Jurisprudence : CE 1 ch., 19-09-2024, n° 491864

CE 1 ch., 19-09-2024, n° 491864

A143053D

Référence

CE 1 ch., 19-09-2024, n° 491864. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/111603546-ce-1-ch-19092024-n-491864
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Abstract

► Une dépense correspondant aux frais de flocage d'un véhicule de campagne est irrégulière et doit être retranchée du montant de remboursement forfaitaire.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 491864⚖️


Séance du 12 septembre 2024

Lecture du 19 septembre 2024

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 1ère chambre jugeant seule)


Vu la procédure suivante :

M. A B a demandé au tribunal administratif de Paris de réformer la décision du 9 décembre 2021 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé, après réformation, le compte de campagne déposé au titre de l'élection des conseillers régionaux des 20 et 27 juin 2021 dans la circonscription du Grand Est pour réintégrer la somme de 54 457 euros dans le calcul du remboursement forfaitaire dû par l'Etat, et de fixer le montant de ce remboursement à la somme de 901 411 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement avec capitalisation. Par un jugement n° 2202453 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Paris⚖️ a fixé le montant du remboursement dû par l'Etat à M. B en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral🏛 à la somme de 873 896 euros, réformé la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en ce qu'elle avait de contraire et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B.

Par un arrêt n° 23PA03381 du 22 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Paris⚖️ a, sur appel de M. B, modifié son compte de campagne, fixé le montant du remboursement qui lui est dû par l'Etat à la somme de 901 411 euros et réformé le jugement du 29 juin 2023 en ce qu'il avait de contraire.

Par un pourvoi, enregistré le 16 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de fixer à 888 531 euros le montant du remboursement dû par l'Etat à M. B en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 9 décembre 2021, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé après réformation le compte de campagne déposé par M. B, candidat tête de liste dans la région Grand Est à l'élection des conseillers régionaux qui s'est déroulée les 20 et 27 juin 2021, en arrêtant le montant du remboursement dû par l'Etat, en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral, à 846 954 euros. Par un jugement du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a fixé ce montant à 873 896 euros. Par un arrêt du 22 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a porté ce montant à 901 411 euros. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques demande l'annulation de cet arrêt.

2. D'une part, l'article L. 52-4 du code électoral🏛 prévoit que : " Tout candidat à une élection déclare un mandataire (). / Le mandataire recueille, pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne. / Il règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures au tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. () ". L'article L. 52-12 du code électoral🏛 dispose que : " I.- Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 et selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts🏛. / Pour la période mentionnée à l'article L. 52-4 du présent code, le compte de campagne retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection par le candidat ou le candidat tête de liste ou pour son compte, à l'exclusion des dépenses de la campagne officielle. () "

3. D'autre part, l'article L. 52-11-1 du code électoral prévoit que : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'Etat égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne. () " Aux termes de l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. () / Le remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans le compte de campagne, quand la loi le prévoit, n'est possible qu'après l'approbation du compte de campagne par la commission. () ". Il appartient au juge de se prononcer sur le droit au remboursement du candidat et de réformer le cas échéant son compte de campagne, en arrêtant le montant du remboursement auquel le candidat peut prétendre de la part de l'Etat.

4. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral que les dépenses qui n'ont pas été engagées pour une élection n'ont pas à figurer dans le compte de campagne et, en cas d'inscription dans ce compte, doivent en être retranchées. En revanche, les dépenses engagées en vue d'une élection doivent figurer dans le compte de campagne mais, si elles sont irrégulières, doivent être retranchées du montant de remboursement forfaitaire calculé au préalable conformément à l'article L. 52-11-1 du code électoral.

5. Enfin, aux termes de l'article L. 51 du code électoral🏛 : " Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l'autorité municipale pour l'apposition des affiches électorales. / Dans chacun de ces emplacements, une surface égale est attribuée à chaque candidat, chaque binôme de candidats ou à chaque liste de candidats. / Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l'élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l'emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu'en dehors des panneaux d'affichage d'expression libre lorsqu'il en existe. / En cas d'affichage électoral apposé en dehors des emplacements prévus au présent article, le maire ou, à défaut, le préfet peut, après une mise en demeure du ou des candidats en cause, procéder à la dépose d'office des affiches ".

6. Par l'arrêt contesté, la cour administrative d'appel de Paris a considéré que la dépense de 12 880 euros correspondant aux frais de flocage d'un véhicule de campagne de M. B constituait une dépense électorale qui était irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 51 du code électoral. Il s'ensuit qu'en ne retranchant pas cette somme, qui figurait comme elle le devait dans le compte de campagne, du montant du remboursement dû par l'Etat obtenu par application des dispositions de l'article L. 52-11-1 du code électoral, la cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative🏛.

9. Il résulte de l'instruction que M. B a exposé des dépenses d'un montant de 12 880 euros correspondant aux frais de flocage d'un bus ayant circulé pendant la période précédant les élections régionales dans toute la circonscription en étant revêtu de sa photographie et de celle de la présidente de son parti politique ainsi que d'un slogan, ce qui constitue un affichage électoral apposé en dehors des emplacements autorisés à cette fin, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 51 du code électoral. Il s'ensuit que la somme de 12 880 euros constitue une dépenses électorale irrégulière.

10. Compte tenu de la réintégration non contestée de dépenses à hauteur de 41 577 euros à laquelle le tribunal administratif a procédé et dès lors que, lorsqu'il décide de réformer la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour réintégrer des sommes qui ont été retranchées des dépenses comptabilisées dans le compte de campagne du candidat, le juge doit également procéder à la réintégration des sommes que la commission a, au même titre, retranchées des recettes et de l'apport personnel du candidat, M. B est fondé à demander que son compte de campagne soit établi aux sommes de 903 357 euros en dépenses et 930 299 euros en recettes, dont 928 353 euros d'apport personnel. M. B, dont la liste a obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés et qui a déposé son compte de campagne dans le délai légal, a dès lors droit, en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral, à un remboursement forfaitaire d'un montant égal à 47,5 % du plafond légal des dépenses, soit 926 217 euros, le remboursement ne pouvant toutefois excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel du candidat et retracées dans son compte de campagne. Les dépenses de M. B réglées sur son apport personnel, diminuées de l'excédent du compte, se sont élevées à 901 411 euros. Il y a ensuite lieu, conformément à ce qui a été indiqué au point 6, de retrancher de ce montant la somme de 12 880 euros. Il s'ensuit que le montant du remboursement forfaitaire de l'Etat auquel M. B a droit doit être fixé à 888 531 euros. Ce dernier est dès lors fondé à demander que le jugement du 29 juin 2023 soit réformé dans cette mesure.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 22 décembre 2023 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : Le compte de campagne de M. B, déposé au titre de l'élection des conseillers régionaux des 20 et 27 juin 2021 dans la région Grand Est, est modifié conformément au point 10 de la présente décision.

Article 3 : Le montant du remboursement dû par l'Etat à M. B en application de l'article L. 52-1-1 du code électoral est fixé à la somme de 888 531 euros.

Article 4 : Le jugement du 29 juin 2023 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2 et 3 de la présente décision.

Article 5 : Les conclusions présentées par M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à M. A B.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 septembre 2024 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 19 septembre 2024.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur :

Signé : M. Cyril Noël

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber

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