Cour administrative d'appel de Douai
Statuant au contentieux
N° 98DA01709
2e chambre
Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
SA Facon
Mme Tandonnet-Turot, Rapporteur
M Mulsant, Commissaire du gouvernement
Lecture du 26 Juillet 2001
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'ordonnance en date du 30 août 1999 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n° 99-435 du 28 mai 1999 portant création d'une cour administrative d'appel à Douai et modifiant les articles R 5, R 7 et R 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables, transmis à la cour administrative d'appel de Douai le recours présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Vu ledit recours, enregistré le 5 août 1998 au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy, par lequel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n° 94-01675 en date du 31 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a déchargé la société anonyme Facon de la participation des employeurs à l'effort de construction au titre de l'année 1983 pour un montant de 226 814 francs ;
2 ) de rétablir la société Facon pour l'année 1983 au rôle de la participation des employeurs à l'effort de construction à concurrence du montant dégrevé en première instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le décret n° 99-435 du 28 mai 1999 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juillet 2001
- le rapport de Mme Tandonnet-Turot, premier conseiller,
- et les conclusions de M Mulsant, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 313-1 du code de la construction et de l'habitation : "Les employeurs, occupant au minimum 10 salariés, doivent consacrer au financement d'acquisition et d'aménagement de terrains destinés exclusivement à la construction de logements sociaux, de construction de logements, d'acquisition, d'aménagement ou de remise en état de logements anciens des sommes représentant à compter du 1 er janvier 1992, 0,45 % au moins du montant, entendu au sens de l'article 231 du code général des impôts, des salaires payés par eux au cours de l'exercice écoulé" ; qu'aux termes de l'article L 313-4 du code de la construction et de l'habitation repris à l'article 235 bis du code général des impôts : "Les employeurs qui, au 31 décembre de l'année suivant celle du paiement des salaires, n'ont pas procédé, dans les conditions fixées par décret en conseil d'Etat, aux investissements prévus à l'article L 313-1 du code de la construction et de l'habitation sont, dans la mesure où ils n'ont pas procédé à ces investissements, assujettis à une cotisation de 2 % calculée sur le montant des salaires " ; et qu'aux termes de l'article R 313-7 du code de la construction et de l'habitation : "Seules les sommes effectivement versées par les employeurs sont libératoires de leur obligation" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 14 avril 1994, la société Facon a déposé, au titre de l'année 1993, la déclaration prévue par les dispositions de l'article 161 de l'annexe II au code général des impôts relative à la cotisation perçue au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction ; que cette déclaration, qui faisait apparaître une assiette de 14 633 094 francs, ne mentionnait aucun versement libératoire ; que, par suite, conformément aux dispositions de l'article 235 bis précité du code général des impôts, le service a assujetti la société à la cotisation de 2 % applicable aux employeurs qui n'ont pas procédé aux investissements prévus à l'article L 131-1 du code de la construction et de l'habitation ; que cette décision, par laquelle le service se bornait à tirer les conséquences de l'option exercée par la société entre les deux possibilités que lui ouvraient les dispositions précitées consistant soit en la réalisation d'investissements soit en le versement d'une cotisation et à appliquer strictement à la situation de fait du contribuable les règles fixées par le code général des impôts sans aucune appréciation de sa part, ne peut être regardée comme présentant le caractère d'une sanction fiscale ; que le ministre est, dès lors, fondé à soutenir qu'en qualifiant cette cotisation de sanction et en en prononçant le dégrèvement en raison de son absence de motivation au sens de la loi du 11 juillet 1979, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le motif susanalysé pour accorder à la SA Facon la décharge sollicitée ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SA Facon devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Considérant qu'en établissant la cotisation en cause sur la base déclarée par la société Facon elle-même, l'administration n'a procédé à l'encontre de celle-ci à aucun redressement qui l'ait obligée à suivre la procédure contradictoire prévue par l'article L 55 du livre des procédures fiscales ; que le moyen tiré par la société de ce qu'en mettant directement en recouvrement la cotisation en cause, l'administration a commis une irrégularité de procédure doit ainsi être écarté ; qu'il en est de même du moyen tiré de ce que l'administration n'a pas respecté le principe du contradictoire prévu par les dispositions de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme en cas d'accusation d'infraction et d'application d'amendes ou de pénalités fiscales dès lors qu'en l'espèce l'administration n'a relevé aucune infraction à l'encontre de la société et ne lui a appliqué aucune amende ou pénalité fiscale ; que la société ne saurait, en tout état de cause, utilement invoquer l'interprétation contenue dans une circulaire du 13 mars 1954 tant sur le fondement de l'article L 80-A du livre des procédures fiscales dès lors que la cotisation en cause ne résulte pas d'un rehaussement que sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 dès lors que cette circulaire, qui ajoute aux textes applicables en la matière, est illégale ;
Considérant, par ailleurs que dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la cotisation de 2 % réclamée à la société Facon ne constitue pas une sanction fiscale, les moyens tirés par elle des dispositions des articles 1740 octies et 1926 du code général des impôts ainsi que de l'instruction administrative du 3 novembre 1992, relatives à l'abandon par l'administration, en cas de faillite, de liquidation de biens ou de règlement judiciaire, des frais de poursuite et des pénalités fiscales sont inopérants ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a accordé à la société Facon la décharge à hauteur de 226 814 francs de la participation à l'effort de construction mise à sa charge au titre de l'année 1993 et à demander que ladite société soit, dans cette mesure, rétablie au rôle de la participation à l'effort de construction ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 94-1675 en date du 31 décembre 1997 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : La société Facon est rétablie pour l'année 1993 au rôle de la participation des employeurs à l'effort de construction à concurrence d'un montant de 226 814 francs.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à la société Facon et à Me Richard Berkowicz.