Jurisprudence : Cass. soc., 25-09-2024, n° 23-16.941, F-B, Rejet

Cass. soc., 25-09-2024, n° 23-16.941, F-B, Rejet

A2978543

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2024:SO01015

Identifiant Legifrance : JURITEXT000050290702

Référence

Cass. soc., 25-09-2024, n° 23-16.941, F-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/111652999-cass-soc-25092024-n-2316941-fb-rejet
Copier

Abstract

La liberté syndicale est consacrée par les articles 2, 3 et 8 de la Convention n° 87 de l'Organisation internationale du travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical du 9 juillet 1948, l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'alinéa 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. En cas de contestation de la licéité de l'objet d'un syndicat, tel que défini par l'article L. 2131-1 du code du travail, il appartient au juge de rechercher si le syndicat poursuit dans son action un objectif illicite. Le tribunal, ayant retenu que la référence de l'Union des syndicats gilets jaunes (USGJ) au mouvement des gilets jaunes, qui n'est constitué ni sous forme de parti ni sous forme d'association ni sous aucune autre forme juridique, ne constitue qu'un positionnement idéologique et non la preuve que cette organisation poursuivrait des buts essentiellement politiques et ne serait que l'émanation d'un parti politique, et que la communauté d'idées avec un mouvement ou la sensibilité politique revendiquée par un syndicat ne saurait le priver de la qualité de syndicat dès lors qu'il agit dans l'intérêt qu'il considère être celui des salariés, a pu retenir que l'USGJ avait la qualité de syndicat. Le tribunal qui, ayant retenu que l'organisation ou la participation à des manifestations exprimant des opinions minoritaires ou non-conformistes et l'appel à la destitution du président de la République ne portaient pas atteinte aux valeurs républicaines, en a déduit que la demanderesse ne rapportait pas la preuve, qui lui incombe, d'un défaut de respect des valeurs républicaines par l'USGJ, a légalement justifié sa décision


SOC. / ELECT

JL10


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 septembre 2024


Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 1015 F-B

Pourvoi n° Q 23-16.941


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 SEPTEMBRE 2024


La société Brink's Evolution, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 23-16.941 contre le jugement rendu le 23 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Bobigny (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [H] [Aa], domicilié [… …],

2°/ à l'Union des syndicats gilets jaunes, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Les parties ou leur mandataire ont produit un mémoire.

Sur le rapport de Mme Arsac, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Brink's Evolution, après débats en l'audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Arsac, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Bobigny, 23 mai 2023), M. [Aa] a été désigné, le 15 septembre 2022, en qualité de représentant de section syndicale par l'Union des syndicats gilets jaunes (l'USGJ) au sein de la société Brink's Evolution (la société).

2. Par requête du 27 septembre 2022, la société a saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annulation de cette désignation.

Recevabilité du mémoire en défense

Vu les articles 115, 984 et 1006 du code de procédure civile🏛🏛🏛 :

3. Selon ces textes, dans les matières où les parties sont dispensées du ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, le mémoire en défense est établi par la partie ou son mandataire muni d'un pouvoir spécial.

4. Le mémoire en défense a été adressé au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par un avocat agissant comme mandataire de M. [Aa] et de l'USGJ. Il a justifié des pouvoirs spéciaux, exigés par les textes susvisés, établis le 12 juillet 2023 par M. [Aa] et l'USGJ. Il s'ensuit que le mémoire en défense est recevable.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. La société fait grief au jugement de la débouter de sa demande tendant à l'annulation de la désignation, par l'USGJ, le 15 septembre 2022, de M. [Aa] en qualité de représentant de section syndicale au sein de l'établissement « international », alors :

« 1°/ que les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes désignées par leurs statuts ; que ne peut revendiquer la qualité de syndicat l'organisation dont l'objet statutaire et les actions effectivement menées sont, sinon exclusivement, du moins principalement politiques, peu important qu'il ne soit pas l'émanation ou l'instrument d'un parti politique ; qu'en l'espèce, l'Union des Syndicats des Gilets Jaunes revendique dans ses statuts son affiliation au mouvement des Gilets Jaunes dont l'objet est exclusivement politique et mène, de fait, des actions à but éminemment politique, comme l'organisation de manifestations pour la sortie de la France de l'OTAN ou de l'Union Européenne, la destitution du chef de l'Etat, l'introduction d'un référendum d'initiative citoyenne, la dénonciation d'un régime de censure des médias, etc. ; qu'en se bornant à relever, pour dire que l'Union des Syndicats des Gilets Jaunes a bien la qualité d'organisation syndicale, que "le mouvement des gilets jaunes n'étant constitué ni sous forme de parti ni sous forme d'association ni sous aucune forme juridique, la référence de l'union des syndicats gilets jaunes à ce mouvement ne constitue qu'un positionnement idéologique et non la preuve de ce que cette organisation poursuivrait des buts essentiellement politiques et serait la marionnette d'un parti politique", le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2131-1 du code du travail🏛.

2°/ que la constitution d'une section syndicale et la désignation d'un représentant de section syndicale sont subordonnées au respect du critère des valeurs républicaines ; qu'en l'espèce, la société Brink's Evolution établissait que l'Union des Syndicats Gilets Jaunes diffuse régulièrement sur sa page Facebook des publications haineuses et une contestation du fonctionnement des institutions démocratiques ; que l'Union des Syndicats Gilets Jaunes fait ainsi figurer, sur la page d'accueil de son site Internet officiel, la revendication suivante : "nous allons nous rendre justice grâce à des actions auxquelles les multinationales et les institutions ne sont pas préparées" ; qu'en se bornant à relever, pour dire que l'exposante ne rapporte pas la preuve d'un défaut de respect des valeurs républicaines par l'Union des Syndicats Gilets Jaunes, que "l'appel à la destitution du président de la république en fonction peut bien être considéré comme mal fondé mais non comme contraire aux valeurs de la république puisque cette procédure est prévue par la constitution et qu'il n'est pas fait appel à un coup de force ou à la violence", sans se prononcer sur les publications haineuses ou l'objectif revendiqué de se rendre justice soi-même, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2142-1 et L. 2142-1-12 du code du travail🏛. »


Réponse de la Cour

6. En premier lieu, la liberté syndicale est consacrée par les articles 2, 3 et 8 de la Convention n° 87 de l'Organisation internationale du travail sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical du 9 juillet 1948, l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 et l'alinéa 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 2131-1 du code du travail, les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts.

8. En cas de contestation de la licéité de l'objet d'un syndicat, il appartient au juge de rechercher si le syndicat poursuit dans son action un objectif illicite.

9. D'une part, ayant retenu que la référence de l'USGJ au mouvement des gilets jaunes, qui n'est constitué ni sous forme de parti ni sous forme d'association ni sous aucune autre forme juridique, ne constitue qu'un positionnement idéologique et non la preuve que cette organisation poursuivrait des buts essentiellement politiques et ne serait que l'émanation d'un parti politique, et que la communauté d'idées avec un mouvement ou la sensibilité politique revendiquée par un syndicat ne saurait le priver de la qualité de syndicat dès lors qu'il agit dans l'intérêt qu'il considère être celui des salariés, le tribunal a pu retenir que l'USGJ avait la qualité de syndicat.

10. D'autre part, le tribunal qui, ayant retenu que l'organisation ou la participation à des manifestations exprimant des opinions minoritaires ou non-conformistes et l'appel à la destitution du Président de la République ne portaient pas atteinte aux valeurs républicaines, en a déduit que la demanderesse ne rapportait pas la preuve, qui lui incombe, d'un défaut de respect des valeurs républicaines par l'USGJ, a légalement justifié sa décision.


Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

11. La société fait le même grief au jugement, alors « qu'une union de syndicats à laquelle la loi a reconnu la même capacité civile qu'aux syndicats eux-mêmes ne peut exercer les droits conférés aux syndicats dans le champ géographique et professionnel qui est le sien, qu'en l'absence de disposition contraire de ses statuts ; qu'en l'espèce, la société Brink's Evolution faisait valoir que l'objet statutaire de l'Union des Syndicats Gilets Jaunes est de fournir des moyens aux syndicats affiliés pour leur permettre d'exercer des prérogatives dans l'entreprise, et non d'exercer elle-même ces prérogatives, ses statuts prévoyant qu'elle "a pour vocation de fournir aux organisations syndicales affiliées les moyens de toute nature en vue d'obtenir la représentativité dans les entreprises en créant des sections syndicales, en désignant des représentants et en déposant des listes de candidats aux élections professionnelles" ; qu'en outre, l'article 8 des statuts prévoit, à titre dérogatoire, que le secrétaire général peut "procéder à des désignations, participer à des négociations, signer des conventions ou des accords collectifs, déposer des listes de candidats, en lieu et place des organisations syndicales affiliées", mais uniquement "avec leur accord" ; qu'en se bornant à affirmer, pour se prononcer sur la capacité de l'USGJ à créer une section, qu'"une union de syndicats jouit des droits conférés aux syndicats et peut, sauf stipulation contraire de ses statuts, exercer les droits conférés aux syndicats qui lui sont affiliés, notamment désigner des représentants", sans rechercher ainsi qu'il y était invité si les statuts de l'Union des Syndicats Gilets Jaunes ne réservaient pas aux organisations syndicales affiliées la création de sections syndicales et la désignation de représentants syndicaux, sauf accord du syndicat affilié dont le champ professionnel et territorial couvre l'entreprise, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2133-3, L. 2133-1, L. 2142-1 et L. 2142-1-1. »


Réponse de la Cour

12. Il résulte des conclusions de l'employeur, reprises à l'audience, que l'absence d'accord du syndicat primaire pour la désignation d'un représentant syndical par l'union n'avait pas été invoquée.

13. Le tribunal, qui a fait ressortir que l'article 2 des statuts de l'union ne lui interdisait pas d'intervenir dans une entreprise, a légalement justifié sa décision.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Brink's Evolution et la condamne à payer à M. [Aa] et à l'Union des syndicats gilets jaunes la somme globale de 1 500 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille vingt-quatre.

Agir sur cette sélection :

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus