Jurisprudence : Cass. soc., 03-12-2002, n° 01-60.506, FS-D, Rejet



SOC.
ÉLECTIONS C.B.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 3 décembre 2002
Rejet
M. BOUBLI, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Pourvoi n° P 01-60.506
Arrêt n° 3484 FS D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par la société France 2, dont le siège social est Paris ,
en cassation d'un jugement rendu le 2 mars 2001 par le tribunal d'instance du 15e arrondissement de Paris, au profit

1°/ de Mme Françoise X, demeurant Draveil,

2°/ de M. Alain W, demeurant Paris,

3°/ de M. Michel V, demeurant Paris,

4°/ de Mme Anne-Marie U, demeurant Athis-Mons,

5°/ de Mme Dominique T, demeurant Paris,

6°/ de Mme Nicole S, demeurant Trizay-lès-Bonneval,

7°/ de M. Jacques R, demeurant Meudon,

8°/ de M. Jean-Noël Q, demeurant Chevilly-Larue,

9°/ de M. Fabrica Di P, demeurant Malakoff,

10°/ de M. Kiki O, demeurant Paris,

11°/ de M. Bruno N, demeurant Paris,

12°/ de M. Gilles Y, demeurant Le Kremlin-Bicêtre,

13°/ de M. M dit Alain W, demeurant Paris,

14°/ de M. Mouloud L, demeurant Morsang-sur-Orge,

15°/ de M. Patrice K, demeurant Saint-Maur-des-Fossés,

16°/ de M. Norbert J, demeurant Milon-la-Chapelle,

17°/ de M. Jean-Claude I, demeurant Sannois,

18°/ de M. Nicolas H, demeurant Levallois-Perret,

19°/ de Mme Odile G, demeurant Paris,

20°/ de M. Gilles Y, demeurant Versailles,

21°/ de M. Michel V, demeurant Asnières-sur-Seine,

22°/ de M. Philippe F, demeurant Paris,

23°/ de M. Christian E, demeurant Angers,

24°/ de M. Bernard D, demeurant Villeneuve-la-Garenne,

25°/ de Mme Marie-Claude C, demeurant Viroflay,

26°/ de M. Fildes B, demeurant Paris,

27°/ de M. Jean-Paul AA, demeurant France Paris ,

28°/ du Syndicat des réalisateurs et céateurs du cinéma, de la télévision et de l'audiovisuel (SRCTA), dont le siège est Paris ,

29°/ du Syndicat indépendant de la télévision et de la radiodiffusion (SITR), dont le siège est Paris ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 octobre 2002, où étaient présents M. ..., conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme ..., conseiller référendaire rapporteur, MM. Ransac, Chagny, Bouret, Coeuret, Bailly, Chauviré, Gillet, conseillers, M. Frouin, Mme Lebée, MM. Funck-Brentano, Leblanc, Mmes Slove, Farthouat-Danon, Bobin-Bertrand, conseillers référendaires, Mme ..., avocat général, Mme ..., greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme ..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société France 2, de la SCP Roger et Sevaux, avocat de M. AA et du Syndicat des réalisateurs et créateurs du cinéma, de la télévision et de l'audiovisuel, les conclusions de Mme ..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, selon le jugement attaqué, le Syndicat des réalisateurs et créateurs du cinéma, de la télévision et de l'audiovisuel (SRCTA) a présenté des listes de candidats en vue du premier tour fixé au 8 mars 2001, des élections des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel, notamment une liste au sein du collège 1 "ouvriers et employés" et une liste commune au syndicat SITR au sein du collège 2 "maîtrise" ; que la société France 2, contestant qu'il fût représentatif au sein de ces deux collèges et que les candidats présentés soient éligibles, a saisi le tribunal d'instance d'une demande d'annulation des listes déposées ;
Sur le premier moyen
Attendu que la société France 2 fait grief au jugement attaqué de l'avoir déboutée de sa contestation de la représentativité du syndicat SRCTA au sein des collèges 1 et 2, alors, selon le moyen

1°/ que pour reconnaître à une organisation syndicale la représentativité qui lui est contestée, le juge d'instance doit tenir compte de chacun des critères de représentativité, la présence de certains d'entre eux ne le dispensant pas d'examiner également les autres critères ; qu'en l'espèce, pour conclure que le SRCTA, syndicat catégoriel représentatif des seuls réalisateurs, était habilité à présenter des candidats au sein des collèges 1 (ouvriers-employés) et 2 (maîtrise), au premier tour des élections professionnelles de France 2, le Tribunal a estimé que "l'étendue de l'activité du SRCTA ainsi que son indépendance constituent avec son ancienneté et son expérience des critères suffisants de sa représentativité au niveau de l'entreprise" ; qu'en faisant ainsi totalement abstraction de critères aussi essentiels que celui des effectifs, du taux des cotisations et de l'audience du SRCTA auprès des salariés des collèges précités, le jugement qui a néanmoins déclaré ce syndicat représentatif dans les collèges 1 et 2 a violé les articles L. 133-2, L. 423-14 et L. 433-10 du Code du travail ;

2°/ qu'au vu des critères définis par le législateur, le juge est seul compétent pour reconnaître à un syndicat la représentativité qui lui est contestée, que la représentativité ne peut être consacrée par voie conventionnelle ; qu'ainsi la possibilité donnée au SRCTA, syndicat catégoriel de réalisateurs, d'intervenir dans le cadre de la négociation d'accords conclus au niveau de la profession, ne pouvait valoir reconnaissance par les partenaires sociaux de la représentativité de ce syndicat au sein de France 2 et le dispenser de rapporter la preuve de sa représentativité de fait dans l'entreprise et au sein des collèges concernés ; qu'en décidant le contraire, au motif que le SRCTA est reconnu représentatif au niveau de l'entreprise par l'USPA, par le Syndicat des producteurs de films d'animation et par le ministère de l'Emploi, le jugement a violé les articles L. 133-2, L. 423-14 et L. 433-10 du Code du travail ;

3°/ que la représentativité d'un syndicat doit s'apprécier distinctement pour chacune des opérations qui la requiert ; qu'ainsi, le rôle joué par le SRCTA dans le cadre de la négociation d'accords au niveau professionnel ne pouvait valoir reconnaissance de la représentativité de cette organisation au niveau de l'entreprise France 2, et de son aptitude à présenter des listes de candidats au premier tour de l'élection des représentants du personnel de cette société, pour d'autres catégories que celles des réalisateurs ; qu'en déduisant cette possibilité de la participation du SRCTA à des réunions de négociations tenues dans le cadre de la profession, le jugement a déduit des motifs inopérants et privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 133-2, L. 423-14 et L. 433-10 du Code du travail ;

4°/ que le syndicat doit rapporter la preuve d'une activité menée par lui en vue d'assurer la défense des intérêts propres aux catégories de personnel composant les collèges au sein desquels sa représentativité est contestée ; qu'en l'espèce, hormis la participation à un accord concernant les travailleurs handicapés (lequel concernait les réalisateurs), le jugement a seulement relevé l'existence de tracts ou courriers attestant de l'engagement du SRCTA en faveur des "intermittents" ; que, cependant, le SRCTA étant représentatif des réalisateurs, catégorie de salariés dont l'activité est par nature intermittente, cette seule constatation n'était pas susceptible de caractériser un engagement du SRCTA en faveur d'autres catégories de personnel que celle des réalisateurs ; qu'ainsi, faute d'avoir caractérisé une activité menée en vue d'assurer la défense des intérêts spécifiques aux catégories de salariés composant les collèges 1 et 2, le jugement a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles L. 133-2, L. 423-14 et L. 433-10 du Code du travail ;

5°/ que les élections de représentants du personnel étant organisées par collèges, la représentativité du syndicat doit être caractérisée au niveau de l'entreprise et pour chacun des collèges électoraux concernés ; qu'en l'espèce, le Tribunal estime que la représentativité du SRCTA au niveau de l'entreprise France 2 lui conférait une représentativité pour toutes les catégories professionnelles de cette entreprise -et donc notamment pour les collèges 1 et 2- ; qu'en statuant ainsi, le Tribunal qui n'a pas recherché si cette organisation était en fait représentative dans chacun des collèges électoraux existant au sein de France 2 -mis à part ceux comprenant des réalisateurs-, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 133-2, L. 423-14 et L. 433-10 du Code du travail ;
Mais attendu que le tribunal d'instance a relevé que non seulement ce syndicat avait participé à la négociation de nombreux accords, mais qu'il démontrait que son action ne se limitait pas à la seule défense des intérêts des réalisateurs ; que, par ces seuls motifs, il a légalement justifié sa décision ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen
Attendu que la société France 2 fait encore grief au jugement de l'avoir déboutée de sa demande d'annulation des candidatures de Mmes G et S et de MM. V et E, alors, selon le moyen

1°/ qu'en vertu des dispositions légales, sont seuls éligibles en qualité de représentants du personnel les salariés ayant travaillé dans l'entreprise depuis un an au moins de façon ininterrompue ; qu'ainsi, les cinq candidats précités, salariés intermittents ne pouvant faire état d'une activité sans interruption au service de la société France 2 depuis au moins une année, n'étaient pas éligibles aux fonctions de membres du comité d'entreprise ou de délégués du personnel ; qu'en décidant le contraire, au motif que ces salariés avaient travaillé régulièrement chaque mois dans l'entreprise et "sans véritable interruption", le jugement a violé les articles L. 423-8 et L. 433-5 du Code du travail ;

2°/ qu'à supposer même que leur seule qualité de salarié intermittent n'ait pu constituer un obstacle à l'éligibilité des cinq candidats précités du SRCTA, il incombait au juge d'instance de rechercher, au vu des conditions d'exécution de leur contrat de travail par chacun de ces cinq salariés, si les dispositions légales relatives à la durée de présence dans l'entreprise pouvaient être considérées comme satisfaites ; qu'en se bornant à relever que ces salariés avaient tous travaillé régulièrement chaque mois dans l'entreprise "sans véritable interruption", le Tribunal n'a pas permis à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur le bien-fondé de sa décision les déclarant éligibles comme représentants du personnel et a privé son jugement de base légale au regard des articles L. 423-8 et L. 433-5 du Code du travail ;
Mais attendu que le tribunal d'instance, procédant à la recherche prétendument omise et appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que les candidats avaient, au cours de l'année écoulée, travaillé régulièrement mois par mois, sans véritable interruption ; que, par ce seul motif, il a légalement justifié sa décision ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société France 2 à payer à M. AA et au syndicat SRCTA la somme globale de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille deux.

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