Jurisprudence : CA Lyon, 19-09-2024, n° 22/00447


N° RG 22/00447 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OB57


Décision du Juge des contentieux de la protection du TJ de VILLEFRANCHE SUR SAONE

du 17 novembre 20211


AbG : 20/A061


[D]

[B]


C/


[LW]


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE LYON


6ème Chambre


ARRET DU 19 Septembre 2024



APPELANTS :


M. [Aa] [D]

né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 7]


M. [Ab] [B]

né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 7]


Représentés par Me Ingrid JOLY de la SELARL JOLY - GATHERON, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE


INTIMEE :


Mme [Ac] [A] épouse [B]

née le [Date naissance 5] 1963 à [Localité 10]

[Adresse 6]

[Localité 7]


Représentée par Me Ségolène PINET de la SELARL PINET AVOCAT, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE


* * * * * *


Date de clôture de l'instruction : 23 Mai 2023


Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Juin 2024


Date de mise à disposition : 19 Septembre 2024



Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Joëlle DOAT, présidente

- Evelyne ALLAIS, conseillère

- Stéphanie ROBIN, conseillère


assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière


A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,


Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.


* * * *


Faits, procédure et demandes des parties


M. [X] [Aa] et M. [R] [Ab] sont propriétaires depuis le 1er juillet 2011 d'un terrain situé à [Localité 7], cadastré B n°[Cadastre 1], contigü à un terrain appartenant à Mme [Ac] [A] épouse [B].


Cette dernière a fait installer en novembre 2011 sur son fonds une éolienne domestique skystream 3.7.

M. [X] [Aa] et M. [R] [Ab] ont emménagé en novembre 2012 dans la maison qu'ils ont fait construire sur leur terrain.


Par lettre recommandée du 17 juin 2013, M. [X] [Aa] et M. [R] [Ab] se sont plaints auprès de Mme [A] épouse [B] des troubles liés au fonctionnement de cette éolienne.

Plusieurs autres courriers ont ensuite été échangés entre les parties, ainsi qu'avec la mairie et la sous-préfecture.


Une tentative de conciliation a eu lieu le 23 juin 2020, à la demande de M. [X] [Aa] et de M. [R] [Ab], mais le conciliateur a constaté l'échec de celle-ci.



Par acte d'huissier du 4 août 2020, M. [X] [Aa] et M. [R] [Ab] ont fait assigner Mme [Ac] [A] épouse [B] devant le tribunal judiciaire de Villefranche sur Saône et ont lors de l'audience demandé :


- à titre principal


- d'ordonner à Mme [Ac] [A] d'enlever l'éolienne sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la signification du jugement à intervenir,

- de condamner Mme [Ac] [A] à leur payer la somme de 4 000 euros toutes causes de préjudices confondus,

- de débouter Mme [A] de l'ensemble de ses prétentions,

- de la condamner à leur payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛, ainsi qu'aux dépens,


à titre subsidiaire,


- d'ordonner une expertise,


Mme [Ac] [A], représentée par son avocat, a sollicité :


- de débouter M. [X] [Aa] et M. [R] [Ab] de l'intégralité de leurs demandes,

- de les condamner à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.



Par jugement du 17 novembre 2021, le tribunal a :


- débouté M. [X] [Aa] et M. [R] [Ab] de leur demande d'enlèvement de l'éolienne de Mme [Ac] [A]

- débouté M. [X] [Aa] et M. [R] [Ab] de leur demande de dommages et intérêts,

- débouté M. [X] [Aa] et M. [R] [Ab] de leur demande d'expertise,

- condamné M. [X] [Aa] et M. [R] [Ab] aux dépens de l'instance,

- condamné M. [X] [Aa] et M. [R] [Ab] à payer à Mme [A] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.


Par déclaration du 12 janvier 2022, M. [X] [Aa] et M. [R] [Ab] ont interjeté appel de ce jugement.


Par dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 21 novembre 2022, M. [X] [Aa] et M. [R] [Ab] demandent à la cour :


- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,


statuant à nouveau,


- de débouter Mme [A] de l'ensemble de ses prétentions,

- d'ordonner à Mme [Ac] [A] d'enlever l'éolienne sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la signification du jugement à intervenir,

- de condamner Mme [Ac] [A] à leur payer la somme de 4 000 euros toutes causes de préjudices confondues,

- de la condamner à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,


à titre subsidiaire et avant dire droit


- ordonner une mesure d'expertise et désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de :


- se rendre sur les lieux, entendre tout sachant, se faire remettre tous documents utiles,

- dire si les troubles du voisinage dont se plaignent les demandeurs sont réels,

- dans l'affirmative, les décrire, en déterminer l'origine et les causes, préciser la date de leur apparition,

- dire si l'éolienne en cause est conforme aux règles de l'art, aux stipulations contractuelles et aux normes réglementaires,

- donner tous éléments techniques pour apprécier les responsabilités respectives des différents intervenants à l'installation de cette éolienne,

- dire les moyens propres à remédier aux troubles,

- fournir tous éléments permettant d'apprécier les préjudices subis,

- rédiger un pré-rapport et répondre aux dires des parties.


A l'appui de leurs prétentions, ils font valoir que :


- la prescription de leur action invoquée par l'intimée n'est pas acquise, dans la mesure où celle-ci a été interrompue par la reconnaissance par Mme [A] épouse [B] des nuisances causées par l'éolienne, comme l'illustrent les courriers transmis et les adaptations effectuées dans un premier temps, à savoir l'absence de fonctionnement de l'éolienne les fins de semaine, durant les vacances et exceptionnellement à leur demande.

L'éolienne n'a ensuite plus fonctionné de 2016 à 2019 et ce n'est qu'en 2019 qu'un trouble anormal du voisinage a été constaté, de sorte que la prescription n'a recommencé à courir qu'en 2019,

- le trouble anormal du voisinage causé par l'éolienne est caractérisé par les attestations produites aux débats émanant de proches et de leur assistante ménagère, ainsi que par le constat d'huissier réalisé le 24 octobre 2019.

- les attestations produites par l'intimée ne sont pas probantes, dans la mesure où elles émanent de voisins dont la propriété est plus éloignée de l'éolienne,

- les commentaires sur internet relatifs à ce type d'éolienne corroborent le bruit important généré par son fonctionnement,

- ils produisent de plus en cause d'appel un rapport de la société Acoem, réalisé non contradictoirement, mais soumis à la libre discussion des parties, sur des mesures acoustiques réalisées en extérieur du 11 au 28 février 2022 et en intérieur du 11 février 2022 au 25 février 2022.

Il résulte de ce rapport que le bruit augmente fortement lorsque la vitesse du vent augmente et se maintient dès que la vitesse du vent est soutenue,

- un autre constat d'huissier a été réalisé, une clé USB contenant des films de l'éolienne ayant été remis par M. [Ab]. L'huissier constate que l'éolienne tourne et emét du bruit, avec des prises de vue à l'intérieur ou à l'extérieur du domicile.


Par dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 8 juillet 2022, Mme [A] épouse [B] demande à la cour de :


- à titre principal,


- juger que l'action de M. [Ab] et de M. [Aa] est prescrite,

- les débouter subséquemment de leurs demandes,


- à titre subsidiaire,


- confirmer le jugement rendu le 17 novembre 2021,

- débouter M. [Ab] et M. [Aa] de l'ensemble de leurs demandes,


- les condamner à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens.


Elle soutient que :


- l'action est prescrite, le point de départ du délai de prescription se situant à la première manifestation des troubles, à savoir dès l'emménagement de M. [X] [Aa] et de M. [R] [Ab] en novembre 2012 ou au plus tard le 17 juin 2013, date de leur courrier faisant état de nuisances sonores subies suite à l'installation de l'éolienne, et l'assignation ayant été délivrée le 4 août 2020, soit postérieurement au délai quinquennal,

- le délai de prescription n'a pas été interrompu avant l'été 2018, date à laquelle l'éolienne a été foudroyée. Elle a ensuite été réparée en juin 2019, mais l'action était en tout état de cause prescrite dès le 17 juin 2018.

- subsidiairement, la preuve d'un trouble anormal du voisinage n'est pas rapportée, aucune mesure fiable n'ayant été réalisée et les pièces versées aux débats ne présentant pas de caractère probatoire.

Le constat d'hussier produit devant le premier juge évoque seulement un bruit à l'ouverture d'une baie vitrée et dans la maison, mais sans l'amplitude de ce bruit.

En outre, les attestations ne sont pas objectives, s'agissant de personnes venant ponctuellement au domicile des appelants et évoquant des bruits audibles à l'intérieur et à l'extérieur, ce qui est en contradiction avec les déclarations de M. [X] [Aa] et de M. [R] [Ab] qui évoquaient l'absence de gêne à l'intérieur de leur domicile dans leur courrier de 2013.

La nouvelle attestation de leurs vendeurs M. et Mme [Ad] ne peut davantage être retenue, alors que leur domicile est éloigné de l'éolienne,

- elle communique des attestations de personnes vivant à proximité de l'éolienne ou se rendant régulièrement à son domicile et ne faisant pas état de gêne spécifique,

- l'éolienne ne fonctionne que douze heures par mois, lorsque le vent est fort et dans le respect des horaires prévus par l'arrêté municipal et l'arrêté préfectoral, ce qui ne peut caractériser un trouble anormal du voisinage,

- le rapport d'Acoem n'est pas utile, la sonorité n'étant calculée que sur l'échelle des ondes hertziennes, sans indication des décibels et les mesures ne permettent nullement de mettre en évidence que l'augmentation du bruit est liée au fonctionnement de l'éolienne,

- l'expertise n'est pas justifiée, cette dernière n'ayant pas vocation à suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.


La cour se réfère aux conclusions précitées des parties pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile🏛.


L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 mai 2023.



MOTIFS DE LA DECISION


- Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription


Aux termes de l'article 2224 du code civil🏛, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.


Selon l'article 2240 du même code, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.


En l'espèce, tout d'abord, M. [Ab] et M. [Aa] ont emménagé dans leur maison en novembre 2012 et ont alerté M. et Mme [B] du bruit causé par l'éolienne appartenant à cette dernière par courrier recommandé en date du 17 juin 2013, en vue d'obtenir un aménagement, précisant qu'à cette époque de l'année, ils sont de plus en plus à l'extérieur et qu'ils subissent une pression sonore anormale avec des pointes intolérables.


En réponse, par courrier du 27 juin 2013, M. et Mme [B] ont fait part à M. [Aa] et Ab. [B] de leurs regrets concernant les nuisances occasionnées et se sont engagés à bloquer la rotation des hélices de leur éolienne durant la période d'été, le samedi et dimanche après midi, à chaque départ en vacances et exceptionnellement lorsqu'ils le demanderaient.


Ce courrier dans lequel Mme [B] émet des regrets et propose des solutions pour supprimer toute nuisance constitue une reconnaissance du droit de ses voisins à la tranquillité, laquelle a interrompu la prescription ayant commencé à courrir.


Ensuite, les échanges écrits ultérieurs entre les parties en 2015 et les termes du courrier du 8 août 2019 émanant de Mme [B] conduisent à retenir que les parties avaient trouvé un accord pour réduire les difficultés en 2013 puis 2015, quoiqu'un rappel ait été encore nécessaire en 2016.


Ensuite de ces accords, il est établi qu'une panne de l'éolienne a eu pour effet son interruption totale pendant presqu'un an jusqu'à la remise en service du 1er juillet 2019, comme le reconnait Mme [B], laquelle produit au demeurant la facture d'intervention et de réparation datée du 26 juin 2019.


Il en résulte qu'après une diminution significative du trouble, celui-ci a totalement cessé pendant de nombreux mois jusqu'à ce que, par courrier de leur conseil en date du 9 octobre 2019, les consorts [Aa] - [Ab] se soient plaints que depuis la remise en service de l'éolienne nuit et jour, des nuisances liées à son fonctionnement étaient réapparues.


Aussi après avoir été interompue par le courrier du 27 juin 2013 et avoir cessé de courir avec la diminution des troubles jusqu'à leur disparation totale sur une période significative, elle a de nouveau commencé à courir à compter du 1er juillet 2019, date de départ d'un nouveau trouble.


L'assignation ayant été délivrée le 4 août 2020, soit dans les cinq ans à compter du 1er juillet 2019, l'action des consorts [Ab] - [Aa] est recevable.


La fin de non recevoir soulevée par Mme [B] est par conséquent rejetée.


- Sur l'existence d'un trouble anormal du voisinage


Il est de principe que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage.


L'article R 1334-31 du code de la santé publique🏛 dispose qu'aucun bruit particulier ne doit par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité.


La responsabilité pour trouble anormal du voisinage est un régime de responsabilité sans faute.

Il appartient à celui qui invoque un trouble anormal du voisinage de démontrer un inconvénient excessif de voisinage.

L'appréciation du dommage doit être faite in concreto, en tenant compte des circonstances de lieu, et de temps.


En l'espèce, premièrement les consorts [Ab]-[Aa] produisent un rapport d'expertise amiable Acoem ayant mesuré le niveau de bruit en extérieur du 11 au 28 février 2022 et en intérieur du 11 février 2022 au 25 février 2022 par l'implantation de sonomètres tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de leur maison d'habitation. Quoique réalisé de manière non contradictoire, il a été soumis à la libre discussion des parties dans la présente procédure.


Il en résulte qu'il a été observé une augmentation du niveau de bruit en parallèle de l'augmentation du vent en basses fréquences, jusqu'à la bande de tiers d'octave 200 Hz. A partir de 400 Hz environ et surtout de 1000 à 4000 Hz l'augmentation du niveau de bruit est liée à un ou d'autres phénomènes attribués en partie au fonctionnement de l'éolienne. Les graphiques produits mettent en exergue des dépassements de 1000 à 4000 Hz en extérieur sur une longue période avec un vent plus soutenu et sur une période de temps importante. Il est précisé que le domaine fréquentiel critique de 1000 à 4000 Hz correspond au domaine de maximum de sensibilité de l'oreille humaine et que tout phénomène dans ce domaine fréquentiel sera facilement détecté par l'oreille humaine et est de nature à engendrer une gêne auditive.

A l'intérieur de l'habitation, il est mentionné que la signature de la gêne due au fonctionnement de l'éolienne est peut- être masquée par les activités normales et habituelles dans la maison, mais que cela n'exclut pas une sensibilité au bruit généré par l'éolienne, l'oreille humaine ayant un pouvoir discriminant plus important qu'un microphone.


La cour retient que ce premier élément de preuve permet d'objectiver un bruit anormal enregistré en période de vent soutenu.


Si le rapport concède que les périodes d'arrêt et de fonctionnement de l'éolienne ont été relevées par les occupants de l'habitation en l'absence de surveillance constante et mentionne qu'une mise en fonctionnement puis en arrêt de l'éolienne permettraient de corréler précisément la gêne auditive et le fonctionnement de l'éolienne, ce qui n'a pas été possible compte tenu du caractère conflictuel de la situation, cet élément ne suffit pas à lui ôter toute valeur probante, dans la mesure où il est corroboré par d'autres éléments.


Deuxièmement, il ressort des éléments du débat que l'éolienne est implantée en limite de propriété de M. [Aa] et de M. [Ab], à proximité immédiate de leur maison et de leur terrasse. En outre, le village d'[Localité 7] se trouve dans une zone rurale.


Troisièmement, les appelants produisent au soutien de leurs prétentions un premier constat d'huissier du 24 octobre 2019 à 14 heures. Il en résulte que l'ombre des pales de l'éolienne qui tournent est projetée à l'intérieur du séjour et qu'il est entendu un bruit d'air brassé depuis l'intérieur. L'huissier constate, une fois la baie vitrée sur la terrasse ouverte, que le bruit de l'éolienne en fonctionnement est plus fort. Une fois sorti sur la terrasse au niveau du jardin, il précise que le bruit est audiblement fort et ressemble à un sifflement bruyant. Il a procédé aux mêmes constatations dans la chambre des requérants.


Ils se fondent encore sur un second constat du 7 octobre 2022, dans lequel l'auxiliaire de justice a constaté la remise d'une clé USB avec des vidéos de l'éolienne prises le 24 juin à 10h20, le 27 juin 2022 à 14h 16 et 14h17, le 30 juin 2022 à 15h 15 et 17h15, le 20 juillet 2022 à 16h57, le 25 août 2022 à 18h30, le 30 août 2022 à 18h25 et 18h26, le 8 septembre 2022 à 18h16 et 19h15, le 14 septembre 2022 à 17h45, 17h46, 17h47 et 17h48, 17h49, le 16 septembre 2022 à 15h04, 15h06, 15h07, le 27 septembre 2022 à 8h13, et 9h57. L'huissier relève en les exploitant que la même éolienne tourne et émet du bruit avec des prises de vue soit depuis l'intérieur du domicile de M. [Aa] et M. [Ab], soit depuis l'extérieur de leur terrasse ou soit depuis leur jardin.


Ce faisant, le lien entre le fonctionnement de l'éolienne et le bruit est avéré.


Quatrièmement, plusieurs attestations concordantes sont versées aux débats par les appelants.


M. [K] atteste qu'il rend régulièrement visite à M [Aa] et M. [Ab] et constate que le bruit de l'éolienne émet un sifflement très désagréable et gênant lorsqu'ils sont à l'extérieur et à l'intérieur de leur domicile.

Mme [HB] expose avoir séjourné chez M. [Aa] et M. [Ab] du 16 au 22 décembre 2019 et avoir constaté le 16, 17, 19 et 20 décembre le fonctionnement de l'éolienne, le bruit émis par cette dernière constituant une source d'angoisse pour les enfants, qui pleurent dès qu'ils l'entendent.

M. [C] expose de son côté venir régulièrement chez M. [Ab] et M. [Aa] et fait état du sifflement de l'éolienne à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur de la maison.

M. [G] déclare que l'éolienne placée chez les voisins de ses amis est particulièrement audible et que le bruit émis est très pénible, gênant même les conversations.

Le 4 novembre 2019, M. [U] [E] atteste être venu se reposer le week-end chez ses amis et avoir constaté le sifflement régulier de l'éolienne en extérieur et aussi à l'intérieur.

M. [Ae] [J], venu faire un devis chez M. [Aa] et M. [Ab] atteste que l'éolienne émet un sifflement désagréable et gênant tant à l'extérieur qu'à l'intérieur.

Mme [P] [IU], employée depuis cinq ans par les appelants mentionne le 9 décembre 2019 qu'elle travaille les lundis matins et atteste qu'elle entend le bruit de l'éolienne dans la maison avec les fenêtres fermées.

Mme [L] [T] indique avoir eu l'occasion de venir régulièrement chez les appelants pour des déjeuners notamment et avoir été témoin de la gêne occasionnée par l'éolienne en fonctionnement en limite de propriété, les converstations étant difficiles à tenir à l'extérieur et l'éolienne étant également audible de l'intérieur.

Mme [I] confirme la gêne occasionnée par l'éolienne, le bruit assourdissant émis rendant impossible de profiter de l'extérieur et une gêne étant également perceptible à l'intérieur.

Mme [F], mère de M. [Ab] atteste à deux reprises avoir fait plusieurs séjours réguliers chez son fils et avoir souvent vu et entendu l'éolienne tourner, cette dernière produisant un sifflement irritant, audible à l'intérieur et à l'extérieur, effrayant ses petits enfants. Elle précise dans une seconde attestation que l'été, il a été impossible de profiter de la terrasse extérieure et du jardin, car l'éolienne était en route, émettant un sifflement insupportable et ses petits enfants ne voulant pas rester dehors.

Elle ajoute n'avoir pas pu faire de courant d'air, car avec ce bruit c'est intenable et souligne que lorsqu'à l'intérieur il n'y a pas de bruit, on entend un sifflement.

Mme [Aa], mère de M. [Aa] relate également le bruit assourdissant dû à l'éolienne lors des séjours chez ses enfants. M. [O] [Aa] certifie quant à lui souffrir d'acouphènes provoqués par le bruit épouvantable de l'éolienne voisine lors des séjours chez ses enfants.

Mme [Af] épouse [Ag] et M. [W] [Ag] attestent, quant à eux, que le 25 août 2022, invités par M. [Ab] et M. [Aa] pour un apéritif, ils n'ont pu rester en terrasse et profiter de la piscine, tant le sifflement était insupportable et que même à l'intérieur le sifflement produit était fort désagréable.

M. et Mme [Ad], voisins proches de M. [Aa] et de M. [Ab] attestent que depuis l'installation de l'éolienne, ils l'entendent forcément lorsqu'elle tourne, de leur terrasse ou de leur terrain.

Il convient de préciser que les attestations des parents de M. [Aa] et de M. [Ab], quoique d'une valeur moindre sont retenues par la cour, car corroborées par de multiples autres attestations.


S'agissant des attestations produites par l'intimée, outre qu'elles émanent principalement de ses filles, de son gendre et de voisins, ce qui en limite la portée probatoire, elles ne peuvent contredire les nombreuses attestations précitées, alors que ces témoignages proviennent de personnes ne se trouvant pas à proximité immédiate de l'éolienne à la différence du domicile de M. [Aa] et M. [Ab] comme le démontrent les photographies aériennes versées aux débats, étant rappelé que l'éolienne se situe tout à côté de la maison et de la terrasse des appelants, ce qui n'est pas le cas de l'habitation de Mme [B]. En outre, si M. [M], M. [A] et M. [S] indiquent que l'éolienne ne fonctionne pas la nuit, cela n'est pas de nature à exclure le trouble anormal du voisinage.


Cinquièmement, si Mme [B] objecte que l'éolienne est silencieuse, produisant la notice du constructeur, tandis que M. [Aa] et M. [Ab] invoquent des commentaires sur internet contraires, ces éléments n'ont aucune valeur probante, en raison de leur caractère extérieur au présent litige.


Il importe peu par ailleurs que l'implantation de l'éolienne et son utilisation soient conformes aux règlements, à l'arrêté municipal du 26 janvier 2022 et à l'arrêté préfectoral du 27 juillet 2015, cette conformité étant sans incidence sur l'existence ou non d'un trouble anormal du voisinage. De même, l'absence de volonté de nuire invoquée par Mme [B] est indifférente en la matière.


En définitive, l'ensemble de ces éléments de preuve conduit à retenir l'existence d'un trouble causé par l'éolienne installée à l'extrémité de la propriété de Mme [B] et à proximité immédiate de la maison d'habitation des consorts [D]-[B], dès lors qu'elle génère un sifflement particulièrement bruyant et désagréable pendant son fonctionnement tant en hiver qu'en été, empêchant les conversations et ne permettant pas à ces derniers de profiter de leur extérieur, notamment de leur terrasse.


Ce trouble présente un caractère anormal excédant les inconvénients normaux du voisinage, compte tenu de son intensité et de son caractère récurrent, étant observé qu'il est légitime de pouvoir profiter d'un espace extérieur, de sa terrasse et de sa piscine à la campagne et dans un environnement censé être paisible.


En conséquence, il convient d'infirmer le jugement et d'ordonner à Mme [B] d'enlever l'éolienne installée sur son terrain situé à [Localité 7], dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sous peine d'une astreinte provisoire de 80 euros par jour passé ce délai et ce pendant une durée de trois mois.


- Sur la demande de dommages et intérêts


M. [X] [Aa] et M. [R] [Ab] sollicitent la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts, au motif que l'éolienne caractérise indéniablement un trouble du voisinage.


Il résulte de ce qui précède que le trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage est directement à l'origine d'un trouble de jouissance subi par M. [Aa] eAb M. [B].


En réparation, il convient de condamner Mme [B] à leur payer la somme totale de 2 000 euros.


- Sur les demandes accessoires


Compte tenu de la solution apportée au litige, il convient d'infirmer le jugement déféré sur les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.


Mme [B] succombant est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.


L'équité commande de condamner Mme [B] à payer à M. [Aa] et M [Ab] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par eux en première instance et en cause d'appel.


Mme [B] n'obtenant pas gain de cause, elle est déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS


La Cour,


Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription et en conséquence déclare l'action de M. [X] [Aa] et de M. [R] [Ab] recevable,


Infirme le jugement déféré,


Statuant à nouveau


Ordonne à Mme [Ac] [A] épouse [B] d'enlever l'éolienne ou de faire enlever l'éolienne installée sur son terrain à [Localité 7] dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt et passé ce délai sous astreinte provisoire de 80 euros par jour pendant une durée de trois mois,


Condamne Mme [Ac] [A] épouse [B] à payer à M. [X] [Aa] et M. [R] [Ab] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,


Condamne Mme [Ac] [A] épouse [B] aux dépens de première instance et d'appel,


Condamne Mme [Ac] [A] épouse [B] à payer à M. [X] [Aa] et M. [R] [Ab] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par eux en première instance et en cause d'appel,


Déboute Mme [Ac] [A] épouse [B] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.


LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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