SOC.
SÉCURITÉ SOCIALELM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 26 novembre 2002
Rejet
M. SARGOS, président
Pourvois n° E 00-19.347 Z 00-19.480JONCTION
Arrêt n° 3449 FS P+B+R+I RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
I - Sur le pourvoi n° E 00-19.347 formé par
- la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde, dont le siège est Bordeaux Cedex,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 juillet 2000 par la cour d'appel de Bordeaux (Chambre sociale, section B), au profit
1°/ de la société Everite, société anonyme, dont le siège est Descartes,
2°/ de la compagnie Mutuelles du Mans assurances, direction IARD sinistres, dont le siège est Le Mans ,
3°/ de la compagnie d'assurances Winterthur, dont le siège est Paris La Défense ,
4°/ de la compagnie Axa corporate solutions, venant aux droits de la compagnie Axa global risks, elle-même venant aux droits de l'UAP, dont le siège est Paris,
défenderesses à la cassation ;
II - Sur le pourvoi n° Z 00-19.480 formé par
- la société anonyme Everite,
en cassation du même arrêt en ce qu'il a été rendu au profit
1°/ de M. Guy Y, demeurant Ambes,
2°/ de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde,
3°/ de la compagnie d'assurances Winterthur,
4°/ de la compagnie Mutuelles du Mans assurances, service Indemnisation corporelle C3,
5°/ de la compagnie Axa corporate solutions, venant aux droits de la compagnie Axa global risks, elle-même venant aux droits de l'UAP France incendie accidents,
défendeurs à la cassation ;
La compagnie Mutuelles du Mans assurances a formé un pourvoi incident et la compagnie Axa corporate solutions, venant aux droits de la compagnie Axa global risks, a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;
Sur le pourvoi n° E 00-19.347
La Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Sur le pourvoi n° Z 00-19.480
La société Everite, demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La compagnie Mutuelles du Mans assurances, demanderesse au pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La compagnie Axa corporate solutions, demanderesse au pourvoi provoqué, invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 17 octobre 2002, où étaient présents M. ..., président, M. ..., conseiller rapporteur, MM. Thavaud, Dupuis, Mme Duvernier, MM. Duffau, Trédez, Laurans, conseillers, MM. Petit, Paul-Loubière, Mmes Guihal-Fossier, Manès-Roussel, Coutou, conseillers référendaires, M. ..., premier avocat général, Mme ..., greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. ..., conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Everite, de Me Blondel, avocat de M. Y, de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de la compagnie Mutuelles du Mans assurances, de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la compagnie Axa corporate solutions, les conclusions de M. ..., premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n° E 00-19.347 et Z 00-19.480 ;
Attendu que M. Y, salarié de la société Everite, spécialisée dans la fabrication de produits en amiante-ciment, de 1951 à 1987, a été reconnu atteint d'asbestose professionnelle à compter du 25 septembre 1995 ; que, le 7 novembre 1996, il a saisi la caisse primaire d'assurance maladie en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, puis, le 18 mars 1997, le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 juillet 2000) a dit que la maladie professionnelle de M. Y était due à la faute inexcusable de son employeur, fixé la majoration de rente au maximum, déclaré inopposable à la société Everite, en raison du caractère non contradictoire de la procédure, la reconnaissance de la maladie professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie, dit que cette Caisse ne pourrait pas recouvrer contre la société les sommes qu'elle devra verser en raison de la faute inexcusable de l'employeur, ordonné une expertise médicale et débouté les compagnies d'assurance susceptibles de garantir la société Everite, mises en cause à la demande du Tribunal, de leur demande de mise hors de cause ;
Sur les deux moyens du pourvoi principal de la société Everite, n° Z 00-19.480, pris en leurs diverses branches, tels qu'ils figurent dans le mémoire en demande et qu'ils sont reproduits en annexe
Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt caractérisent le fait, d'une part, que la société avait conscience du danger lié à l'amiante, d'autre part, qu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié ; que la cour d'appel, qui n'encourt aucun des griefs invoqués, a pu en déduire que la société Everite avait commis une faute inexcusable ; que les moyens ne peuvent être accueillis en aucune de leurs branches ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° E 00-19.347 de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde
Attendu que la Caisse fait grief à la cour d'appel de l'avoir déboutée de sa demande de condamnation de la société Everite à lui rembourser les sommes dont elle est tenue de faire l'avance, alors, selon le moyen
1°/ que le défaut de respect du contradictoire lors de la procédure de reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie n'exonère pas l'employeur des conséquences financières du caractère inexcusable de la faute à l'origine de cette maladie ; qu'en décidant que les indemnisations complémentaires auxquelles peut prétendre la victime en raison de la faute inexcusable de la société Everite, à l'origine de la maladie professionnelle dont elle souffre, et spécialement les réparations dont la Caisse fait l'avance à la victime par application de l'article L.452-3 du Code de la sécurité sociale, ne peuvent être transférées par la Caisse sur l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L.452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ;
2°/ que la Caisse primaire faisait valoir en ses écritures d'appel que la société Everitube de Bassens, désormais dénommée Everite, avait cessé toute activité en 1987 dans cet établissement, sans en faire la déclaration ; que la cour d'appel ne pouvait dès lors déclarer inopposables à l'employeur la décision de prise en charge de l'affection dont souffrait le salarié de cette société au titre de la législation des maladies professionnelles par cela seul que la procédure se serait déroulée en dehors d'elle, sans rechercher si elle n'était pas, par sa carence, à l'origine de cette irrégularité, ce qui était de nature à l'empêcher de s'en prévaloir ; qu'en cet état, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R.441-1, L.452-2 et L.452-3 du Code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit que, dès lors que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie d'admettre le caractère professionnel de la maladie était inopposable à l'employeur, la Caisse ne pouvait récupérer sur ce dernier, après reconnaissance de sa faute inexcusable, les compléments de rente et les indemnités versés par elle au salarié malade ou à ses ayants droit ;
Et attendu, comme le fait observer le mémoire en défense, qu'en sa seconde branche, le moyen est nouveau ; que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;
Sur les deux moyens réunis du pourvoi incident de la compagnie Mutuelles du Mans assurances, en leurs diverses branches, et sur le moyen unique du pourvoi provoqué de la compagnie Axa corporate solutions, en ses deux branches, tels qu'ils figurent dans les mémoires et qu'ils sont reproduits en annexe
Attendu, d'abord, qu'aux termes de l'article R.142-19 du Code de la sécurité sociale, la comparution des parties devant le tribunal des affaires de sécurité sociale est provoquée par une convocation délivrée par le secrétariat du Tribunal ; que le Tribunal, en ordonnant la mise en cause des compagnies d'assurances susceptibles de garantir la société Everite pour le cas où il serait établi que la maladie professionnelle est due à sa faute inexcusable, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'il tient de l'article 332 du nouveau Code de procédure civile ;
Et attendu, ensuite, que l'intervention forcée ordonnée par le Tribunal, qui ne tendait qu'à une déclaration de jugement commun, et non à une décision sur les relations entre les parties et les intervenants forcés, entrait dans la compétence des juridictions de sécurité sociale ;
D'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives des compagnies Mutuelles du Mans assurances et Axa corporate solutions ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille deux.