Cour administrative d'appel de Paris
Statuant au contentieux
Ministre du budget c/ Mme Lefebvre
M. Lévy, Président
Mme Tricot, Rapporteur
M. Gipoulon, Commissaire du gouvernement
Lecture du 4 juin 1992
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU la requête et le mémoire complémentaire présentés par le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET ; ils ont été enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Paris les 11 février et 15 mai 1991 ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 890365211 du 4 décembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a admis l'opposition au commandement du 21 juin 1989 présentée par Mme Madeleine Lefebvre ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Lefebvre devant le tribunal administratif de Paris et tendant à ce que ledit tribunal annule la décision en date du 5 mars 1989 par laquelle le receveur général des finances de Paris a rejeté son opposition au commandement du 21 juin 1989 décerné à son encontre, en sa qualité d'ayant-droit à la succession de M. Félicien Pothier ; VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU le nouveau code de procédure civile ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 1992 :
- le rapport de Mme TRICOT, conseiller,
- et les conclusions de M. GIPOULON, commis-saire du Gouvernement ;
____Considérant que le trésorier principal du 8ème arrondissement - 1ère division de Paris - a, par voie de commandement du 21 juin 1989, réclamé à Mme Madeleine Lefebvre, en sa qualité de 'légataire universelle', le paiement à hauteur de 364.873,00 F, d'impositions établies au nom de M. Félicien Pothier, décédé le 30 mai 1982, au titre des années 1977 à 1981 et mises en recouvrement le 30 juin 1982 ainsi que de la majoration mise en recouvrement le 15 septembre 1982, y compris le coût du commandement_; que, Mme Lefebvre ayant, le 20 juillet 1989, contesté l'exigibilité de la créance du Trésor en faisant valoir que l'action ainsi engagée pour son recouvrement était prescrite, le receveur général des finances de Paris a rejeté, par décision en date du 5 septembre 1989, son opposition à commandement au motif que le délai de quatre ans par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement avait été interrompu, d'une part, par des avis à tiers détenteur adressés au notaire qui détenait des fonds pour le compte de la succession, d'autre part, par une lettre de celui-ci, agissant au nom de Mme Lefebvre, comportant reconnaissance de dette_; que Mme Lefebvre a saisi le tribunal administratif de Paris d'une requête tendant à l'annulation de la décision précitée du receveur général des finances en faisant valoir qu'elle n'avait pas eu connaissance des avis à tiers détenteur adressés au notaire_; que le tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué admis l'opposition ainsi formée au motif que faute de notification à Mme Lefebvre des avis à tiers détenteur adressés en janvier 1983 à Me Bourdeau, notaire, puis les 29 mars 1983, 18 octobre 1983 et 8 mars 1987 à Me Clary notaire chargé de la succession de M. Pothier, le commandement du 21 juin 1989 portait sur une créance prescrite_; que le MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET fait appel de ce jugement en faisant valoir que la prescription a été retenue à tort par le tribunal administratif, les avis à tiers détenteur notifiés à Me Clary ayant eu pour effet d'interrompre, à l'égard de Mme Lefebvre le cours de la prescription prévue par l'article L.274 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.274 du livre des procédures fiscales : 'Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription' ;
Considérant en premier lieu, qu'il n'appartient pas à la cour administrative d'appel de se prononcer sur la nullité des actes notifiés aux notaires Me Pothier et Me Clary mais qu'il lui appartient d'apprécier si lesdits actes ont eu pour effet d'interrompre le cours de la prescription résultant de l'article L.274 du livre des procédures fiscales précité ; que dès lors, le ministre ne peut utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L.114 du nouveau code de procédure civile de ce que Mme Lefebvre n'ait pas fait état du préjudice que lui aurait causé l'absence de notification des avis à tiers détenteur ;
Considérant en deuxième lieu, que l'adminis-tration soutient que le notaire agissait en qualité de mandataire de Mme Lefebvre dans le cadre du règlement amiable de la succession ; qu'il lui appartient toutefois, en tant que tiers au contrat de mandat, de rapporter la preuve par tout moyen de l'existence du mandat dont elle se prévaut ; qu'en l'espèce elle ne rapporte pas, par la seule production de la lettre de Mme Lefebvre du 28 juillet 1982, la preuve que le notaire aurait agi comme mandataire et non dans l'exercice de son devoir de conseil ;
Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que le notaire aurait été tiers détenteur de deniers de la succession n'a pu être de nature à interrompre la prescription à l'égard de Mme Lefebvre faute de notification à celle-ci ;
Considérant en quatrième lieu, qu'en admettant même, que Mme Lefebvre ait méconnu le délai fixé par l'article 641 du code général des impôts en matière de déclaration de succession, cette circons-tance qui ne peut avoir pour effet de dispenser l'administration de l'obligation de notifier au redevable les avis à tiers détenteur ne peut être utilement invoquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a admis l'opposition au commandement du 21 juin 1989 formée par Mme Lefebvre ;
Article 1 : la requête du MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES, ET DU BUDGET est rejetée.