TA Caen, du 10-09-2024, n° 2301362
A98675Y4
Référence
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2023, Mme B A demande au tribunal d'annuler sa notation à la suite de son évaluation professionnelle au titre de l'année 2022.
Mme A soutient que :
- la procédure d'évaluation a été conduite par le directeur adjoint de la maison d'arrêt de Caen, alors qu'elle aurait dû être conduite par son supérieur hiérarchique direct ;
- la notation est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête au motif que les moyens de la requête sont infondés.
La présidente du tribunal a désigné Mme Absolon en application de l'article R. 222-13 du code de justice administrative🏛, pour statuer sur les litiges visés audit article.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983🏛 ;
- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010🏛 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Absolon, magistrate désignée,
- et les conclusions de M. Blondel, rapporteur public.
Les parties n'étaient ni présentes ni représentées.
1. Mme B A, surveillante pénitentiaire à la maison d'arrêt de Caen, a bénéficié d'un entretien d'évaluation le 10 mars 2023 au titre de l'année 2022, à l'issue duquel elle a obtenu la note de 11,23 sur 20. Mme A a formé un recours gracieux contre cette notation, lequel a abouti à un nouvel entretien d'évaluation le 5 avril 2023 et à une note augmentée à 12,21 sur 20. Elle a alors présenté un recours hiérarchique auprès de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Rennes. Par une décision du 4 mai 2023, ce recours a été rejeté. Par la présente requête, Mme A demande l'annulation de sa notation à la suite de son évaluation professionnelle du 5 avril 2023 au titre de l'année 2022.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983🏛 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La valeur professionnelle des fonctionnaires fait l'objet d'une appréciation qui se fonde sur une évaluation individuelle donnant lieu à un compte rendu qui leur est communiqué ". En outre, aux termes de l'article 2 du décret du 28 juillet 2010🏛 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire bénéficie chaque année d'un entretien professionnel qui donne lieu à compte rendu. / Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct. /La date de cet entretien est fixée par le supérieur hiérarchique direct et communiquée au fonctionnaire au moins huit jours à l'avance ". Aux termes de l'article 4 du même texte : " Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier. Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant, de ses observations. Il est visé par l'autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations. () ".
3. Si Mme A soutient que son évaluation professionnelle n'a pas été établie par son supérieur hiérarchique direct, elle n'apporte aucun élément au soutien de son affirmation. Le moyen ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 28 juillet 2010🏛 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " L'entretien professionnel porte principalement sur : / 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; / 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des perspectives d'évolution des conditions d'organisation et de fonctionnement du service ; / 3° La manière de servir du fonctionnaire ; / 4° Les acquis de son expérience professionnelle ; / 5° Le cas échéant, la manière dont il exerce les fonctions d'encadrement qui lui ont été confiées ; / 6° Les besoins de formation du fonctionnaire eu égard, notamment, aux missions qui lui sont imparties, aux compétences qu'il doit acquérir et à son projet professionnel ; / 7° Ses perspectives d'évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité. / () ".
5. Mme A soutient que l'évaluation professionnelle réalisée au titre de l'année 2022, repose sur des évènements qui se sont produits en 2021, et qu'elle ne prend pas en considération les formations qu'elle a suivi, les heures supplémentaires effectuées sur demande de l'administration, sa participation au groupe de travail " sécurité " en prévision de l'ouverture du centre pénitentiaire de Caen-ifs, sa disponibilité qui, d'ailleurs, a fait l'objet d'une lettre de félicitation, ni de sa tenue quotidienne. D'une part, s'il est constant que l'évaluation professionnelle fait référence à son arrivée en septembre 2021, cette mention ne fait que contextualiser son évaluation, au demeurant positive, puisqu'il y est indiqué qu'" après une adaptation compliquée à son arrivée en septembre 2021, Mme A a pris ses marques dans l'équipe n° 2 en 2022 ". D'autre part, il ressort de la fiche de notation que Mme A a obtenu pour les critères n° 1 " connaissances professionnelles et volonté de perfectionnement ", n° 3 " disponibilité au service, capacité d'adaptation et d'initiative ", n° 4 " qualité de la tenue et de l''expression " et n° 5 " ascendant sur la population pénale ", le niveau d'appréciation " bien ", tandis que, pour le critère n° 2 " qualité des relations professionnelles ", elle a obtenu le niveau d'appréciation " moyen ". En outre, la notation mentionne que Mme A est " une surveillante sérieuse et rigoureuse " mais " qu'elle doit toutefois prendre en compte les remarques de sa hiérarchie et améliorer son relationnel ". Dès lors que la requérante n'apporte aucun élément susceptible de remettre en cause l'appréciation de son notateur, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
6. En dernier lieu, les seules allégations de Mme A relatives à la révision de sa notation, au fait que le directeur-adjoint se serait engagé à modifier tant la notation que l'appréciation, et à l'appréciation littérale qui serait contradictoire, ne permettent pas de regarder la notation litigieuse comme entachée d'un détournement de pouvoir. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. Il résulte de tout de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de sa notation au titre de l'année 2022. Sa requête doit donc être rejetée en toutes ses conclusions.
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera adressé à Mme B A et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 septembre 2024.
La magistrate désignée,
Signé
C. ABSOLON
Le greffier,
Signé
J. LOUNIS
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
J. Lounis
Loi, 83-634, 13-07-1983 Article, R222-13, CJA Décret, 2010-888, 28-07-2010 Maison d'arrêt Erreur d'appréciation Détournement de pouvoir Fonctionnaire Entretien d'évaluation Centre pénitentiaire Perfectionnement Directeur adjoint