Jurisprudence : Cass. soc., 18-09-2024, n° 22-22.782, F-B, Cassation

Cass. soc., 18-09-2024, n° 22-22.782, F-B, Cassation

A97395ZQ

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2024:SO00888

Identifiant Legifrance : JURITEXT000050290393

Référence

Cass. soc., 18-09-2024, n° 22-22.782, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/111590487-cass-soc-18092024-n-2222782-fb-cassation
Copier

Abstract

Lorsqu'un accident du travail ou une maladie professionnelle a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie par une décision non remise en cause, cette décision s'impose au juge prud'homal auquel il revient, en application des dispositions des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail, de se prononcer sur le lien de causalité entre cet accident ou cette maladie et l'inaptitude et sur la connaissance par l'employeur de l'origine professionnelle de l'accident ou de la maladie


SOC.

ZB1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 septembre 2024


Cassation


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 888 F-B

Pourvoi n° T 22-22.782


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 SEPTEMBRE 2024


M. [K] [J], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-22.782 contre l'arrêt rendu le 31 août 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Etudes et réalisations de tuyauteries industrielles, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [J], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Etudes et réalisations de tuyauteries industrielles, après débats en l'audience publique du 2 juillet 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 août 2022) et les productions, M. [Aa] a été engagé en qualité de tuyauteur le 3 novembre 2003 par la société Etudes et réalisations de tuyauteries industrielles (la société ERTI).

2. Le 7 novembre 2017, il a été victime d'un accident, reconnu comme un accident du travail par la caisse primaire d'assurance maladie. Il a été placé en arrêt de travail du 7 novembre 2017 au 19 février 2018.

3. Déclaré inapte à son poste le 20 février 2018, le salarié a été licencié le 4 mai 2018, après autorisation de l'inspecteur du travail, pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement.

4. Il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.


Examen des moyens

Sur le second moyen

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'établit pas que son inaptitude est d'origine professionnelle et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « que si le juge prud'homal, appelé à statuer sur le droit du salarié à percevoir les indemnités prévues par l'article L. 1226-14 du code du travail🏛, doit vérifier que l'inaptitude du salarié a, au moins partiellement, pour origine l'accident du travail dont se prévaut le salarié, et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement, il n'a en revanche pas compétence pour remettre en cause l'existence même de l'accident du travail qui été reconnu par la caisse d'assurance maladie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé qu' il appartient au salarié de rapporter la preuve de l'accident du travail, la juridiction prud'homale appréciant son existence de manière autonome, indépendamment de la juridiction de sécurité sociale et de la CPAM", que faute de témoin direct et de constatations matérielles, un doute existe sur l'existence de l'accident du travail et celui-ci ne sera pas reconnu par la cour", et que par suite, l'inaptitude d'origine professionnelle sera pareillement écartée" ; qu'en statuant ainsi quand dès lors que l'accident du travail dont avait été victime M. [J] le 7 novembre 2017 avait été reconnu par la caisse d'assurance maladie, le juge prud'homal pouvait seulement vérifier s'il existait un lien entre l'inaptitude du salarié prononcée le 20 février 2018 et l'accident du 7 novembre 2017 et si l'employeur avait connaissance de ce lien au moment du licenciement, sans pouvoir remettre en cause l'existence même de l'accident du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-10 et L. 1226-14 du code du travail🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-14 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016🏛 :

7. Il résulte de ces textes que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

8. Lorsqu'un accident du travail ou une maladie professionnelle a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie par une décision non remise en cause, cette décision s'impose au juge prud'homal auquel il revient alors de se prononcer sur le lien de causalité entre cet accident ou cette maladie et l'inaptitude et sur la connaissance par l'employeur de l'origine professionnelle de l'accident ou de la maladie.

9. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt retient que ce dernier n'apporte aucun témoignage ni aucun document médical permettant d'accréditer la thèse d'une lésion brutale et soudaine, que faute de témoin direct et de constatations matérielles, un doute existe sur la réalité de l'accident du travail qui ne sera pas reconnu.

10. En statuant ainsi, alors que la caisse primaire d'assurance maladie avait reconnu l'existence d'un accident du travail survenu le 7 novembre 2017, dont se prévalait le salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés.



PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 août 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Etudes et réalisations de tuyauteries industrielles aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Etudes et réalisations de tuyauteries industrielles et la condamne à payer à M. [Aa] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.

Agir sur cette sélection :