Cour administrative d'appel de Paris
Statuant au contentieux
SA PADEL et CIE
M. MAGNARD, Rapporteur
M. MORTELECQ, Commissaire du gouvernement
Lecture du 1 février 2001
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
(2ème chambre A)
VU, enregistrée le 18 juillet 1997 au greffe de la cour, la requête présentée par la société anonyme PADEL et CIE dont le siège social est 77, rue Pigalle, 75009 Paris ; la société anonyme PADEL demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9505175/1 en date du 27 février 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 février 1995 par laquelle le receveur général des finances, Trésorier-payeur général de la région d'Ile-de-France a rejeté sa demande de décharge gracieuse de responsabilité en date du 15 septembre 1994 ;
2 ) de prononcer l'annulation demandée ;
3 ) d'accorder la décharge des impositions mises à sa charge du fait de la mise en jeu de la responsabilité solidaire ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 2001 :
- le rapport de M. MAGNARD, premier conseiller,
- et les conclusions de M. MORTELECQ, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la société PADEL et CIE fait appel du jugement du tribunal administratif de Paris qui a refusé de faire droit à sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision en date du 2 février 1995 par laquelle le receveur général des finances de Paris, trésorier-payeur général de la région d'Ile de France, a rejeté sa demande gracieuse de décharge de la responsabilité qui lui incombait à hauteur de 3.718.818 F en application de l'article 1684 du code général des impôts dans le paiement de cotisations d'impôt sur les sociétés établies au titre des exercices 1985 et 1986 au nom de la 'société à responsabilité limitée d'exploitation Pussy Cat' à qui elle avait donné l'exploitation du cabaret dont elle était propriétaire ;
Sur les conclusions aux fins de décharge de la responsabilité solidaire :
Considérant qu'aux termes de l'article 1684 du code général des impôts : '( ...) 3 - Le propriétaire d'un fonds de commerce est solidairement responsable avec l'exploitant de cette entreprise, des impôts directs établis à raison de l'exploitation de ce fonds ( ...)' ; et qu'aux termes de l'article L.247 du livre des procédures fiscales : '( ...) 3 ( ...) L'administration peut également décharger de leur responsabilité les personnes tenues au paiement d'impositions dues par un tiers ( ...)' ;
Considérant que, si par un arrêt en date du 21 février 1997 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la demande de la société Padel tendant à la décharge de l'obligation de payer les sommes qui lui étaient réclamées sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1684 du code général des impôts, l'arrêt rendu par la cour, contrairement à ce que soutient le ministre, ne saurait empêcher la société requérante de demander la décharge gracieuse de sa responsabilité solidaire sur le fondement de l'article L.247 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il ressort des mémoires produits par l'administration devant le tribunal administratif et la cour administrative d'appel que la décision attaquée du trésorier-payeur général a été prise aux motifs que la société PADEL et CIE n'avait pas pris les précautions suffisantes dans le choix de son exploitant, dans le contrôle de son activité et dans la fixation du montant de sa caution ; que, d'ailleurs, ces critères sont ceux que le ministre de l'économie et des finances avait donnés dans ses réponses du 25 février 1971 à M. le député Berard et du 26 juin 1975 à M. le député Chinaud concernant les conditions d'examen des demandes de remise gracieuse de responsabilité solidaire sollicitées par les propriétaires de fonds de commerce ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que le gérant de la société Pussy Cat n'avait pas d'antécédent judiciaire et qu'il avait obtenu de la préfecture de police une licence de spectacle, une licence de débit de boissons et une autorisation d'ouverture de nuit ; qu'ainsi, il n'est pas établi que la société requérante aurait commis une faute dans le choix de son locataire ; que, d'autre part, la comptabilité de la société Pussy Cat, régulière en la forme, avait été transmise à la société PADEL et CIE qui ne disposait d'aucun moyen de déceler les malversations commises dès lors que les coefficients ressortant de cette comptabilité n'étaient pas entachés d'invraisemblance ; que, d'ailleurs, les fausses facturations émises par la société Pussy Cat ont été découvertes, non pas par l'administration fiscale, mais par la police judiciaire ; qu'enfin, une caution d'un montant de 70.000 F avait été versée par le locataire gérant ; qu'ainsi, la société PADEL et CIE, qui justifie avoir accompli vis-à-vis de son locataire les diligences qui incombent normalement au propriétaire d'un fonds de commerce, établit que les dissimulations à raison desquelles la société Pussy Cat a fait l'objet des rappels d'impôt en cause, ne procédaient pas d'un manque de vigilance de sa part ; que, dans ces conditions, elle est fondée à soutenir que la décision en date du 2 février 1995 par laquelle le receveur général des finances de Paris, trésorier-payeur général de la région d'Ile de France, a rejeté sa demande gracieuse de décharge de responsabilité solidaire, repose sur des motifs entachés d'erreur de fait ; que, par suite, il y a lieu d'annuler ladite décision ;
Sur les conclusions en décharge des impositions litigieuses :
Considérant que de telles conclusions sont présentées pour la première fois en appel ; que, par suite, et en tout état de cause, elles sont irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : 'Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.' ;
Considérant qu'il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner l'Etat à payer à la société PADEL et CIE la somme de 10.000 F ;
Article 1er : La décision en date du 2 février 1995 du receveur général des finances de Paris, trésorier-payeur général de la région d'Ile de France et le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 27 février 1997 sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à la société PADEL et CIE la somme de 10.000 F sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société PADEL et CIE est rejeté.