COMM.
I.G
COUR DE CASSATION
Audience publique du 3 décembre 2002
Rejet
M. MÉTIVET, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Pourvoi n° E 00-20.566
Arrêt n° 2046 FS P
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la Banque populaire du Sud-Ouest, dont le siège est Bordeaux ,
en cassation de deux arrêts rendus les 7 octobre 1999 et 27 juin 2000 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), au profit de la société à responsabilité limitée Batimo, dont le siège est Hossegor,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 octobre 2002, où étaient présents M. ..., conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme ..., conseiller rapporteur, Mmes Garnier, Tric, Betch, M. Petit, conseillers, M. Boinot, Mme Chaupalaune, MM. Sémériva, Truchot, Mme Vaissette, M. Chaise, conseillers référendaires, M. ..., avocat général, Mme ..., greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme ..., conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la Banque populaire du Sud Ouest, de Me Ricard, avocat de la société Batimo, les conclusions de M. ..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses six branches
Attendu, selon les arrêts attaqués (Pau, 7 octobre 1999 et 27 juin 2000), que la société Batimo a remis le 4 octobre 1994 à M. X, courtier d'assurances, un chèque de 73 241 francs, tiré sur son compte à la banque populaire du Sud-Ouest (BPSO), émis à l'ordre des Mutuelles du Mans en règlement du montant d'une prime d'assurances ; que ce chèque a été débité au profit de M. X qui l'avait falsifié par ajout de son propre nom ; que la société Batimo a assigné la BPSO en restitution de la somme payée à M. X, par application de l'article 1932 du Code civil ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à restituer à la société Batimo la somme de 73 241 francs, outre intérêts à compter du jour de l'assignation, alors, selon le moyen
1°/ que la responsabilité du banquier qui a payé un chèque falsifié après son émission ne peut être engagée à l'égard de son client que s'il a commis une faute ; qu'il n'en est pas ainsi lorsque les falsifications n'étaient pas décelables par un employé normalement diligent ; qu'en se bornant, pour faire droit à la demande de remboursement présentée par la société Batimo, à constater que le chèque litigieux avait été falsifié par M. X, sans rechercher si cette falsification était suffisamment apparente pour n'avoir pu échapper à un employé normalement diligent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil et 35 du décret-loi du 30 octobre 1935 ;
2°/ que commet une faute de nature à exonérer le banquier tiré le tireur qui facilite la falsification du chèque qu'il émet en négligeant de barrer la ligne "bénéficiaire" à la suite de la mention du nom du destinataire du chèque ; qu'en omettant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la SARL Batimo n'avait pas commis de faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité en omettant de rayer la ligne "bénéficiaire" après la mention des Mutuelles du Mans, ce qui a permis à M. X de falsifier et de détourner ce chèque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil et 35 du décret-loi du 30 octobre 1935 ;
3°/ qu'en faisant valoir qu'elle avait seulement l'obligation de vérifier que le chèque litigieux n'était pas frappé d'opposition et qu'il était bien signé par son client tireur, elle ne cherchait nullement à engager la responsabilité de la banque présentatrice, mais cherchait uniquement à démontrer qu'il ne pouvait lui être reproché aucun manquement à une obligation lui incombant ; qu'en affirmant qu'elle était irrecevable à rechercher la responsabilité de la banque présentatrice, dès lors que celle-ci n'était pas présente aux débats, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 7 du nouveau Code de procédure civile ;
4°/ que, lorsqu'un chèque est présenté au paiement par l'intermédiaire d'une banque, le banquier tiré a seulement l'obligation de vérifier que ce chèque n'est pas frappé d'opposition et qu'il est bien signé par son client tireur, de sorte qu'en lui reprochant de ne pas avoir décelé une anomalie affectant l'identité du bénéficiaire du chèque, la cour d'appel a violé l'article 35 du décret-loi du 30 octobre 1935 ;
5°/ que méconnaît les articles 7 et 12 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel qui lui reproche d'avoir commis une faute en payant à M. X un chèque que celui-ci n'avait pas endossé, fait qu'aucune des parties n'avait jamais invoqué et qui n'était pas dans le débat ;
6°/ qu'il ne saurait être reproché à une banque d'avoir apposé elle-même une mention d'endossement de procuration sur un chèque présenté à l'encaissement par le bénéficiaire, dès lors qu'en recevant ce chèque la banque a pu légitimement se considérer comme investie d'un mandat tacite l'autorisant à l'endosser pour en faciliter l'encaissement ; qu'en lui reprochant néanmoins d'avoir payé à M. X un chèque que celui-ci n'avait pas endossé, la cour d'appel a violé l'article 35 du décret-loi du 30 octobre 1935 ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt constate que l'examen de l'original du chèque fait apparaître le rajout de la mention "/M. X" à la suite du nom "Mutuelles du Mans", ce dont il ressort que le chèque était émis au bénéfice de deux personnes distinctes ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche prétendument omise selon la deuxième branche du moyen, inopérante au regard des dispositions de l'article 1937 du Code civil, en déduit justement, dès lors que la banque n'a jamais prétendu avoir reçu l'ordre de son client de payer à M. X, que le paiement opéré est irrégulier ;
Attendu, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qui est prétendu, la faute éventuellement commise par la banque présentatrice, qui avait pris à l'encaissement le titre détourné, ne peut qu'ouvrir une action récursoire au profit de la banque tirée, mais non décharger celle-ci de sa responsabilité à l'égard de la victime du paiement irrégulier ; qu'il en découle qu'est inopérant le grief fait à l'arrêt d'avoir méconnu les termes du litige en déclarant la BPSO, qui cherchait uniquement à démontrer qu'il ne pouvait lui être reproché aucun manquement à une obligation lui incombant, irrecevable à rechercher la responsabilité de la banque présentatrice ;
Attendu, enfin, que les deux derniers griefs, qui visent un motif surabondant, ne peuvent être accueillis ;
D'où il suit qu'irrecevable en ses deux dernières branches, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu qu'aucun des moyens n'est dirigé contre l'arrêt du 7 octobre 1999 ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Banque populaire du Sud-Ouest aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Banque populaire du Sud-Ouest à payer à la société Batimo la somme de 1 800 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en son audience publique du trois décembre deux mille deux.