Jurisprudence : CAA Lyon, 2e ch., 14-03-2002, n° 00LY02403

Cour administrative d'appel de Lyon

Statuant au contentieux
Société SIDAC DIFFUSION


M. GAILLETON, Rapporteur
M£ BONNET, Commissaire du gouvernement


Lecture du 14 mars 2002



R E P U B L I Q U E   F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


    
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 novembre 2000, présentée par la SA SIDAC-DIFFUSION, dont le siège social est situé rue du Stade à Vaux-en-Velin (69511), représenté par son président-directeur général en exercice ;
    La SA SIDAC-DIFFUSION demande à la Cour :
    1 ) d'annuler le jugement n° 9403729-9403730 du Tribunal administratif de Lyon en date du 10 juillet 2000 rejetant ses demandes en réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989, 1990 et 1991, ainsi que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur et des pénalités y afférentes dont elle a été déclarée redevable au titre de la période du 1er janvier 1989 au 31 mars 1992 ;
    2 ) de prononcer la réduction demandée ;
    3) d'ordonner que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa requête, il soit sursis à l'exécution des articles de rôle et de l'avis de mise en recouvrement correspondants ;
    Vu les autres pièces du dossier ;
    Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
    Vu le code de justice administrative ;     Vu l'ordonnance n 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n 2001-373 du 27 avril 2001 ;
    Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
    Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
    Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2002 :
    - le rapport de M. GAILLETON, président ;
    - et les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;


    Sur la régularité du jugement attaqué :
    
Considérant qu'il ressort des énonciations du jugement attaqué que le Tribunal administratif a répondu au moyen, au demeurant inopérant, tiré de ce que la décision du directeur des services fiscaux rejetant sa réclamation est insuffisamment motivée ; que, par suite, la SA SIDAC-DIFFUSION n'est pas fondée à soutenir que ledit jugement serait irrégulier ;
    Sur la procédure d'imposition :
    Considérant que les irrégularités qui peuvent entacher la décision par laquelle l'administration fiscale statue sur une réclamation restent sans influence sur la procédure d'imposition ;
    Sur le bien-fondé des impositions :
    Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 39 et 209 du code général des impôts, le bénéfice net passible de l'impôt sur les sociétés est établi sous déduction de toutes charges à l'exception de celles qui, étrangères à une gestion commerciale normale, n'ont été assumées par l'entreprise qu'en vue d'assurer certains avantages à des tiers pour des fins étrangères à son activité, et qu'en vertu de l'article 271 du même code, la taxe sur la valeur ajoutée grevant de telles charges ne peut ouvrir droit à déduction ;
    Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA SIDAC-DIFFUSION a, d'une part, déduit de ses résultats des exercices clos en 1989, 1990 et 1991 les dotations aux amortissements d'un brevet qu'elle a acquis en 1989 de la Sarl Saïd, alors en liquidation amiable, ainsi que les honoraires versés à l'intermédiaire chargé d'en assurer la protection, et, d'autre part, déduit la taxe sur la valeur ajoutée grevant les honoraires dont s'agit de celle due au Trésor ; que l'administration, sans contester la réalité des charges litigieuses ni la régularité de leur enregistrement comptable, a remis en cause ces déductions au motif que l'acquisition dudit brevet ne présentant pas d'intérêt pour l'entreprise, relevait d'un acte anormal de gestion ;


____Considérant que l'administration, qui, indépendamment même de la procédure d'imposition, supporte la charge d'établir l'anormalité de l'acte de gestion qu'elle invoque, soutient à cet effet que l'objet du brevet, relatif à une technique de fertilisation des sols dans les pays chauds au moyen d'un procédé de rétention d'eau, est sans rapport avec l'activité principale de l'entreprise, spécialisée dans la fabrication de peintures et revêtements fibreux destinés à la décoration intérieure, et que ledit brevet, dont M. Laurent, alors président-directeur général de la SA SIDAC DIFFUSION, est l'inventeur et qui figurait à l'actif de la Sarl Saïd depuis 1983, n'avait encore fait l'objet de la part de l'une ou l'autre société d'aucune exploitation en 1992, année au cours de laquelle la société requérante a fait l'objet d'un contrôle_; qu'en réponse, la SA SIDAC-DIFFUSION se borne à soutenir que son objet social était suffisamment large pour englober l'exploitation d'un brevet dont elle maîtrisait la technique et à affirmer, sans plus de précision, que ledit brevet présentait une opportunité de diversification dans différents pays où elle aurait noué des contacts_; que si la société requérante fait également valoir que l'inexploitation du brevet est due au coût trop élevé de l'installation pilote nécessaire à sa mise en uvre, ainsi qu'aux difficultés financières de sa filiale espagnole, il est constant que ces éléments étaient connus de la société en 1989 date à laquelle elle a acquis le brevet et qu'elle savait à cette époque qu'elle ne serait pas elle-même en mesure d'assumer la charge nécessaire à son exploitation_; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant en l'espèce que le brevet n'a pas été en réalité acquis dans l'intérêt de la SA SIDAC-DIFFUSION, mais dans celui d'une société tierce ;
    Considérant, en deuxième lieu, que, si un acte dont la normalité est contesté par l'administration s'est traduit, en comptabilité, par une écriture portant, comme c'est le cas en l'espèce, s'agissant des honoraires et remboursements de frais de déplacement en litige versés à M. David en qualité de consultant, sur des charges de la nature de celles qui sont visées à l'article 39 du code et qui viennent en déduction du bénéfice net défini à son article 38, l'administration doit être réputée apporter la preuve qui lui incombe si le contribuable n'est pas, lui-même, en mesure de justifier, dans son principe comme dans son montant, de l'exactitude de l'écriture dont s'agit, quand bien même, en raison de la procédure mise en uvre, il n'eût pas été, à ce titre, tenu d'apporter pareille justification ;
    Considérant que si la SA SIDAC-DIFFUSION soutient que M. David était chargé de la représenter auprès de sa filiale espagnole, la société Calideco, et a produit à l'administration fiscale les notes d'honoraires et de frais établis par l'intéressé et correspondant aux versements qu'elle lui a consentis, elle n'a, en revanche, versé aucun document, tel que contrat, courrier, étude ou bon de commande, de nature à justifier tant la réalité des prestations que M. David aurait accomplies pour son compte que le caractère obligatoire pour elle de ces versements ; que, par suite, et en dépit de l'avis émis par la commission départementale des impôts, la société requérante ne peut être regardée comme ayant justifié, dans son principe comme dans son montant, de l'exactitude des écritures de charge en litige ;


    Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : ' 1 ... le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises ' ; qu'il résulte de ces dispositions, ainsi que du principe d'indépendance des exercices, que les charges payées ou comptabilisées d'avance ne peuvent être admises en déduction que du bénéfice de l'exercice auquel se rattachent les produits de l'opération qu'elles concernent ; qu'elles doivent seulement figurer, à la clôture de l'exercice au cours duquel elles ont été supportées, à un compte de régularisation, à défaut d'être portées à un compte de travaux en cours ;
    Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA SIDAC-DIFFUSION a déduit de ses résultats de l'exercice clos en 1990 une somme de 55 700 francs versée au cours de cet exercice à la société Batimat en vue de retenir le principe de sa participation à un salon d'exposition devant avoir lieu seulement au cours de l'exercice 1991 ; que même si, comme le soutient la société requérante, cette somme correspondait à une charge certaine dans son principe et son montant dès lors qu'elle n'était pas remboursable au cas où elle n'aurait pas participé au salon, ladite charge se rapportait néanmoins à une opération dont les produits ne pouvaient être constatés qu'au cours de l'exercice 1991, et, par suite, ne pouvait être déduite que des résultats dudit exercice ; que la société requérante n'est, dès lors, pas fondée à contester la réintégration de cette somme dans les résultats de l'exercice clos en 1990 ;
    Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du premier alinéa du 3 de l'article 39 du code général des impôts : ' Les allocations forfaitaires qu'une société attribue à ses dirigeants ou aux cadres de son entreprise pour frais de représentation et de déplacement sont exclus de ses charges déductibles lorsque parmi ces charges figurent déjà les frais habituels de cette nature remboursés aux intéressés ' ;
    Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de chacun des exercices vérifiés, la SA SIDAC-DIFFUSION a, d'une part, pris en charge les dépenses de carburant et d'entretien du véhicule personnel de son dirigeant, mis à la disposition de l'entreprise, et, d'autre part, versé à l'intéressé des indemnités forfaitaires en fonction du kilométrage parcouru ; qu'en se bornant à alléguer que ces indemnités correspondraient seulement aux dépenses d'amortissement du véhicule et à d'autres dépenses d'entretien courant, la SA SIDAC-DIFFUSION, à qui incombe la charge de la preuve, n'établit ni que les indemnités dont s'agit ne feraient pas double emploi avec les dépenses qu'elle a directement prises en charge, ni que les frais engagés par son dirigeant seraient supérieurs à l'évaluation retenue en définitive par l'administration qui, outre les dépenses directement prises en charge par la société, a retenu une partie desdites indemnités ;


    Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts, rendu applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : ' Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises ... qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités ... ' ; que, lorsque l'administration établit l'existence de faits ou d'écritures comptables qui révèlent un transfert de bénéfices d'une entreprise imposable en France à une entreprise située hors de France, ces dispositions instituent une présomption à l'encontre du contribuable qui, par suite, supporte la charge de prouver, quel que soit le déroulement de la procédure d'imposition, que ces faits ou ces écritures sont justifiés par une gestion normale des intérêts propres à l'entreprise imposable en France ;
    Considérant que l'administration a établi que la SA SIDAC-DIFFUSION avait consenti au cours des exercices clos en 1990 et 1991 des abandons de créance à la société Calideco, sa filiale espagnole, dont elle détient 99 % du capital, et qu'elle avait également renoncé à percevoir les intérêts sur les avances de trésorerie et délais de paiement qu'elle lui avait consentis au cours des exercices clos en 1989, 1990 et 1991 ; que ces faits révèlent que la SA SIDAC-DIFFUSION avait pris en compte, pour le calcul de ses bénéfices imposables en France, des sommes qui, normalement, constituent des charges de la société espagnole ; que la SA SIDAC-DIFFUSION est ainsi présumée avoir réalisé, au sens des dispositions précitées de l'article 57, un transfert de bénéfices à une entreprise située hors de France ; qu'il lui incombe, dès lors, de prouver que ce transfert comportait pour elle une contrepartie suffisante et avait ainsi le caractère d'un acte de gestion commerciale normal ;


____Considérant que la société requérante fait valoir sans être contredite que les abandons de créance ainsi consentis à la société Calideco étaient destinés à faciliter sa propre implantation en Espagne, pays dans lequel elle souhaitait développer un nouveau marché, et que cette filiale, exclusivement chargée de l'écoulement de ses produits, constituait quasiment son unique débouché dans ce pays_; que les abandons de créance dont s'agit présentant ainsi un caractère commercial, et non financier, l'appréciation de leur contrepartie pour la société mère doit être faite, en raison des aléas inhérents à toute activité commerciale, au regard des résultats espérés à la date à laquelle ils ont été consentis, et non en fonction de ceux qui ont pu en être effectivement retirés_; qu'en l'espèce au cours des exercices clos en 1989, 1990 et 1991, la SA SIDAC-DIFFUSION pouvait raisonnablement espérer que la société Calideco remplirait les objectifs de développement qu'elle lui avait assignés_; que dans ces conditions, et nonobstant la circonstance que les ventes réalisées par l'intermédiaire de la société Calideco n'ont représenté en définitive, en raison des difficultés commerciales rencontrées par cette dernière, qu'un faible pourcentage du chiffre d'affaires de la SA SIDAC DIFFUSION et que le bénéfice que celle-ci en a retiré s'est également révélé sans rapport avec l'importance des efforts commerciaux consentis, la SA SIDAC-DIFFUSION doit être regardée comme établissant que ces avantages ont été justifiés par une gestion normale de ses intérêts propres_; que, dès lors, les sommes en litige, soit 207 366 francs au titre de l'exercice clos en 1989, 1 351 370 francs au titre de l'exercice clos en 1990 et 1 300 735 francs au titre de l'exercice clos en 1991, ne pouvant être réputées correspondre à des bénéfices indirectement transférés à l'étranger, au sens des dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts, l'administration n'était, par suite, pas en droit de les réintégrer dans les bénéfices imposables de la société requérante ;

    Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA SIDAC-DIFFUSION est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes procédant de la réintégration des sommes susmentionnées dans les résultats de ses exercices clos en 1989, 1990 et 1991 ;


Article 1er : Les bases de l'impôt sur les sociétés dû par la SA SIDAC DIFFUSION sont réduites, respectivement, d'une somme de 207 366 francs au titre de l'exercice clos en 1989, 1 351 370 francs au titre de l'exercice clos en 1990 et 1 300 735 francs au titre de l'exercice clos en 1991.
Article 2 : La SA SIDAC DIFFUSION est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes correspondant aux réductions des bases d'imposition définies à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement n° 9403729-9403730 du Tribunal administratif de Lyon en date du 10 juillet 2000 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA SIDAC-DIFFUSION est rejeté.

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