N° P 23-86.170 F-D
N° 01057
MAS2
25 SEPTEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 SEPTEMBRE 2024
M. [M] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 28 septembre 2023, qui l'a condamné, pour agressions sexuelles aggravées, à huit mois d'emprisonnement avec sursis et un an d'interdiction professionnelle, pour contravention d'outrage sexuel ou sexiste, à 600 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Diop-Simon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [M] [S], et les conclusions de M. Lemoine, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 juin 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Diop-Simon, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 30 juin 2021, le directeur adjoint du Centre de ressources et d'expertise et de performance sportive de [Localité 1] a signalé au procureur de la République les agissements d'un kinésithérapeute y intervenant, après avoir reçu des témoignages provenant de jeunes sportifs étudiant au centre, à l'encontre de celui-ci.
3. M. [M] [S] a été poursuivi des chefs d'agressions sexuelles par personne ayant autorité et outrage sexuel ou sexiste, devant le tribunal correctionnel qui, par jugement du 21 novembre 2022, l'en a déclaré coupable et l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, un an d'interdiction d'exercer la profession de kinésithérapeute ostéopathe, 150 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
4. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [S] coupable d'outrage sexiste ou sexuel à l'encontre de [Y] [W], alors :
« 1°/ que l'outrage sexiste suppose que les propos tenus soient en lien avec le sexe ou le genre d'une personne ; qu'en retenant que les propos tenus par M. [S], en présence de M. [K], selon lesquels « c'est tout dans les cuisses et le cul », « tu as un beau fessier » et « ce serait dommage d'avoir une fesse flasque et une fesse bombée » peuvent être qualifiés de sexiste, au seul motif qu'ils sont tenus par un homme à une jeune fille, quand ces propos ne portaient la marque d'aucun sexisme, la cour d'appel a violé l'
article 621-1 du code pénal🏛 ;
2°/ que l'outrage sexuel suppose que les propos tenus fassent allusion au sexe ou à la sexualité ; qu'en retenant que les propos tenus par M. [S], en présence de M. [K], selon lesquels « c'est tout dans les cuisses et le cul », « tu as un beau fessier » et « ce serait dommage d'avoir une fesse flasque et une fesse bombée » ont une connotation sexuelle, quand ces propos ne faisaient aucune référence au sexe ou à la sexualité, la cour d'appel a violé l'article 621-1 du code pénal ;
3°/ que les propos tenus par M. [S], en présence de M. [K], selon lesquels « c'est tout dans les cuisses et le cul » et « ce serait dommage d'avoir une fesse flasque et une fesse bombée » constituent une injure publique, laquelle ne peut être poursuivie que selon la procédure applicable aux délits de presse ; qu'en déclarant M. [S] coupable d'outrage sexiste, la cour d'appel a violé l'article 621-1 du code pénal et l'
article 33 de la loi du 29 juillet 1881🏛 ;
4°/ que l'outrage sexiste n'est réprimé que pour autant que son auteur a voulu, par ces agissements, porter atteinte à la dignité de la victime ; qu'en retenant que les propos tenus par M. [S] ont « sans conteste porté atteinte à la dignité » de Mme [W], sans autrement s'en expliquer, ni constater la volonté de M. [S] de porter une telle atteinte, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 621-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour déclarer le prévenu coupable de la contravention d'outrage sexuel ou sexiste, l'arrêt attaqué retient, par motifs propres et adoptés, que la victime a évoqué de manière précise et réitérée les propos suivants tenus à son encontre par l'intéressé : « c'est tout dans les cuisses et le cul », « tu as un beau fessier », « ce serait dommage d'avoir une fesse flasque et une fesse bombée ».
8. Les juges relèvent que ces paroles évoquent en termes vulgaires l'anatomie de la victime et que les mots employés ont une connotation sexuelle.
9. Ils ajoutent que les propos dénoncés, tenus par un homme mature à une jeune fille, sont sexistes et ont porté atteinte à la dignité de la victime et créé à son encontre une situation intimidante, offensante, l'ayant mise mal à l'aise.
10. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.
11. En effet, d'une part, elle a suffisamment caractérisé tant l'élément matériel qu'intentionnel de l'infraction, résultant de la nature explicitement sexuelle des propos adressés par M. [S] à [Y] [W], alors âgée de 17 ans, qu'il recevait, en sa qualité de professionnel de santé adulte, lors d'une séance de kinésithérapie ostéopathie.
12. D'autre part, si les faits poursuivis ne constituent pas une injure publique, au sens de la loi du 29 juillet 1881, ils entrent néanmoins dans le champ d'application de l'infraction d'outrage sexiste, dès lors que les juges ont établi que le prévenu a voulu, par les propos reprochés, porter atteinte à la dignité de la victime et créer à son encontre une situation intimidante et offensante, conformément à la décision du
Conseil constitutionnel du 19 janvier 2023 (Cons. const., 19 janvier 2023, décision n° 2022-846 DC⚖️, Loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur).
13. Par conséquent, le moyen ne peut être accueilli.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille vingt-quatre.