est pas rapportée que l'événement à l'origine du suicide se situerait dans des problèmes personnels importants, extérieurs à la vie professionnelle de l' intéressé ;
Que l'argument pris de ce que le salarié aurait été éprouvé par le fait que sa compagne avait perdu son emploi au sein de la société DIAMANTINE n'est pas opérant, le licenciement de Mademoiselle ... remontant à l'année 1994 et la qualification du caractère abusif de cette décision par la juridiction prud'homale à 1995 ;
Que si l'employeur a admis, après avoir rencontré Monsieur Z, que celui-ci n'était pas responsable du gel des 14 palettes, il ressort des témoignages susvisés que le salarié n'en était pas plus rassuré pour autant sur son sort à venir dans l'entreprise ;
Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments d'appréciation, d'une part, qu'alors qu'en vertu des dispositions de l'article L.411-1 du Code du travail, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail est présumé imputable à celui-ci, ni la CPAM ni l'employeur auxquels incombe cette preuve, n'établissent que le travail n'a joué strictement aucun rôle dans la survenance du décès ; qu'il en découle, d'autre part, que l'altération de l'état psychologique du salarié, attestée par les témoignages produits et elle-même liée aux vicissitudes des relations professionnelles de Monsieur Z avec son employeur, conduit à écarter et, tout au moins à atténuer sensiblement, le caractère volontaire et réfléchi de l'acte suicidaire qui, dès lors, ne peut être considéré comme une faute intentionnelle de la victime au sens de l'article L.453-1 du même Code ;
D'où il suit que le jugement sera réformé 'de ce chef, et la Caisse condamnée à prendre en charge le décès du susnommé au titre de la législation sur les accidents du travail ;
Sur l'article 700 du NCPC
Attendu que la société DIAMANTINE succombant en ses prétentions, la décision entreprise, qui a par ailleurs condamné de manière inéquitable la mère du salarié décédé à payer une indemnité à la société anonyme employeur sur le fondement du texte précité, alors, d'une part, que la procédure en matière de sécurité sociale est en principe gratuite, d'autre part, que la condamnation au paiement
N° 1655/99
d'une telle indemnité est de nature à faire échec au droit de l'assuré social d'avoir un recours effectif à une juridiction, doit être réformée de ce chef également ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu à application de ce texte à l'encontre de la société intimée, et qu'il n'y a pas davantage matière à dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme, déclare l'appel recevable.
Reçoit Monsieur J. Z et Mademoiselle Véronique Z en leur intervention volontaire à l'instance.
Au fond, infirme le jugement.
Condamne la CPAM de l'Allier à prendre en charge le décès de Monsieur L. Z, survenu le 20 janvier 1997 à MONTLUÇON, au titre d'accident du travail.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du NCPC. Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an
LE GREFFIER
M.R DUFOUR
Dans les deux mois de la réception de la notification, chacune des parties intéressées peut se pourvoir en cassation contre cette décision.
Pour être recevable, le pourvoi doit être formé par le ministère d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.
Il est rappelé que le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire - ui n'a pas pour but de faire rejuger l'affaire au fond, se e sanctionner la violation des
règles de dro