SUR CE,
Sur l'exécution du contrat de travail :
Sur l'avertissement
Le salarié fait valoir que :
la société Ascom France lui a notifié un avertissement le 14 mars 2019 alors que, dans son mail du 25 février 2019, il n'a tenu aucun propos déplacé excédant les limites de la liberté d'expression ;
son mail ne contient ni acte d'insubordination ni d'opposition à la stratégie commerciale ou propos inacceptables à l'encontre de la direction ;
cet avertissement est attentatoire à sa liberté d'expression et injustifié et doit être annulé ;
sa notification lui a causé un préjudice.
L'employeur réplique que
le salarié a outrepassé sa liberté d'expression, fait preuve d'une opposition conflictuelle et réitérée, tenu des propos inacceptables à l'encontre de la direction, fait part de récriminations auprès et devant des collègues, portant atteinte à l'autorité de la direction, adopté une attitude contestataire en contestant l'application de règles internes communes, tout en prétendant faire l'objet d'un traitement désavantageux ;
c'est pourquoi elle lui a notifié et maintenu l'avertissement ;
la prise de congé a été refusée au salarié conformément aux règles internes.
***
Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.
Aux termes de l'
article L. 1333-1 du code du travail🏛, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La lettre d'avertissement est la suivante :
« Les derniers événements ainsi que nos derniers échanges nous conduisent par la présente à vous notifier un avertissement.
En dépit du temps que nous avons consacré à dialoguer avec vous, tout en vous rappelant la nécessité de maintenir un comportement respectueux vis-à-vis de la direction et de votre hiérarchie, vous avez persévéré dans une attitude d'opposition systématique.
Votre dernier email du 25 février démontre que vous avez pris le parti d'en découdre et nous entendons voir cesser immédiatement vos agissements.
Je vous rappelle une dernière fois que la structure de votre rémunération reste inchangée avec une répartition de 60% de salaire fixe et 40% de variable à objectifs atteints. Vous prétendez le contraire. C'est pourtant inexact et nous avons eu l'occasion, à maintes reprises, de vous l'expliquer, comme à l'ensemble des équipes.
La stratégie commerciale est décidée au niveau du groupe Ascom et s'applique à l'ensemble de ses filiales et des territoires.
Il ne vous appartient pas de vous y opposer ni d'en juger, étant précisé que les produits, solutions et services proposés par le groupe et par la société Ascom France, évoluent et que tous les intervenants économiques s'adaptent à un marché.
Par conséquent, vos clients changent, votre portefeuille et vos offres évoluent également.
Vos propos à l'encontre de la direction restent néanmoins inacceptables, sous couvert de faire valoir des droits. Il vous appartient, quel que soit vos revendications, de conserver la réserve appropriée à vos fonctions.
Vous avez ainsi cru pouvoir faire état de vos récriminations en impliquant vos collègues dans un email qui ne concernait que vous-même. Mettre vos collègues en copie d'attaques frontales à l'égard de vos supérieurs hiérarchiques caractérise une insubordination et témoigne d'une volonté de créer une discorde au sein de l'équipe.
Un tel procédé est inadmissible.
Votre manager direct a été contraint de vous rappeler à l'ordre et a pris à nouveau le temps de vous refaire un historique de la présentation de vos objectifs, sur lesquels vous ne lui aviez fait aucun commentaire.
De tels agissements portent atteinte à la cohésion de l'équipe et nuisent à la bonne marche de notre activité. Les entretiens qui ont été conduits, par ailleurs, dénotent que vous êtes le seul à vous positionner ainsi en opposition systématique aux règles établies et aux instructions qui vous sont données.
L'attitude contestataire dans laquelle vous vous inscrivez vous conduit à présenter comme des « refus systématiques » vos demandes de prises de congés, pressentant ainsi un traitement désavantageux à votre égard. Ils résultent pourtant de la stricte application des règles internes, relatives à la procédure de congés payés & RTT, que tout simplement vous ne respectez pas en posant vos dates.
Vos propos démontrent également une méconnaissance des règles internes en matière de frais professionnels, ce qui ne vous a pas empêché de relever ce que vous avez cru identifier comme une faille dans vos conditions de travail.
Nous vous demandons fermement de cesser ces agissements. Nous ne tolèrerons pas davantage que vous vous répandiez auprès des équipes en des termes injurieux pour la direction et que vous véhiculiez une image préjudiciable à l'entreprise.
Nous comptons donc sur un rétablissement immédiat de la situation. A défaut, nous pourrions être contraints de prendre à votre encontre des sanctions plus importantes, pouvant aller jusqu'à votre licenciement. »
L'employeur verse aux débats :
en pièce n°16 : un échange de mail :
qui débute le 4 février 2019, par un mail de M. [G] [Ab] directeur commercial, transmettant, « suite à notre meeting », à plusieurs salariés dont M. [Aa] [S], la présentation, le « simulation Pay Plan 2019 vs 2018 » et le « fichier de calcul des objectifs, partenaires et listes pour ADV », qui se termine par « merci de me confirmer que tout est bien clair pour vous »,
qui est suivi d'un nouveau mail de M. [Ab] du 8 février 2019, adressé aux mêmes destinataires, qui débute par « Pendant mes congés, j'apprends par mails interposés, que ce qui était explicite lors de notre réunion, ne l'est plus. Nous voilà donc encore repartis dans des discussions de couloir qui sont au final à caractère purement individuel et que je qualifierai de « tentative d'influence ». En conclusion, j'en ai assez de consommer mon énergie pour ce genre de situations qui se répète régulièrement['] », se poursuit par d'une part, une synthèse de ce qui s'est dit lors du « kick-Off » un mois auparavant puis lors de la réunion du 4 février, à propos de la rémunération, de l'organisation 2019, du plan de commissions et des objectifs 2019, d'autre part, le constat que tout était clair à l'issue de la réunion, et se termine par « puisque ce mode de fonctionnement ne peut toujours pas être mis en place'ma seule exigence avec chacun d'entre vous sera le CRM à jour, combien de rendez-vous, quel portefeuille créer, animation de nos partenaires pour ceux en charge. Merci de me préparer pour chaque vendredi matin, avant 12 H, votre reporting individuel sur la base de votre CRM . » ;
auquel le 18 février 2019, M. [Aa] [S] répond à M. [Ab] puisque le mail débute par « Bonjour [G] » mais a les mêmes destinataires, en faisant des commentaires portant exclusivement sur sa situation personnelle quant à sa rémunération, se plaignant des décisions prises quant à ses congés et mentionnant également « hier [K] m'a demandé de ne plus appeler l'équipe commerciale car mon influence au téléphone serait néfaste, ce qui pose problème car je dois travailler avec eux'Peux tu me dire s'il y a une liste de commerciaux que je ne dois pas appeler » ;
le 20 février, M. [Ab] a répondu à M. [S] en lui demandant de ne plus faire de mail « en copiant l'ensemble de tes collègues y compris les membres du CMT », en lui indiquant que lors de l'entretien du 14 février, il ne lui a pas été demandé de ne plus communiquer avec ses collègues, lui a rappelé ce qui s'était dit à propos de la rémunération et expliqué les raisons pour lesquelles ses demandes de congé avaient été validées ou pas.
Le 25 février 2019, le salarié a répondu à ce mail en contestant point par point et notamment « pour l'envoi des mails, je ne fais que répondre à ton mail sur l'organisation 2019 : tu étais mécontent et tu avais mis tout le monde en copie. ».
D'une part, le mail du 8 février est destiné à tous les salariés concernés, ce qui explique que M. [Ab] le leur adresse, alors que tel n'est pas le cas de la réponse de M. [S], qui, bien que destinée à M. [Ab], est adressée à d'autres destinataires et d'autre part, M. [S] se justifie en se plaçant sur un pied d'égalité avec son manager.
Le mail du 18 février 2019 de M. [S] contient bien des récriminations de sa part et en l'adressant à ses collègues, il les a impliqués dans des questions qui le concernaient exclusivement.
L'attitude de M. [S] caractérise un abus de la liberté d'expression et une insubordination de sa part qui justifie l'avertissement notifié le 14 mars 2019.
La cour confirme le jugement qui a rejeté la demande de nullité de l'avertissement et de dommages-intérêts à ce titre.
Sur la demande en dommages-intérêts pour utilisation professionnelle du domicile personnel :
La société soulève l'irrecevabilité de cette demande nouvelle en appel.
Elle conteste que M. [Aa] [S] ait présenté une demande au titre de l'utilisation professionnelle du domicile devant le conseil de prud'hommes et souligne qu'une telle demande ne figurait pas dans le dispositif des conclusions de première instance ni dans le dispositif du jugement et n'est pas reprise dans la déclaration d'appel.
Le salarié objecte que la demande en indemnisation de l'utilisation professionnelle du domicile n'est pas nouvelle et a été présentée en première instance, le conseil de prud'hommes n'a pas statué dessus dans son dispositif de sorte qu'il ne saurait lui être reproché de ne l'avoir pas visé dans sa déclaration d'appel.
***
Selon l'
article 564 du code de procédure civile🏛, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Le salarié demande la condamnation au paiement de dommages-intérêts pour utilisation professionnelle du domicile personnel, or, il ressort du jugement du conseil de prud'hommes que cette demande ne figurait pas dans le dispositif des conclusions de M. [Aa] [S] en sorte que le conseil de prud'hommes, au visa de l'
article R. 1453-5 du code du travail🏛, a dit cette demande abandonnée et n'a pas statué dessus. La prétention ainsi présentée est donc nouvelle et irrecevable.
Sur la demande afférente à la modification de la rémunération :
Sur la recevabilité de la demande :
La société fait valoir que les demandes additionnelles du salarié tendant à se voir allouer un rappel de salaire et une indemnité de 20 000 euros au titre d'une perte de chance de percevoir une rémunération variable en 2018 sont également irrecevables pour être nouvelles en cause d'appel.
Le salarié objecte que ses prétentions présentées pour la première fois en cause d'appel répondent aux exigences de l'article 564 du code de procédure civile soit qu'elles tendent aux mêmes fins que les prétentions de première instance (demande en paiement des rappels de salaire, demande d'indemnisation des préjudices liés aux manquements de la société ASCOM à ses obligations contractuelles (rémunération).
***
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Selon l'
article 565 du code de procédure civile🏛, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Alors que M. [S] a demandé au conseil de prud'hommes un rappel de salaire au titre de la rémunération variable 2017 outre congés payés afférents, et des dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier d'une rémunération variable, en arguant de la modification du mode de rémunération 2018, il sollicite désormais, un rappel de salaire au titre de la rémunération variable 2017, outre congés payés afférents, des dommages et intérêts pour perte de rémunération variable de l'année 2017, (à titre subsidiaire), un rappel de salaire au titre de la rémunération variable 2018, outre congés payés afférents, des dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier d'une rémunération variable 2018 (à titre subsidiaire).
Les prétentions formulées en cause d'appel au titre de la rémunération tendent aux mêmes fins que celles formulées en première instance et le moyen tiré de l'irrecevabilité n'est pas fondé.
Sur le bien-fondé des demandes :
Le salarié fait valoir que :
pour la rémunération variable 2017, alors que le chiffre d'affaire généré par le client Itelliance était intégré dans ses objectifs, la société, en confiant à Mme [U], directrice commerciale nouvellement embauchée, une partie du chiffre d'affaires généré par ce client Itelliance, a modifié les conditions d'attribution en cours d'exercice, lui faisant perdre, en l'état des éléments connus, 7 000 euros brut ;
l'annexe à sa feuille d'objectifs 2017 liste 60 partenaires et le portefeuille qui lui était confié intégrait le groupe Itelliance ;
à défaut pour la société de produire les éléments en sa possession, elle devra être condamnée au paiement de la somme de 7 000 euros pour perte de chance de bénéficier de sa rémunération variable ;
il était convenu une rémunération variable correspondant à 40% de sa rémunération totale selon des modalités définies par voir d'avenant ;
la fixation, par voie conventionnelle, des modalités de détermination de la rémunération variable comme des objectifs fixés d'un commun accord rend nécessaire, pour qu'une modification des modalités puisse intervenir, que son accord exprès soit recueilli ;
il a manifesté à plusieurs reprises son refus de se voir appliquer les nouvelles conditions de rémunération variable mises en place dans le cadre du plan de commissionnement 2018 présenté aux équipes commerciales le 22 décembre 2017 ;
il a exprimé sa position en 2018 et l'a confirmée dans le cadre d'un courrier circonstancié du 21 janvier 2019, puis le 13 février et le 8 mars 2019, car le nouveau plan de commission 2018 a profondément modifié les modalités de la rémunération variable en la diminuant.
La société répond que :
selon les dispositions contractuelles, les objectifs annuels sont fixés par l'employeur et non d'un commun accord entre l'employeur et le salarié ;
les objectifs sont fixés chaque année sur des critères objectifs et identifiables, communiqués au plus tard en début d'exercice et en français ;
les objectifs fixés pour 2018 ne modifient ni le mode de rémunération ni la structure de la part variable puisqu'ils restent rémunérés pour 40% pour la part variable et 60% pour le salaire fixe ;
l'évolution en 2018 consiste dans la suppression des plafonds et des planchers de sorte que les commerciaux peuvent percevoir un pourcentage plus élevé en cas de dépassement des objectifs, ce qui a été le cas de M. [Aa] [S] dont la rémunération variable a augmenté par rapport à 2017 ;
M. [Aa] [S] ne peut prétendre qu'un client lui soit attribué en particulier car, tous les ans, après analyses chiffrées précises sur l'activité de ses partenaires pour les années passées, l'attribution des partenaires aux commerciaux est étudiée afin de ne léser aucun membre de la force commerciale ;
M. [Aa] [S] ne peut arguer que son secteur d'activité a été contractualisé au-delà du périmètre géographique ;
le salarié s'est opposé à l'application du plan de commission 2018, sans raison valable ;
le salarié a perçu, en 2018, une rémunération équivalente à celle de 2017 ;
en 2019 et en 2020, alors qu'il ne travaillait pas, il a perçu une rémunération variable et bénéficié du maintien de son salaire fixe et des commissions ;
pour l'année 2017, seul le partenaire Novalyo a été attribué à M. [Aa] [S] sur sa feuille d'objectifs 2017 et le salarié a perçu la partie variable de rémunération correspondant à sa feuille d'objectifs 2017, au prorata de ses droits et de son territoire.
***
En vertu de l'
article L. 1222-1 du code du travail🏛, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail ou l'engagement unilatéral de l'employeur.
Par ailleurs, les objectifs fixés au salarié doivent être portés à sa connaissance en début d'exercice.
Par avenant du 7 avril 2011, la rémunération du salarié à objectifs atteints a été fixée à 94 000 euros annuels, composée de deux éléments :
une part fixe de 60 % de la rémunération totale à objectifs atteints, soit 57 400 euros, payable en douze mensualités de 4 700 euros chacune ;
une part variable, si les objectifs sont atteints, correspondant à 40% de la rémunération totale à objectifs atteints, soit 37 600 euros, payable suivant les modalités de calcul et de règlement indiquées dans le document Feuille d'objectifs, la feuille d'objectifs valable pour l'année 2011 est annexée au présent. Cette part variable comprend les régularisations de congés payés.
La feuille d'objectif 2011 (pièce A3 du salarié) mentionne qu'elle « a pour objet de définir les modalités de calcul de la part variable de la rémunération ainsi que les conditions de paiement de celle-ci » et que « cette part variable est établie en fonction des directives arrêtées par le Groupe Ascom et peut être amenée à évoluer selon ses directives. ». Les modalités calcul sont déterminées pour l'année 2011 et seulement pour cette année-là.
Les feuilles d'objectifs pour les années 2014 à 2017, ont été remises au salarié.
La feuille d'objectif 2017 fixe l'objectif du salarié à « 5380 ». L'annexe de la feuille d'objectifs pour l'année 2017 mentionne les partenaires, détaillés sous six rubriques : Grand Electricien qui compte 13 sociétés, Revendeur, 15 sociétés, Revendeur certifié, 10 sociétés, Revendeur sans contrat, 18 sociétés, SI, 2 sociétés et la rubrique « Itélliance », une seule société : la société Novalyo.
Il en ressort que les objectifs 2017 incluaient une seule société du groupe Itélliance, la société Novalyo et il n'est pas soutenu que cette société aurait été retirée du calcul du droit à rémunération variable pour l'année 2017.
En conséquence, le salarié n'est pas fondé à solliciter un rappel de salaire au titre de l'année 2017 ni des dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier d'une partie de la rémunération variable pour l'année 2017.
Pour l'année 2018, un plan de commissionnement a été présenté aux commerciaux lors d'une réunion du 22 décembre 2017 et les objectifs du salarié lui ont été adressés par mail du 23 février 2018.
Le salarié les a contestés par retour de mail, affirmant qu'ils n'étaient pas réalisables, ce qu'il ne soutient plus.
En fixant les objectifs au salarié, la société n'a pas modifié la structure ni le montant de la rémunération telle que déterminée dans l'avenant au contrat de travail.
La société n'a pas à produire les éléments permettant de calculer la rémunération sur les exercices 2018 et 2019 à laquelle le salarié aurait pu prétendre sur la base de la feuille d'objectif 2017, soit de l'année précédente.
La cour confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes du salarié au titre de la rémunération variable pour les années 2017 et 2018.
Sur la demande de rappel au titre de maintien du salaire :
La société soulève l'irrecevabilité de cette demande au motif qu'elle est nouvelle en cause d'appel.
Elle s'oppose à la demande au motif qu'elle a contesté le caractère professionnel de la maladie.
Le salarié objecte que
les demandes présentées pour la première fois en cause d'appel répondent aux exigences de l'article 564 du code de procédure civile et découlent de faits postérieurs à l'audience de jugement ;
la société Ascom doit être condamnée au règlement des sommes lui revenant au titre des indemnités journalières de sécurité sociale couvrant la période du 1er mai 2019, date de son premier avis d'arrêt de travail (maladie professionnelle) au 30 octobre 2019, soit pendant la période de subrogation.
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Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'appelant formule une demande de remboursement de retenues sur les indemnités journalières de la sécurité sociale du mois de mai au mois d'octobre 2019, en arguant de la prise en charge de la maladie professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie suivant décision du 12 avril 2021.
Dès lors, il demande de faire juger une question née de la survenance d'un fait et le moyen tiré de l'irrecevabilité n'est pas fondé.
Selon la convention collective de la métallurgie dans sa version applicable à l'espèce, en cas de maladie et d'accident du travail, le salarié ayant plus de 15 ans d'ancienneté, comme c'est le cas de M. [Aa] [S], a droit à un maintien du salaire, sous déduction des indemnités journalières de la sécurité sociale et des régimes de prévoyance, les indemnités étant retenues pour leur montant brut.
Le maintien du salaire, d'une durée de six mois à 100%, est identique au bénéfice du salarié en arrêt maladie ou en arrêt au titre d'un accident du travail.
Il est dès lors indifférent que la société ait contesté la reconnaissance de maladie professionnelle.
En revanche, au vu des fiches de paie du salarié pour la période du mois de mai au mois d'octobre 2019, l'employeur a maintenu le salaire mais déduit les indemnités journalières, or, il ressort de l'attestation de la caisse primaire d'assurance maladie en date du 2 juin 2021 qu'il a été subrogé, pour la même période, dans les droits du salarié. Il a donc déduit du salaire maintenu des sommes que le salarié n'a pas perçu.
En conséquence, la cour condamne la société Ascom France au paiement de la somme de 8 192,22 euros au titre du remboursement des retenues injustifiées, pour la période du mois de mai au mois d'octobre 2019.
Sur la demande en dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et harcèlement moral :
Le salarié fait valoir que :
ses conditions de travail se sont dégradées, ce qu'il a dénoncé dès le 26 février 2018 ;
le lien avec la dégradation de son état de santé est objectivé par ses avis d'arrêt de travail, le certificat de son médecin traitant, le courrier du médecin du travail en date du 2 avril 2019, les comptes rendus et certificat du Dr [B], l'avis d'inaptitude du médecin du travail et la décision de prise en charge de sa pathologie au titre de la législation professionnelle ;
il a été suivi régulièrement auprès de la Clinipsy-psypro de [Localité 6] ;
les conditions de travail au sein du service commercial et d'une manière générale, au sein de la société étaient particulièrement pénibles voire pathogènes ;
il verse aux débats un mail adressé par M. [Ac] aux commerciaux, qu'il présente comme constituant « l'axe du mal » ;
le 8 février 2019, M. [Ac] lui a reproché de vouloir créer un putsh ;
il s'est plaint, dès le premier incident de janvier 2011, des propos tenus par M. [Ac] qui comparait les commerciaux à des « salopards » mais ce dernier a persisté dans un mode de management agressif et conflictuel ;
M. [Ac] lui a reproché la tenue portée lors des obsèques d'un collègue ;
ces conditions de travail laissent présumer l'existence de faits de harcèlement moral ou, à tout le moins, d'un manquement de la société à son obligation de sécurité.
La société répond que :
préalablement à la saisine du conseil de prud'hommes, le salarié n'a jamais évoqué un quelconque problème lié à sa charge de travail ou à tout autre problème lié à sa santé ou à son activité ;
le médecin du travail, lorsqu'il a reçu le salarié les 26 mars et 2 avril 2019, n'a prononcé aucun avis d'inaptitude et a seulement constaté que M. [Aa] [S] faisait état de conflit grave au travail et devait se faire arrêter pour prendre du recul ;
le médecin du travail, qui a réalisé une enquête à la suite de ces visites médicales, n'a émis aucune réserve sur les conditions de travail de M. [Aa] [S] ni fait état des difficultés quelconques ;
le compte rendu du Dr [B], psychiatre, du 14 mai 2019 est établi sur les seuls dires de M. [Aa] [S] ;
lors d'une réunion, destinée à créer une cohésion, qui s'est déroulée le jeudi 6 janvier 2011, M. [Ac], qui apprécie particulièrement le cinéma, a fait référence au film « les 12 Salopards » car l'équipe commerciale de l'époque se composait de 12 commerciaux ;
M. [Aa] [S] n'était pas présent à cette réunion car il était en arrêt de travail et il est difficile de croire qu'il ait pu être touché ou blessé par les paroles dAc M. [J] ;
le sms que M. [Ac] a adressé le 8 février 2019 à M. [Aa] [S] car celui-ci n'avait de cesse d'essayer d'influencer les autres membres de l'équipe sur des sujets personnels, relève du pouvoir de direction de l'employeur ;
la tenue de M. [Aa] [S] a été relevée par son employeur à bon escient, au mois de septembre 2015, ce qui est possible et relève du pouvoir de direction de l'employeur dès lors qu'un salarié est en lien direct et régulier avec la clientèle ;
le 27 avril 2019, le salarié a déclaré une maladie professionnelle, avec une date de constatation qu'il a fixé lui-même au 3 avril 2019 ;
l'arrêt maladie établi au titre de la maladie professionnelle est daté du 30 avril 2019 ;
par la suite les arrêts de travail ont été établis sur des formulaires « sans lien avec une maladie professionnelle » ;
les témoignages recueillis par le salarié entre le 16 et le 26 septembre 2019 ne permettent pas de caractériser des agissements à l'égard de M. [Aa] [S] ;
le salarié entretenait des relations conflictuelles avec ses supérieurs hiérarchiques et a eu, à de nombreuses reprises, un comportement inapproprié ;
elle a néanmoins toujours essayé d'être compréhensive et arrangeante.
***
Aux termes de l'
article L. 1152-1 du code du travail🏛, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'
article L. 1154-1 du code du travail🏛, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En application de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi précitée, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le salarié verse aux débats :
un mail qu'il a adressé à M. [Ac] le 24 janvier 2011, dont l'objet est « reprise » et qui est ainsi libellé « je tenais d'abord à vous souhaiter la bonne année et vous présenter mes meilleurs v'ux pour cette année 2011. J'ai suivi en arrière-plan pendant mon arrêt de travail les échanges de mail avec l'ensemble des commerciaux Ascom. J'ai été un peu choqué lors de votre communication sur laquelle vous compariez les commerciaux Ascom à des salopards. J'ai toujours été très sensible au respect mutuel entre les membres d'une entreprise et je ne me suis pas retrouvé dans cette image négative des commerciaux. Bonne réception. » ;
un photomontage sur lequel figure au centre une affiche du film « les 12 salopards », bordée des photographies des 12 acteurs du film puis de celle de 12 salariés de la société, chacun d'eux étant associé à l'un des acteurs tandis que M. [Ac] figure en photo, à côté de ce montage, sous la mention « sous les ordres du CommandaAct [O] [J] ».
Ce fait est établi et n'est pas contesté par la société.
Au mois de septembre 2015, le salarié et M. [Ac] ont échangé des mails à propos de la tenue portée par M. [S] lors des obsèques d'un collègue. M. [Ac] estime que M. [S] ne portait pas une tenue adaptée, ce dernier répond qu'il a la libre appréciation de sa tenue pendant ses RTT et M. [Ac] réplique qu'il représente la société, qu'il y avait un écart entre la tenue de ses collègues et la sienne et qu'il le « laisse y réfléchir ».
Il est établi que M. [Ac] a fait une remarque au salarié à propos de sa tenue lors d'obsèques d'un salarié de la société.
Le salarié verse aux débats un sms de M. [Ac], adressé à « JMS, BDJ et RRI, copie MDA et ERE » le 21 novembre 2018 ainsi libellé « en résumé, l'axe du mal, existant avant mon arrivée, renait de ses cendres. On s'éloigne franchement de la confrérie des anciens dans laquelle vous m'avez adoubé ! vos combats sont émotionnels et immatures. Votre débat sur le plan de commissions ou salaire sont nuls et non avenus- la preuve vous en a été apportée ! 30 ans chez Ascom pour finir comme ça avec des clients mécontents et donc des collègues en difficultés. Où placez-vous votre orgueil ou fierté ' quittez Ascom si c'est tellement compliqué d'être payé plus de 90 k avec une belle voiture, une carte essence, un mobile, un telepass, une box payée à la maison. L'Europe du Sud a de bons résultats'et votre action clivée n'a aucun impact. Je ne vous comprends pas. »
Il est établi que M. [Ac] a fait état de « l'axe du mal ».
Le salarié verse aux débats un sms reçu de [O] [Ac] le 8 février 2019 dont la teneur est « arrête d'appeler les autres pour créer ton putsch. Tu gagnes bien ta vie et bcp mieux depuis mon arrivée ; tu as une jolie voiture, tu as un pc et un mobile paye idem ta Box. Svp laisse [G] faire ton job !!! Respecte le !! ton attitude belliqueuse est nulle et non avenue, elle te nuit.
Tu peux donner ce sms à tes avocats'je serai ravi que les nôtres lui répondent ou que l'on se retrouve aux Prudhommes comme tu le sponsorises'à bon entendeur salut »
Il est établi que M. [Ac] a écrit au salarié d'arrêter de créer son putsch.
Le salarié verse aux débats les mails de M. [W], du 29 septembre 2019, qui fait état de conditions de travail difficiles et de son propre burn out, de M. [A], du 18 septembre 2019, faisant état de son burn out, de M. [Ad], du 16 septembre 2019, qui déplore la dégradation de « nos conditions de travail depuis l'arrivée de M. [Ac] à la tête de Ascom France. Se faire traiter de salopards dès la première réunion'et depuis il ne s'est pas passé une réunion sans se faire agresser verbalement, se faire insulter, etc'», de Mme [U], du 26 septembre 2019, « entrée chez Ascom le 26 juin 2017'L'ambiance malsaine qui régnait au sein de cette société, et le harcèlement permanent de la direction à vouloir sanctionner ou licencier des collaborateurs des différents services m'a été insupportable'La tension entre vous (les anciens commerciaux) et la direction (DG-RH) était bien évidement plus que présente ».
Ces collègues de M. [Aa] [S] font état de leur situation personnelle et pour le reste sont imprécis quant à la pénibilité des conditions de travail.
Par attestation du 14 février 2022, M. [X] [V], salarié de la société de mai 1995 à septembre 2018, témoigne quant à lui que « directeur des solutions sur mes trois dernières années'membre du comité de direction'j'ai pris la décision de démissionner en 2018 car l'ambiance au sein du siège et des collaborateurs distants était très pesante'en raison des actions initiées par M. [O] [Ac], directeur général. Lors des réunions de service, comité de direction, où les bouteilles d'alcool étaient en libre-service (') il était de mise d'écouter M. [Ac] valoriser sa personne ou ses actions en rabaissant les personnes de la société par des brimades ou actions ciblées.
Il était donc usuel d'entendre des moqueries sur ces collègues ou de se voir donner des missions où il fallait « mettre la pression » sur des personnes ciblées pour qu'elles soient en ligne avec les objectifs de la société. »
Ce témoin fait état des réunions du comité de direction, auxquelles il n'est pas soutenu que M. [Aa] [S] assistait et ne précise pas l'identité des « personnes ciblées ».
Par attestation du 13 février 2022, M. [F] [L], « gérant de la société Novalyo et l'un des plus gros partenaires commerciaux en France » témoigne que « Depuis l'arrivée en 2010 de M. [O] [Ac], à la direction générale d'Ascom, j'ai constaté que cette personne effectuait régulièrement du harcèlement moral et du dénigrement auprès de l'ensemble du personnel ASCOM mais également des partenaires dont nous faisions partie. Il nous mettait la pression toutes les fins de mois pour lui passer des commandes que nous n'avions pas afin d'atteindre ses objectifs. Plusieurs commerciaux ont été en arrêt : M. [W] [I], M. [IC] [H], M. [Y] [Z], Mme [M] [C], etc', le directeur financier'Il y a eu de nombreux départs négociés pour éviter que les gens parlent avec des clauses de confidentialité. M. [Ac] pratiquait une véritable politique de l'omertà ».
Il est observé que ce témoin n'a pas été salarié de la société Ascom et n'a donc pu constater personnellement des arrêts de travail des commerciaux ni des départs négociés avec clause de confidentialité.
Le caractère « pénible voire pathogène » des conditions de travail n'est pas établi.
Il ressort de l'examen des bulletins de paie du salarié que celui-ci a été arrêté pour maladie à compter du 3 avril 2019.
Le 30 avril 2019, un arrêt de travail initial a été établi par le Dr [D], au titre d'une maladie professionnelle dont il a mentionné que la date de la première constatation était le 3 avril 2019.
Le 15 mars 2019, ce même praticien avait établi un certificat médical dans lequel il attestait suivre M. [Aa] [S] pour diverses pathologies dont des troubles anxieux récurrents, avec recrudescence depuis un an.
Le 2 avril 2019, le médecin du travail avait rencontré le salarié à sa demande, pour des problèmes de conflits graves au travail et elle avait adressé un courrier au médecin traitant pour que celui-ci délivre des arrêts de travail, au moins jusqu'au 15 mai 2019.
Le 27 avril 2019, une déclaration de maladie professionnelle a été remplie par le salarié pour « burn out » et il ressort du courrier du 11 juillet 2019 de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône qu'elle a instruit cette demande au titre d'une maladie « hors tableau syndrome anxio dépressif-surmenage. »
Le 14 mai 2019, le Dr [B] a adressé au médecin du travail un courrier, dans lequel il indique que M. [Aa] [S] présente un syndrome psycho traumatique caractéristique et rapporte des conditions de travail qui peuvent expliquer la survenue de ce syndrome.
Enfin, après saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse a avisé l'employeur et le salarié, par courrier du 12 avril 2021, de la reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie « hors tableau ».
La dégradation de l'état de santé est établie.
Finalement, sont établis, outre la dégradation de l'état de santé du salarié, que M. [Ac] a comparé, en 2011, les commerciaux aux personnages du film « les douze salopards », a fait une remarque à M. [Aa] [S] quant à sa tenue lors d'obsèques, en 2015, a fait état du « retour de l'axe du mal » en 2018 et demandé au salarié « d'arrêter son putsch » en 2019.
Ces faits, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Toutefois, il n'est pas contesté par le salarié que celui-ci était en arrêt de travail lorsque M. [Ac] a comparé les commerciaux aux personnages du film « les douze salopards » et il ne fait pas de doute que les salariés n'ont pas été traités de « salopards » mais que le directeur général a employé une image maladroite pour définir l'action commerciale. En effet au-dessus de l'affiche figurent les mentions « 12 chiens de guerre dressés pour tuer- Attaquer le marché ' Pas de quartier' Massacrer le plus de concurrents possible' Prendre des places fortes ». Il ne s'agit donc pas d'un management agressif ou insultant. Au demeurant, le salarié a seulement écrit avoir été « un peu » choqué.
Ensuite, en 2015, même si le salarié était en RTT alors qu'il s'est rendu aux obsèques de l'un de ses collègues, l'échange de mail quant à sa tenue se clôt par une invitation faite par M. [Ac] au salarié à « réfléchir » et ne révèle pas un management agressif.
Enfin, les sms de M. [Ac] des 21 novembre 2018 et 8 février 2019 s'inscrivent dans un conflit, initié par le salarié, à propos de la rémunération variable, qu'illustrent les mails du salarié du 26 février 2018, du 11 mai 2018 puis ses courriers recommandés des 21 août 2018, 21 janvier 2019, 13 février 2019 de même que les mails de M. [G] [Ab] des 4, 8 et 20 février 2019.
Ainsi, il est établi que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
Aux termes de l'
article L. 4121-1 du code du travail🏛, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
L'obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs.
Les agissements que le salarié reproche à la société ne constituent pas un manquement à l'obligation de sécurité.
Ainsi, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral lié aux manquements à l'obligation de sécurité.
Sur la rupture du contrat de travail :
Sur la demande de résiliation du contrat de travail
Le salarié soutient que
la société a manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail, lui a imposé la modification de son contrat de travail sur un élément aussi essentiel que sa rémunération et ce nonobstant le refus, maintes fois réitéré ;
elle a manqué à son obligation de veiller à sa sécurité et à sa santé, ce manquement étant à l'origine de la dégradation de son état de santé.
La société objecte que :
le salarié a été débouté de sa demande de résiliation judiciaire introduire le 14 mars 2019 et dont les motifs n'ont aucun lien avec une maladie professionnelle ;
les juges doivent se placer au jour de la demande de résiliation pour apprécier si elle est justifiée au regard de l'existence ou non des manquements et de leur gravité.
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Lorsqu'un salarié demande au juge de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits, survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur. Si le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.
Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit.
En l'espèce, le salarié n'établit pas les manquements qu'il impute à l'employeur au soutien de sa demande en résiliation.
En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande.
Sur l'origine de l'inaptitude :
Sur la recevabilité des demandes :
La société fait valoir que :
le conseil de prud'hommes n'a été saisi d'aucune demande relative au licenciement ;
la déclaration d'appel ne fait pas mention du licenciement pour inaptitude ni de la reconnaissance d'une maladie professionnelle ;
les prétentions de M. [Aa] [S] relatives à la reconnaissance d'une maladie professionnelle et celles relatives à la rupture à la suite de son licenciement pour inaptitude constituent des prétentions nouvelles qui ne peuvent être soumises à la cour et doivent être déclarées irrecevables ;
il appartenait à M. [Aa] [S] de saisir à nouveau le conseil de prud'hommes pour contester son licenciement pour inaptitude, une telle prétention ayant pour fondement un événement né postérieurement à sa première saisine et après les plaidoiries ;
les causes d'interruption de la prescription sont limitées à la reconnaissance d'une dette par l'employeur ou à la saisine du conseil de prud'hommes ;
les prétentions liées au licenciement pour inaptitude sont nées après la première saisine du conseil de prud'hommes et après que l'instance devant le conseil de prud'hommes a pris fin ;
pour interrompre la prescription d'une demande liée à la rupture du contrat de travail, intervenue après le dessaisissement de la juridiction, il eut fallu saisir le conseil de prud'hommes de cette prétention, née le jour du licenciement, soit le 25 janvier 2021, dans le délai de 12 mois prévu à l'
article L. 1471-1 du code du travail🏛.
Le salarié objecte que :
les prétentions présentées pour la première fois en cause d'appel répondent aux exigences de l'article 564 du code de procédure civile
soit qu'elles tendent aux mêmes fins que les prétentions de première instance (demande d'indemnisation du fait du caractère abusif de la rupture du contrat de travail, que ladite rupture soit prononcée par la juridiction ou que la juridiction juge le licenciement postérieurement notifié abusif en raison de la violation, par la société ASCOM de son obligation de sécurité) ;
soit qu'elles découlent de fais postérieurs à l'audience du bureau de jugement ;
il a saisi le conseil de prud'hommes le 13 mars 2019, de demandes liées à l'exécution du contrat de travail et à sa rupture, ce qui a interrompu la prescription ;
l'effet interruptif attaché aux demandes initiales doit être étendu à toutes les demandes tendant aux mêmes fins ;
il a nécessairement interrompu le cours des prescriptions le 14 février 2022, lorsqu'il a saisi la cour des demandes objet du litige.
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Selon l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
M. [S], qui a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, en reprochant à l'employeur la modification de sa rémunération et un manquement à l'obligation de sécurité, et en demandant la condamnation de la société Ascom France au paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement, sollicite que la cour statue sur l'origine de l'inaptitude prononcée par le médecin du travail et sur l'indemnité spéciale de licenciement.
L'avis d'inaptitude et le licenciement pour inaptitude sont postérieurs à la clôture des débats devant le conseil de prud'hommes.
En demandant à la cour de se prononcer sur l'inaptitude, M. [Aa] [S] demande de faire juger une question née de la survenance d'un fait tandis que la demande en paiement de l'indemnité spéciale de licenciement tend aux mêmes fins que la demande en paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
Le moyen tiré de l'irrecevabilité pour des demandes en raison de leur nouveauté n'est pas fondé.
En application de l'article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
Il résulte de l'
article 2241 du code civil🏛 que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.
En l'espèce, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Licencié pour inaptitude le 25 janvier 2021, il conteste désormais le bien-fondé de son licenciement, et a émis des prétentions de même nature sans être tenu de le faire par des conclusions antérieures au 25 janvier 2022.
Les deux actions tendant aux mêmes fins, la réparation des conséquences de la rupture du contrat de travail que le salarié estime imputable à l'employeur, la prescription de la demande additionnelle a été interrompue par la demande originaire.
Le moyen tiré de la prescription est rejeté.
Sur la demande d'indemnité spéciale, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents :
Le salarié soutient que :
au moment du licenciement, la société ne pouvait ignorer que son inaptitude pouvait avoir un lien avec les conditions de travail puisqu'il avait attiré l'attention de son employeur sur celles-ci et entrepris une démarche de déclaration de maladie professionnelle ;
elle aurait dû lui faire bénéficier des dispositions légales protectrices des salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ;
La société répond que :
aux termes de l'avis établi le 5 janvier 2021, l'inaptitude, telle que constatée par le médecin du travail, n'a pas, même partiellement, une origine professionnelle ;
le médecin du travail n'a pas remis à M. [Aa] [S] le formulaire prévu à l'
article D. 433-3 du code de la sécurité sociale🏛, faisant mention d'un lien susceptible d'être établi entre l'inaptitude et la maladie professionnelle ;
c'est postérieurement au licenciement que la caisse primaire d'assurance maladie l'a informée d'une décision de reconnaissance de la maladie professionnelle se substituant à sa précédente décision de refus ;
elle a contesté, par lettre du 8 juin 2021, la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle notifiée par la caisse primaire d'assurance maladie le 12 avril 2021.
Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
L'application de l'
article L. 1226-10 du code du travail🏛 n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude.
Pour licencier le salarié pour inaptitude d'origine non professionnelle, l'employeur a indiqué :
« A compter du mois d'avril 2019, vous avez été arrêté pour maladie. Des arrêts de travail vous ont été prescrits depuis, sans lien avec une maladie professionnelle. Vous avez été déclaré inapte à occuper votre emploi par le médecin du travail à l'issue de la visite médicale de reprise du 16 décembre 2020, aux termes d'un avis d'inaptitude établi le 5 janvier 2021.
C'est dans ces conditions que nous vous avons convoqué le 8 janvier 2021 à un entretien préalable fixé à 14 heures le 21 janvier dernier et qui s'est tenu par visioconférence. L'entretien a été conduit par notre Responsable des Ressources Humaines, Madame [T] [R] et vous étiez assisté de Monsieur [Ad], salarié de la société ASCOM.
Nous vous avons fait part des motifs ayant conduit à la procédure de licenciement et avons recueilli vos observations.
Nous vous informons que nous sommes contraints de prononcer votre licenciement pour inaptitude en raison de l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail le 5 janvier 2021, précisant que votre état de santé fait obstacle a tout reclassement clans un emploi (
Art. R4624-42 Code du travail🏛).
Cette mention, figurant sur l'avis d'inaptitude, nous conduit à rompre votre contrat de travail, sans avoir à rechercher un poste en reclassement en application de l'
article L. 1226-2-1 du Code du travail🏛Nous vous précisons que votre contrat de travail prend fin à la date d'envoi de la présente lettre, soit le 25 janvier 2021. De ce fait, vous n'effectuerez pas de préavis et ne percevrez pas d'indemnité compensatrice à ce titre. ['] »
Le salarié a été placé en arrêt de travail, prescrit par son médecin traitant, le 30 avril 2019, jusqu'au 24 mai 2019, au titre de la législation professionnelle.
La maladie professionnelle déclarée était un « burn out » et l'employeur a été avisé par la caisse primaire d'assurance maladie que l'affection dont été atteint le salarié était un syndrome anxio dépressif et un surmenage.
Le salarié verse aux débats la copie du volet destiné à l'employeur de deux arrêts de prolongation, prescrits par le Dr [B], psychiatre, l'un le 14 mai 2019, jusqu'au 30 juin 2019, l'autre, le 18 juin 2019, jusqu'au 29 septembre 2019, au titre de la maladie.
L'employeur verse aux débats les arrêts de travail de prolongation, prescrits par le Dr [B], le 10 septembre 2020, jusqu'au 27 décembre 2020, puis le 15 décembre 2020, jusqu'au 31 mars 2021, au titre de la maladie.
Le salarié a été en arrêt de travail sans discontinuer depuis l'arrêt de travail initial, prescrit au titre de la législation professionnelle.
Le 16 novembre 2020, le Dr [B] a établi un certificat dans lequel il indique que l'état de santé de son patient présente encore d'importantes fluctuations et qu'à certains moments, il se sent débordé « par des affects colériques qui semblent en lien direct avec ce qu'il a ressenti dans son exercice professionnel quand son employeur a voulu lui imposer un nouveau contrat défavorable ».
Il en ressort que l'affection initiale pour laquelle le salarié a été arrêté était toujours en cours à cette date.
Le 5 janvier 2021, le médecin du travail l'a déclaré inapte au poste en précisant « contre-indication à la reprise au poste de directeur régional dans l'entreprise. Inapte au poste. Etude de poste et échange sur les conditions de travail réalisée le 16 décembre 2020. Mise à jour de la fiche entreprise non communiquée. L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. ».
Même s'il est constant que le médecin du travail n'a pas remis au salarié le formulaire de demande prévu à l'article D. 433-3 du code de la sécurité sociale et n'a donc pas considéré que l'inaptitude était susceptible d'être en lien avec un accident ou une maladie d'origine professionnelle, l'obstacle à tout reclassement dans un emploi objective ce lien qui ne pouvait échapper à l'employeur, au regard de l'arrêt de travail initial et de sa cause.
L'employeur avait connaissance que la demande de reconnaissance de maladie professionnelle était toujours en cours au moment du licenciement ; le salarié lui l'a rappelé lorsqu'il a demandé que son entretien préalable ait lieu en visioconférence.
En conséquence, la Cour dit que l'inaptitude trouve son origine dans la maladie professionnelle déclarée par le salarié.
En vertu de l'
article L. 1226-14 du code du travail🏛, en cas de licenciement pour inaptitude générée par une maladie professionnelle ou un accident du travail, le salarié a droit, d'une part, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5, d'autre part, à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables non invoquées, est égale au double de l'indemnité légale de licenciement.
La société ayant versé au salarié une indemnité légale de licenciement, ce dernier est en droit de réclamer la condamnation au paiement de la somme de 82 272 euros au titre du solde d'indemnité spéciale de licenciement.
Au titre de l'indemnité égale à l'indemnité compensatrice de préavis, la société est condamnée au paiement de la somme de 26 176,75 euros. Cette indemnité n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés afférents. En conséquence, le salarié n'est pas fondé à solliciter la condamnation de la société au paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés afférents.
Sur la remise des documents de fin de contrat
En l'absence de disposition qui justifierait la remise d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi rectifiés, cette demande sera déclarée sans objet.
Il y a lieu d'ordonner à la société Ascom France de remettre à M. [Aa] [S] un bulletin de paie conforme aux dispositions du présent arrêt, et ce dans un délai d'un mois à compter de sa signification.
Aucune circonstance ne justifie que cette décision soit assortie d'une astreinte.
Sur la demande d'intérêts au taux légal et de capitalisation des intérêts
Les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature salariale courent à compter de la notification de la demande soit les conclusions devant la cour, le 28 juillet 2021, s'agissant de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis et le 9 juillet 2021, date du courrier officiel de l'avocat du salarié à celle de la société.
Les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'
article 1343-2 du code civil🏛.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront confirmées.
La société Ascom France, qui succombe partiellement en appel, sera condamnée aux dépens d'appel.
Il est équitable de condamner la société Ascom France à payer à M. [Aa] [S], au titre des frais non compris dans les dépens, la somme de 2 000 euros , sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel.