Jurisprudence : TA La Réunion, du 12-09-2024, n° 2200103

TA La Réunion, du 12-09-2024, n° 2200103

A017153Q

Référence

TA La Réunion, du 12-09-2024, n° 2200103. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/111602198-ta-la-reunion-du-12092024-n-2200103
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Références

Tribunal Administratif de La Réunion

N° 2200103

1ère chambre
lecture du 12 septembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2022, M. B A, représenté par Me Dodat, demande au tribunal :

1°) de condamner le recteur de l'académie de La Réunion à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'inertie fautive de l'administration à mettre en place les préconisations du service de médecine préventive et de la méconnaissance de ses droits au cours de l'entretien professionnel annuel ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Il soutient que :

- l'administration a commis une faute en ne respectant pas les recommandations du service de médecine préventive émises en juin 2021, consistant en un aménagement de poste ;

- l'administration a pris du retard dans la mise en place d'un accompagnant des personnels en situation de handicap (APSH) ;

- ses droits relatifs à l'entretien professionnel annuel ont été méconnus du fait de l'absence d'organisation de son entretien professionnel 2021 en présentiel, par la privation d'évaluation en 2020 et en 2021 et par l'avis défavorable prononcé sur sa promotion par liste d'aptitude en 2021 qui lui a été notifié sans qu'il soit entendu dans le cadre d'un dialogue, ni qu'il soit en mesure de présenter ses observations et qui n'était motivé ni en fait ni en droit ;

- il a subi un préjudice de carrière et un préjudice moral évalués à 30 000 euros.

Par un mémoire et des pièces complémentaires enregistrés le 24 mars 2023, le recteur de l'académie de La Réunion conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lebon,

- les conclusions de M. Felsenheld , rapporteur public,

- et les observations de Me Dodat, représentant M. B A.

Considérant ce qui suit :

1. M. B A, adjoint administratif principal de 2ème classe, a été affecté au collège Titan du 1er septembre 2017 jusqu'au 31 août 2022. Porteur de handicap, il a fait l'objet de recommandations du service de médecine préventive pour l'année scolaire 2020/2021 dans le contexte de la crise sanitaire liée au covid19. Dans le présent litige, M. A a, par un courrier du 30 septembre 2022, présenté au recteur de l'académie de La Réunion une demande indemnitaire visant à l'indemniser des préjudices subis du fait de plusieurs fautes commises lors son affectation au collège Titan du Port. Par la présente requête, M. A demande au tribunal de condamner le recteur de l'académie de La Réunion à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral et du préjudice de carrière résultant desdites fautes.

2. Aux termes de l'article L. 131-8 du code général de la fonction publique : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des personnes en situation de handicap, les employeurs publics mentionnés à l'article L. 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux personnes relevant de l'une des catégories mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail🏛 d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de développer un parcours professionnel et d'accéder à des fonctions de niveau supérieur ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée tout au long de leur vie professionnelle. Ces mesures incluent notamment l'aménagement, l'accès et l'usage de tous les outils numériques concourant à l'accomplissement de la mission des agents, notamment les logiciels métiers et de bureautique ainsi que les appareils mobiles. Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve que les charges consécutives à la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, compte tenu notamment des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées par les employeurs à ce titre ".

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que M. A est reconnu travailleur porteur de handicap, identifié comme personne vulnérable, notamment dans le contexte de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19. Il en a résulté une recommandation du service médecine de prévention du 15 juin 2021 préconisant un aménagement de poste ou de service pour l'année scolaire 2020/2021, sous la forme d'un télétravail de 3 jours par semaine et d'un rapprochement domicile/travail. D'une part, si M. A fait valoir que l'administration a commis une carence fautive en ne respectant pas ces recommandations, il résulte de l'instruction que M. A ne fournit à l'appui de ses allégations qu'une attestation établie par une représentante des personnels au collège Titan du Port, fondée principalement sur les déclarations de l'intéressé et qui évoque une intervention auprès de la principale du collège pour faire respecter les préconisations du médecin de prévention concernant les mesures à prendre dans le cadre de la crise sanitaire. Elle expose que certaines mesures n'ont pas été appliquées, comme la mise en place d'une plateforme informatique, alors que cette mesure ne fait pas partie des préconisations mentionnées dans la recommandation du 15 juin 2021 produite au dossier. D'autre part, si des adaptations ont été préconisées, celles-ci étaient recommandées " en fonction des nécessités du service appréciées par le chef d'établissement qui en a connaissance ". En outre, il résulte de l'instruction et notamment des pièces fournies par l'administration que M. A a bénéficié pendant l'année scolaire 2020/2021 des congés de maladie ordinaire ponctuels du 9 au 11 septembre 2020, du 3 au 9 octobre 2020, du 2 au 18 novembre 2020, et enfin du 16 au 18 décembre 2020. Il a ensuite été placé en congé de longue maladie du 18 janvier au 17 avril 2021 et de nouveau en congé maladie ordinaire du 1er mai au 10 juin 2021. Il a bénéficié d'une autorisation spéciale d'absence en raison de la crise sanitaire, du 11 juin au 17 juillet 2021. Par ailleurs, M. A a bénéficié d'un temps partiel thérapeutique à la quotité de 50% du 18 avril au 17 juillet 2021. Dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que la préconisation des 3 jours de télétravail n'a pas été respectée, dès lors qu'il a bénéficié d'autorisations spéciales d'absences, la circonstance que les tâches qui lui ont été confiées ont été " quasi-inexistantes ", compte tenu du peu de jours consécutifs passés à son poste n'étant par ailleurs en tout état de cause pas constitutive d'une faute commise par l'administration.

4. En deuxième lieu, s'il dénonce un retard fautif dans la mise en place d'un accompagnant des personnels en situation de handicap (APSH) qui a été mis en place le 1er février 2018, en se bornant à faire état d'un délai de 4 mois après sa prise de poste sans donner de précisions concernant les conséquences fautives d'un tel délai sur sa situation professionnelle en raison de son handicap, un tel délai, compte tenu des contraintes de budget, d'effectif et de recrutement, ainsi que de la prise de poste effective de M. A à partir du 9 octobre 2017 et de ses congés maladie d'octobre, de novembre et de décembre, mentionnés au point précédent, n'est pas excessif et ne peut être regardé comme fautif.

5. En troisième lieu, s'il soutient qu'il a subi les conséquences d'une panne de l'ascenseur lui permettant d'accéder à son poste de travail, M. A n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L 521-1 du code général de la fonction publique : " L'appréciation de la valeur professionnelle d'un fonctionnaire se fonde sur une évaluation individuelle donnant lieu à un compte rendu qui lui est communiqué ".

7. M. A fait valoir que l'administration a commis une faute en méconnaissant ses droits lors de l'entretien professionnel. D'une part, le requérant soutient que c'est à tort que la principale du collège Titan l'a convoqué par courrier du 14 juin 2021 à son entretien annuel en visioconférence, " n'étant pas absent à cette période ", et n'ayant pas donné son accord sur cette modalité d'entretien, ainsi que le prévoit pourtant la circulaire académique du 2 avril 2021 relative à l'entretien professionnel, à la liste d'aptitude et au tableau d'avancement concernant les AAE, SAENES, ADJENES, ATEC, INFENES et ASS selon laquelle " Le supérieur hiérarchique direct a l'obligation de conduire l'entretien professionnel de chaque agent au titre de chaque année scolaire. L'entretien professionnel est un droit pour chaque agent. L'évaluation individuelle dans le cadre du nouveau dispositif sert de fondement à l'administration en matière d'avancement de grade et de promotion de corps " et qu'" il est nécessaire d'utiliser tous les moyens de communication, y compris par téléphone sous réserve de l'accords des agents, pour permettre aux agents momentanément absents d'être évalués () ".

8. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. A s'est plaint de ne pas pouvoir bénéficier de " visio-conférence d'évaluation " dans l'attestation de la représentante des personnels du collège du 20 juillet 2021, qu'il produit lui-même au dossier. En outre, à la date à laquelle l'entretien devait se dérouler, le 30 juin 2021, M. A bénéficiait d'une autorisation spéciale d'absence pendant la période de la crise sanitaire, en raison de sa vulnérabilité. L'administration produit d'ailleurs un certificat médical du 11 juin 2021 mentionnant que M. A devait respecter une consigne d'isolement qui impliquait qu'il ne pouvait se rendre sur son lieu de travail jusqu'à la fin de l'année scolaire. Par conséquent, l'administration n'a pas commis de faute en se conformant aux consignes d'isolement et en convoquant M. A à un entretien en visio-conférence. Celui-ci ne saurait donc se prévaloir d'une atteinte aux dispositions de la circulaire, qui ne présente, en tout état de cause, aucun caractère impératif.

9. D'autre part, le requérant soutient qu'il a été privé d'évaluation en 2020 et en 2021, et que l'avis défavorable prononcé sur sa promotion par liste d'aptitude en 2021 lui a été notifié sans qu'il soit entendu dans le cadre d'un dialogue, ni qu'il soit en mesure de présenter ses observations. Il ajoute que cet avis défavorable n'est motivé ni en droit, ni en fait. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'évaluation de 2020 a bien eu lieu, ainsi que le montre le compte rendu professionnel au titre de l'année 2019/2020 à la suite d'un entretien professionnel et si l'évaluation de 2021 n'a pas pu être réalisée, c'est en raison du refus de l'entretien par le requérant, selon les modalités expliquées au point précédent. Si M. A n'a pas été en mesure de présenter ses observations, il n'a pas à le faire pour le dossier de liste d'aptitude, l'avis défavorable étant fondé sur une appréciation de la principale. N'étant pas une décision, cet avis n'avait pas à être motivé. Enfin, si le requérant dénonce l'incohérence entre l'avis de 2021 et l'avis de 2019, dès lors que ce dernier est plus favorable, les évaluations annuelles sont susceptibles de varier en fonction des circonstances et il résulte de l'instruction que pour l'année 2021, l'avis du supérieur hiérarchique est fondé sur le fait que " M. A doit asseoir ses compétences dans le poste qu'il occupe " à l'issue d'une période où ses absences justifiées ne lui ont pas permis de démontrer sa valeur professionnelle. Par suite, l'administration n'a pas commis de faute dans l'appréciation des mérites professionnels de l'agent.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat à raison de fautes commises dans la mise en place des préconisations du service de médecine préventive et du fait de la méconnaissance de ses droits au cours de l'entretien professionnel annuel. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative seront également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au recteur de l'académie de La Réunion.

Copie en sera adressée au collège Titan du Port.

Délibéré après l'audience du 29 août 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Khater, présidente,

M. Le Merlus, conseiller,

Mme Lebon, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2024 .

Le rapporteur,

L. LEBON

La présidente,

A. KHATER

Le greffier,

E. POINAMBALOM

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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