Jurisprudence : CA Paris, 1ère, A, 16-01-1996, n° 94 - 19336






N° Répertoire Général COUR D'APPEL DE PARIS
94 - 19336 1ère chambre, section A
ARRÊT DU 16 JANVIER 1996
(N°, , ISSpages)
AIDE JURIDICTIONNELLE
Admission du / au profit de / Date de l'ordonnance
de clôture
7 novembre 1995
S/Appel du Jugt du tribunal de commerce de Paris, 1ère chambre A (RG 93 050401 - 08/07/93) du 13 juin 1994
(arrêt au fond)

PARTIES EN CAUSE
1° - Monsieur Z Louis demeurant
NEUILLY PLAISANCE 2° - Monsieur Y Christian demeurant PARIS
3° - Monsieur X Jean-Pierre demeurant VILLEJUIF
4° - Monsieur W MauriceW
demeurant
PARAY VIEILLE POSTE 5° - Monsieur V Antonio demeurant
LA CELLE SAINT CLOUD
Appelants au principal
Intimés incidemment
Représentés par la S.C.P. HOURDAIS- VIRENQUE, titulaire d'un office d'avoué
Assistés de Me F. SERRES, avocat
(W 06) 6° - La société MATRA-HACHETTE société anonyme dont le siège est
PARIS
Intimée au principal Appelant-e incidemment

,re

Représentée par la S.C.P. FISSELIER, CHILOUX et BOULAY, titulaire d'un office d'avoué
Assistée de Me François PRAT, avocat (T 12)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré
Président

Monsieur
P. ...
Conseillers

Monsieur
D. ...


Monsieur

Christian Y
GREFFIER



Madame R. ...
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté aux débats par Madame G. ..., Avocat
Général, qui a présenté des observations orales
DÉBATS
A l'audience publique du 15 novembre 1995
ARRÊT
Contradictoire
Prononcé publiquement par Monsieur BARGUE, Président, qui a signé la minute, avec Madame BIOT, Greffier

*
Par acte sous seing privé en date du 25 novembre 1992, les sociétés MATRA et HACHETTE ont établi un projet de fusion prévoyant que la société MATRA ferait apport à titre de fusion à la société HACHETTE de l'intégralité des biens et droits composant son actif moyennant, d'une part, la prise en charge par la société HACHETTE de l'intégralité de son passif, d'autre part, l'attribution en rémunération de l'actif net, de 62.351.309 actions nouvelles de 15 francs nominal chacune, à créer par la société HACHETTE au titre d'une augmentation de son capital et destinées à être remises aux actionnaires de la société MATRA à raison de 13 actions nouvelles de la société HACHETTE contre 5 actions de la société MATRA.
Le 29 décembre 1992, les actionnaires de la société MATRA, réunis en assemblée générale extraordinaire, ont approuvé ce projet.
Prétendant que des manoeuvres dolosives imputables aux actionnaires de contrôle de la société MATRA auraient affecté cette approbation, M. V, M. et Mme ..., M. ..., M. Z, M. Y, M. X, M. ... et M. W ont, les 21 juin et 20 août 1993, assigné la société MATRA-HACHETTE devant le tribunal de commerce de Paris auquel ils ont demandé, d'abord, de déclarer nulle l'assemblée générale extraordinaire tenue le 29 décembre 1992 par les actionnaires de la société MATRA
1ère chambre, section A ARRÊT DU 16 JANVIER 1996
2ème--1--;-èg-e

et, par voie de conséquence, de déclarer nulle l'opération de fusion approuvée tant par cette assemblée générale extraordinaire que par celle des actionnaires de la société HACHETTE tenue à cette même date, ensuite, de condamner la société MATRA-HACHETTE, d'une part, à payer, à titre de dommages-intérêts, la somme de 16.664 francs à M. V, la somme de 3.204 francs à M. et Mme ..., la somme de 1.175 francs à M. ..., la somme de 32.046 francs à M. Z, la somme de 80.115 francs à M. Y, la somme de 2.670 francs à M. X, la somme 1.068 francs à M. ... et la somme de 21.364 francs à M. W, d'autre part, à leur verser la somme de 100.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Par jugement en date du 13 juin 1994, le tribunal a, d'une part, déclaré M. et Mme ... irrecevables en leur demande et condamné ceux-ci à verser à la société MATRA-HACHETTE la somme de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, d'autre part, rejeté les demandes formées à l'encontre de cette société par ses autres adversaires.

M. Z, M. Y, M. X, M. W et M. V ont formé appel à l'encontre de ce jugement.
Concluant à la réformation de celui-ci ils demandent à la cour, principalement, d'abord, de déclarer nulle l'assemblée générale extraordinaire tenue le 29 décembre 1992 par les actionnaires de la société MATRA et, par voie de conséquence, de déclarer nulle l'opération de fusion approuvée tant par cette assemblée générale extraordinaire que par celle des actionnaires de la société HACHETTE tenue à cette même date, ensuite, de condamner la société MATRA-HACHETTE, d'une part, à payer, à titre de dommages-intérêts, la somme de 32.046 francs à M. Z, la somme de 80.115 francs à M. Y, la somme de 2.670 francs à M. X, la somme de 21.364 francs à M. W et la somme de 16.664 francs à M. V, d'autre part, à leur verser la somme de 50.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, subsidiairement, d'ordonner diverses mesures d'instruction.
La société MATRA-HACHETTE demande à la cour, d'abord, principalement, de déclarer ses adversaires irrecevables en leurs demandes, subsidiairement, de rejeter celles-ci, ensuite, de condamner solidairement ses adversaires à lui payer, d'une part, la somme de 4.000.000 de francs à titre de dommages-intérêts, d'autre part, la somme de 100.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Le ministère public s'en rapporte à justice relativement aux fins de non-recevoir soulevées par la société MATRA-HACHETTE et, en cas de rejet de celles-ci, conclut à la prescription d'une expertise.
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SUR CE, LA COUR
I - SUR LES DEMANDES FORMEES PAR M. Z, M. Y, M. X, M. W et M. MENEGAllI
A) Sur la demande en annulation de l'assemblée générale extraordinaire et de l'opération de fusion litigieuses
1) Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société MATRA-HACHETTE
Considérant que la société MATRA-HACHETTE soutient
- que dès lors qu'elle est fondée sur le dol l'action en annulation de l'assemblée générale extraordinaire et de l'opération de fusion litigieuses n'est ouverte qu'aux actionnaires dont le consentement aurait été obtenu par l'effet de ce vice du consentement et qui seraient restés actionnaires depuis lors,
- que seuls ont formé appel ceux des demandeurs qui justifiaient à la fois
* de leur qualité d'actionnaires de la société MATRA à la date du 29 décembre 1992,
* d'avoir été représentés à l'assemblée générale extraordinaire tenue à cette même date,
* d'être restés actionnaires jusqu'àà la date de la délivrance de l'acte introductif d'instance,
- qu'en revanche aucun d'eux ne justifie être resté, depuis lors, actionnaire de la société MATRA-HACHETTE,
- qu'ainsi M. Z, M. Y, M. X, M. W et M. V ne sont pas recevables à agir en annulation de l'assemblée générale extraordinaire et de l'opération de fusion litigieuses ;
Considérant, en droit, que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ;
Considérant, en l'espèce, que les appelants prétendent que tant l'assemblée générale extraordinaire que l'opération de fusion litigieuses seraient entachées de nullité en raison du vice qui aurait affecté le consentement exprimé par les actionnaires de la société MATRA à l'occasion de cette assemblée générale extraordinaire ;
Que la société MATRA-HACHETTE admet que chacun de ses adversaires a, en sa qualité d'actionnaire de la société MATRA, été représenté à ladite assemblée générale extraordinaire ;
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Qu'ainsi ceux-ci ont un intérêt légitime au succès de la prétention par eux articulée à l'encontre de la société MATRA-HACHETTE ;
D'où il suit que la fin de non-recevoir soulevée par ladite société est dépourvue de fondement ;
2) Sur le fond
Considérant que M. Z, M. Y, M. X, M. W et M. V font valoir
- qu'antérieurement à la tenue, le 29 décembre 1992, de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société MATRA, cinq documents ont été mis à la disposition de ceux-ci, savoir le document d'information remis le 24 novembre 1992 par la société MATRA à la Commission des Opérations de Bourse, le projet de fusion entre les sociétés MATRA et HACHETTE déposé au greffe du tribunal de commerce de Paris le 26 novembre 1992, le rapport des commissaires à la fusion déposé au greffe de ce tribunal le 27 novembre 1992, le rapport du conseil d'administration de la société MATRA, en date du 28 novembre 1992, sur les opérations de fusion absorption, le rapport des commissaires aux apports déposé au greffe dudit tribunal le 15 décembre 1992,
- qu'aucun de ces documents ne mentionne le contrat de fourniture d'armement conclu le 18 novembre 1992 par la société MATRA et l'Etat de Taïwan et le versement par celui-ci à celle-là, le 30 novembre 1992, d'un acompte de 3.000.000.000 de francs, ni ne contient d'indications sur la durée de ce contrat ou le chiffre d'affaires qu'il pourrait représenter pour ladite société,
- que les obligations résultant du "secret défense" qu'invoque la société MATRA pour justifier l'absence de ces informations n'empêchaient pas les dirigeants de ladite société, d'une part, de faire connaître tant aux banques évaluatrices qu'aux commissaires à la fusion que le contrat précité, dont la conclusion leur avait été présentée comme une simple probabilité, avait été conclu, d'autre part, d'indiquer à ceux-ci la durée de ce contrat, l'incidence de celui-ci sur le chiffre d'affaires de la société et le montant de l'acompte perçu, dès lors que ces éléments pouvaient être confidentiellement portés à la connaissance des intéressés,
- que les obligations résultant du "secret défense" n'empêchaient pas non plus les banques évaluatrices et les commissaires à la fusion de prendre en compte lesdits éléments pour évaluer les actifs de la société MATRA,
- qu'en réalité tant la valeur de l'action de la société MATRA que la parité d'échange entre les actions de cette société et celles de la société HACHETTE ont été déterminées en faisant abstraction du fait que, le 18
- 1ère chambre, section A
ARRÊT DU 16 JANVIER 1996 5e' page novembre 1992, la société MATRA avait conclu un contrat qui allait lui assurer un chiffre d'affaires d'un montant minimum de 8 milliards de francs pendant les cinq années suivantes,
- qu'appelés à approuver le projet de fusion des sociétés MATRA et HACHETTE, ils ont, de bonne foi, cru que lesdites valeur et parité avaient été fixées au regard de l'ensemble des éléments susceptibles de valoriser la société MATRA,
- que tel n'ayant pas été le cas, ils sont fondés à soutenir qu'à l'occasion de l'approbation dudit projet leur consentement a été vicié par cette erreur ;
Considérant que la société MATRA-HACHETTE répond
- qu'aucune intention dolosive ne saurait être déduite de la réserve et de la discrétion des dirigeants de la société MATRA envers le public et les actionnaires de celle-ci relativement à la conclusion du contrat liant cette société à l'Etat de Taïwan dès lors que l'existence de ce contrat relevait alors du "secret défense",
- qu'au demeurant de nombreux articles de presse produits par ses adversaires établissent que, dès le 18 novembre 1992, la conclusion de celui-ci était notoire malgré le secret qui l'entourait en France,
- que, contrairement aux allégations de ses adversaires, ni les commissaires à la fusion, M. ..., M. ... et M. ..., ni les banques ayant participé aux travaux d'évaluation de la société MATRA, savoir le CRÉDIT LYONNAIS, la BANQUE NATIONALE DE PARIS et la BANQUE LAZARD, n'ont été tenus dans l'ignorance de la signature de ce contrat,
- qu'ainsi il résulte d'attestations émanant de M. ..., de M. ... et de représentants desdites banques que ceux-ci ont été informés de la conclusion dudit contrat,
- que, dès lors, aucune dissimulation dolosive ne saurait être reprochée aux dirigeants de la société MATRA ;
Considérant que M. Z, M. Y, M. X, M. W et M. V répliquent
- que la société MATRA-HACHETTE ne conteste pas que le montant du contrat litigieux, initialement fixé à 3 milliards de francs, atteignait, lors de sa signature, 11 milliards de francs, chiffre qui n'a pu être intégré ni dans les plans à moyen terme établis au début de l'année 1992, ni dans une estimation qui prenait pour date de référence le 30 juin 1992,
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- qu'aucune des banques évaluatrices n'atteste avoir été informée de l'augmentation du montant de ce contrat et du versement d'un acompte de 3 milliards de francs,
- que les commissaires à la fusion confirment que la signature dudit contrat ainsi que le versement de cet acompte n'ont pas été pris en compte dans la valorisation de la société MATRA puisqu'ils admettent que ces événements "n'étaient d'ailleurs pas susceptibles de modifier notre opinion relativement à la parité de fusion que nous avons acceptée",
- que cette appréciation s'oppose à celle des banques évaluatrices qui, estimant que la signature du contrat litigieux constituait un élément nouveau qu'il convenait de prendre en compte, prétendent s'être réunies, le 19 novembre 1992, pour modifier leurs recommandations de parité,
- qu'en réalité l'absence de révision de la parité postérieurement à la signature de ce contrat est un fait avéré dès lors que cette parité coïncide avec celle, résultant de l'application du critère de l'actif net réévalué, retenue par le CRÉDIT LYONNAIS et la BANQUE NATIONALE DE PARIS le 30 juin 1992 ;
Considérant que la société MATRA-HACHETTE rétorque
- qu'après avoir contrôlé la sincérité de l'information comptable et financière relative à l'opération de fusion litigieuse, la Commission des Opérations de Bourse a estimé que "l'évaluation de la branche MATRA Défense a tenu compte d'une forte croissance prévisionnelle du chiffre d'affaires à moyen terme et d'une capacité bénéficiaire accrue grâce aux nouveaux produits développés et à la stratégie commerciale de la société notamment en Extrême-Orient", que "des précisions ainsi données par les établissements précités et les commissaires à la fusion, il résulte que les contrats déjà conclus, ou ceux en cours de négociation, ont été pris en compte pour l'évaluation de la branche MATRA Défense", que "les éléments ont été reflétés dans la recommandation de parité de fusion faite par les banques évaluatrices aux conseils d'administration des sociétés en cause" et que "les commissaires à la fusion ont vérifié la pertinence des valorisations effectuées et ont validé le rapport d'échange",
- que la parité d'échange n'a été définitivement arrêtée que le 19 novembre 1992,
- que, contrairement aux allégations de ses adversaires, aucune parité, même provisoire, n'a été recommandée ni proposée par les banques évaluatrices le 30 juin 1992,
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- qu'une telle recommandation n'est intervenue qu'en octobre 1992,
- que la parité de fusion a été examinée à l'issue de l'examen détaillé des critères suivants
* rapport des cours de bourse,
* rapport des dividendes,
* rapport des actifs nets comptables,
* rapport des résultats nets,
* rapport des marges brutes d'autofinancement retraitées,
* rapport des évaluations par approche directe (multiple des résultats, méthode de Bates),
* rapport des actifs nets réévalués (approche de la valeur substantielle par branche),
- que les banques évaluatrices ont privilégié le critère de l'actif net réévalué,
- que ce choix a été approuvé par les commissaires à la fusion,
- que, sous le contrôle de ceux-ci et de la Commission des Opérations de Bourse, les banques évaluatrices ont entendu poursuivre "le même objectif de recherche d'une valeur de moyen terme peu sensible aux aléas du court terme",
- qu'une telle valeur n'avait ni pour objet ni pour effet de faire abstraction du contrat litigieux relativement à l'évaluation de la branche MATRA Défense,
- que la parité définitive a été arrêtée postérieurement à la signature de ce contrat, lequel venait conforter le bien fondé des prévisions à moyen terme figurant dans le plan de développement 1992-1996 communiqué aux banques évaluatrices par la société MATRA,
- qu'ainsi tant la conclusion dudit contrat que le versement de l'acompte y afférent ont été intégrés dans la valorisation de l'actif de la société MATRA en tenant compte des aléas propres à ce type de contrat ;
Considérant que M. Z, M. Y, M. X, M. W et M. V objectent
- que la méthode de l'actif net réévalué est particulièrement opaque dès lors qu'elle ne permet pas de vérifier les éléments pris en compte par les banques évaluatrices,
- qu'il apparaît qu'il n'a pas été tenu compte des conséquences immédiates sur la capacité bénéficiaire de la société MATRA de la signature du contrat litigieux, 1ère chambre, section A
ARRÊT DU 16 JANVIER 1996 8e"- -age
- que la conclusion de ce contrat, qui ne revêtait pas un caractère aléatoire, avait pour conséquence non de "conforter le bien fondé des prévisions à moyen terme" mais d'affecter considérablement celles-ci ;
Considérant que de l'ensemble des arguments par eux articulés les appelants déduisent que dès lors que ni la valeur de l'action de la société MATRA, ni la parité d'échange entre les actions de cette société et celles de la société HACHETTE n'ont été modifiées postérieurement à la signature dudit contrat, le consentement des actionnaires de la société MATRA réunis, le 29 décembre 1992, en assemblée générale extraordinaire à l'effet de statuer sur cette parité d'échange, s'est trouvé vicié de sorte qu'il convient de déclarer nulles tant cette assemblée générale que l'opération de fusion absorption par elle approuvée, à défaut d'ordonner, d'une part, une expertise à l'effet de rechercher si, et dans quelle mesure, la conclusion du contrat litigieux devait entraîner une révision de la valeur précédemment attribuée à l'action de la société MATRA, d'autre part, la production tant de l'enquête effectuée par la Commission de Opérations de Bourse au printemps 1993 et des procès-verbaux d'audition par elle établis à cette occasion que de tous autres documents afférents à l'évaluation de l'action de la société MATRA, à la détermination du nombre et de la valeur des armes vendues en exécution du contrat litigieux et à la prise en compte du versement de l'acompte y afférent, enfin, la comparution personnelle de M. ..., M. ... et M. ..., représentants des banques évaluatrices, et de M. ... et M. ..., commissaires à la fusion ;
Considérant qu'il est établi qu'à la date a laquelle l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société MATRA a été appelée à se prononcer sur le projet de fusion de cette société avec la société HACHETTE, l'existence du contrat de fourniture d'armement, conclu le 18 novembre 1992 par la société MATRA et l'Etat de Taïwan, relevait du secret de défense ;
Que les appelants ne peuvent donc être admis à se prévaloir de la prétendue absence d'éléments d'information propres à révéler l'existence de ce contrat pour soutenir que le consentement par eux donné à ce projet de fusion aurait été vicié ;
Considérant, certes, que la satisfaction des exigences du secret de défense n'était pas exclusive de l'appréciation de l'incidence de la conclusion et des modalités d'exécution dudit contrat tant sur l'évaluation de la société MATRA que sur la détermination de la parité d'échange des actions de cette société contre des actions nouvelles de la société HACHETTE dès lors qu'il était procédé à cette appréciation sans méconnaître lesdites exigences ;
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Mais considérant que la société MATRA-HACHETTE verse aux débats, d'une part, une attestation conjointement établie le 28 septembre 1995 par M. ... et M. ..., d'autre part, une attestation établie le 2 octobre 1995 par M. ..., enfin, une attestation conjointement établie le 29 septembre 1995 par M. ... et M. ... ;
Que M. ... et M. ... ont occupé les fonctions de commissaires à la fusion des sociétés MATRA et HACHETTE tandis que M. ..., M. ... et M. ... ont participé aux travaux d'évaluation préalables à cette fusion en leurs qualités de représentants respectifs du CRÉDIT LYONNAIS, de la BANQUE NATIONALE DE PARIS et de la BANQUE LAZARD Frères et Compagnie, banques chargées par lesdites sociétés de procéder à une expertise indépendante à l'effet de déterminer la valeur de chacune d'elles ;
Que chacun des auteurs de ces attestations affirme avoir été informé de la conclusion du contrat de fourniture d'armement liant la société MATRA à l'Etat de Taïwan et expose le raisonnement sur lequel il s'est fondé pour apprécier l'incidence de la conclusion et des modalités d'exécution de ce contrat tant sur l'évaluation de la société MATRA, plus spécialement de la branche Défense de celle-ci, que sur la détermination de la parité d'échange des actions de cette société contre des actions nouvelles de la société HACHETTE ;
Considérant que les appelants ne produisent aucun élément propre à contredire ces attestations, lesquelles présentent des garanties suffisantes pour emporter la conviction et corroborent les documents d'information mis à la disposition des actionnaires de la société MATRA ;
Qu'ainsi les appelants n'apportent pas la preuve des allégations sur lesquelles ils se fondent pour prétendre que le consentement par eux exprimé, à l'occasion de l'assemblée générale extraordinaire tenue le 29 décembre 1992, aurait été vicié ;
Que leur carence dans l'administration de cette preuve, dont la charge leur incombe, est exclusive de la prescription des mesures d'instruction par eux sollicitées ;
Considérant, en conséquence, que dès lors qu'elle repose uniquement sur ce prétendu vice du consentement la demande en annulation, tant de ladite assemblée générale que de l'opération de fusion par elle approuvée, se trouve dépourvue de fondement ;
B) Sur les demandes en paiement de dommages-intérêts
Considérant que M. Z, M. Y, M. X, M. W et M. V fondent leurs demandes respectives en paiement de dommages-intérêts sur le moyen tiré de la prétendue détermination de la parité d'échange des actions
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de la société MATRA contre des actions nouvelles de la société HACHETTE en méconnaissance de la conclusion et des modalités d'exécution du contrat de fourniture d'armement liant la société MATRA à l'Etat de Taïwan ;
Mais considérant que ceux-ci ont invoqué ce même moyen à l'appui de leur demande en annulation de l'assemblée générale extraordinaire et de l'opération de fusion litigieuses ;
Qu'il résulte des motifs retenus pour rejeter cette demande que ledit moyen n'est pas fondé ;
Qu'il s'ensuit que les demandes en paiement de dommages-intérêts formées à l'encontre de la société MATRA-HACHETTE par les appelants ne peuvent être accueillies ;
II - SUR LA DEMANDE FORMEE PAR LA SOCIÉTÉ MATRA-HACHETTE
Considérant que la société MATRA-HACHETTE fait valoir
- que les appelants ont passé sous silence, tant dans l'acte introductif d'instance que dans leurs conclusions, le démenti formel et circonstancié apporté par la Commission des Opérations de Bourse aux prétendus comportements dolosifs, manoeuvres, omissions et autres dissimulations par eux imputés aux actionnaires majoritaires des sociétés MATRA et HACHETTE,
- qu'ainsi il résulte de la lettre adressée le 28 mai 1993 par le directeur général de la Commission des Opérations de Bourse à l'avocat des appelants que les dirigeants de la société MATRA ne se sont nullement livrés aux dissimulations à eux reprochées, que les professionnels chargés de l'évaluation de cette société et de l'appréciation de la parité de fusion disposaient de toutes les informations utiles et que, partant, la qualité et la sincérité de l'information mise à la disposition des actionnaires ne pouvaient être contestées,
- que relève de la pure nuisance le fait pour ses adversaires, recrutés par voie de petites annonces publiées dans la presse, de demander l'annulation d'une opération de fusion décidée dans l'intérêt de la société MATRA, de la société HACHETTE et du groupe MATRA-HACHETTE et adoptée par 99,65 % des actionnaires de la société MATRA,
- que relève de la pure malveillance le fait pour ses adversaires de cacher au tribunal de commerce divers éléments d'information et de porter des accusations graves à l'encontre des actionnaires de contrôle des sociétés MATRA et HACHETTE, des commissaires à la fusion et des banques évaluatrices ;
- qu'une telle "persévérance" dans une action commanditée apparemment par un cabinet américain ne sert ni
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l'intérêt social de la société MATRA-HACHETTE, ni l'intérêt de ceux qui en sont restés les actionnaires ;
Que de l'ensemble de ces éléments la société MATRA-HACHETTE déduit qu'il convient de condamner les appelants à lui payer la somme de quatre millions de francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Considérant que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ;
Que tel n'est pas le cas en l'espèce dès lors que pour établir que, sans méconnaître les exigences du secret de défense, les commissaires à la fusion et les banques évaluatrices ont été mis en mesure d'apprécier l'incidence de la conclusion et des modalités d'exécution du contrat litigieux tant sur l'évaluation de la société MATRA que sur la détermination de la parité d'échange des actions de cette société contre des actions nouvelles de la société HACHETTE, la société MATRA-HACHETTE produit des attestations qu'elle n'a communiquées aux appelants qu'en cause d'appel ;
D'où il suit que la demande en paiement de dommages-intérêts formée par ladite société n'est pas fondée ;
III - SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Considérant que M. Z, M. Y, M. X, M. W et M. V n'obtenant pas gain de cause, la demande par eux formée sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ne peut être accueillie ;
Considérant, en revanche, qu'il convient d'accueillir partiellement la demande formée sur ce même fondement par la société MATRA-HACHETTE et, à cette fin, de condamner les appelants, non pas solidairement mais conjointement, à lui payer la somme de 15.000 francs ;

PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement rendu entre les parties le 13 juin 1994 par le tribunal de commerce de Paris ;
En conséquence rejette les demandes formées par M. Z, M. Y, M. X, M. W et M. V à l'encontre de la société MATRA-HACHETTE ;
Rejette le demande en paiement de dommages-intérêts formée par la société MATRA-HACHETTE à l'encontre des appelants ;
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Condamne conjointement M. Z, M. Y, M. X, M. W et M. V à payer à la société MATRA-HACHETTE la somme de 15.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;
Les condamne conjointement aux dépens d'appel ;
Admet la S.C.P. FISSELIER, CHILOUX et BOULAY au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.
Le greffier Le présidera
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