Jurisprudence : Cass. crim., 09-10-2024, n° 23-86.770, F-B, Cassation

Cass. crim., 09-10-2024, n° 23-86.770, F-B, Cassation

A290359E

Référence

Cass. crim., 09-10-2024, n° 23-86.770, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/111951233-cass-crim-09102024-n-2386770-fb-cassation
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Abstract

► Les condamnations prononcées par les juridictions pénales des États membres de l'Union européenne sont prises en compte dans les mêmes conditions que les condamnations françaises en matière de récidive et produisent les mêmes effets, à condition toutefois que l'État en question soit membre de l'Union au moment du prononcé de ladite condamnation.


N° R 23-86.770 F-B

N° 01215


ODVS
9 OCTOBRE 2024


CASSATION PAR VOIE DE RETRANCHEMENT


M. BONNAL président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 OCTOBRE 2024



M. [H] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, en date du 10 novembre 2023, qui, pour viol aggravé, en récidive, l'a condamné à vingt-cinq ans de réclusion criminelle, quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, dix ans d'inéligibilité et à l'interdiction définitive du territoire français.


Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Diop-Simon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [H] [D], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Diop-Simon, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du juge d'instruction, en date du 13 mars 2020, M. [H] [D] a été renvoyé devant la cour d'assises pour viol aggravé.

3. Par arrêt du 10 décembre 2021, la cour d'assises l'a déclaré coupable, a constaté l'état de récidive légale, et l'a condamné à vingt-cinq ans de réclusion criminelle, quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation et à l'interdiction définitive du territoire français.

4. L'accusé a relevé appel de cette décision et le ministère public a formé appel incident.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté l'état de récidive légale de M. [D] pour avoir été définitivement condamné par le tribunal de Bacau (Roumanie) le 29 juin 2001 à la peine de vingt-cinq ans d'emprisonnement pour des faits de tentative de viol et meurtre aggravé commis le 18 août 2000 à [Localité 1] (Italie) et l'a notamment condamné à vingt-cinq ans ans de réclusion criminelle, alors « qu'une condamnation pénale prononcée par une juridiction pénale d'un Etat qui, comme en l'espèce, au moment du prononcé, ne faisait pas partie de l'Union européenne, ne saurait constituer le premier terme de la récidive légale ; que la cour d'assises a violé les articles 132-8 et 132-23-1 du code pénal🏛🏛, ensemble la décision-cadre n° 2008/675/JAI du 24 juillet 2008. »


Réponse de la Cour

Vu les articles 132-8 et 132-23-1 du code pénal :

6. Selon le premier de ces textes, lorsqu'une personne déjà condamnée définitivement pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement par la loi commet un crime, le maximum de la peine de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle est la perpétuité si le maximum fixé par la loi pour ce crime est de vingt ou trente ans.

7. Il résulte du second que les condamnations prononcées par les juridictions pénales d'un Etat membre de l'Union européenne sont prises en compte dans les mêmes conditions que les condamnations prononcées par les juridictions pénales françaises et produisent les mêmes effets juridiques.

8. Constitue une condamnation prononcée par la juridiction pénale d'un Etat membre de l'Union européenne, au sens de ce texte, celle décidée par une juridiction d'un Etat qui était membre de l'Union européenne lors de son prononcé.

9. Pour déclarer le demandeur coupable de viol aggravé en récidive, l'arrêt attaqué énonce qu'il a été condamné définitivement par le tribunal de Bacau (Roumanie), le 29 juin 2001, à la peine de vingt-cinq ans d'emprisonnement pour des faits de tentative de viol et meurtre aggravé, commis le 18 août 2000 en Italie.

10. En se déterminant ainsi, alors que, lors du prononcé de la décision précitée, la Roumanie n'était pas encore membre de l'Union européenne, la cour d'assises a méconnu les textes et principes susvisés.

11. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation sera prononcée par voie de retranchement en ce qui concerne les dispositions ayant retenu la circonstance aggravante de récidive à l'encontre de M. [D].

13. La cassation sera prononcée par voie de conséquence sur les peines prononcées à l'encontre de M. [D].

14. Les autres dispositions, dont la déclaration de culpabilité de M. [D], seront donc maintenues.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, en date du 10 novembre 2023 :

- par voie de retranchement de ses dispositions ayant retenu la circonstance aggravante de récidive,

- avec renvoi en ses dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de M. [D],

toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises du Var, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille vingt-quatre.

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