Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 25 novembre 1997
Cassation partielle
N° de pourvoi 95-16.842
Inédit titré
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ M. Jean ...,
2°/ M. Paul ..., demeurant Bagnères-de-Bigorre,
3°/ la Société Pomiers SA Gascogne, société anonyme, dont le siège est Auch, en cassation d'un arrêt rendu le 10 avril 1995 par la cour d'appel d'Agen (1re chambre), au profit de la société Case Poclain, société anonyme, dont le siège est Le Plessis Belleville, défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 octobre 1997, où étaient présents Mme Pasturel, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Le Dauphin, conseiller référendaire rapporteur, MM. ..., ..., ..., ..., ..., Mme ..., M. ..., Mme ..., conseillers, Mme ..., M. ..., conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Le Dauphin, conseiller référendaire, les observations de Me ..., avocat des consorts ... et de la société Pomiers SA Gascogne, de Me ..., avocat de la société Case Poclain, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société International Harvester France, aux droits de la quelle se trouve la société Case Poclain (société Poclain) a conclu, le 2 mars 1984, avec la société Pomiers SA Gascogne (société Pomiers), un contrat de concession relatif, notamment, à des tracteurs à usage agricole;
qu'après la résiliation de ce contrat, la société Poclain a assigné la société Pomiers ainsi que MM. ... et ... ..., cautions de cette dernière (les consorts ...), en paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches ;
Attendu que les consorts ... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable "le moyen de défense servant également de base à leur demande reconventionnelle" et "pris de la nullité du contrat de concession compte tenu de la réglementation européenne", alors, selon le pourvoi, d'une part, que les consorts ... invoquaient subsidiairement, dans leurs premières conclusions d'appel, la nullité du contrat de concession au cas où la cour d'appel n'admettrait pas qu'il y ait eu novation de débiteur pour s'opposer aux prétentions de la société Poclain et conclure à son débouté;
qu'il ne s'agissait donc pas d'une demande nouvelle, mais bien d'un moyen nouveau recevable en vertu de l'article 563 du nouveau Code de procédure civile;
qu'ainsi, en refusant de se prononcer sur la validité du contrat au motif que la demande en dommages-intérêts formulée en appel par les consorts ... était irrecevable comme nouvelle, tandis qu'ils opposaient simplement un moyen nouveau aux prétentions adverses, la cour d'appel a violé les articles 455, 458 et 563 du nouveau Code de procédure civile;
et alors, d'autre part, que, aux termes de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, sont recevables les demandes nouvelles présentées en appel pour opposer compensation et faire écarter les prétentions adverses, l'article 567 précisant pour sa part que les demandes reconventionnelles sont recevables en cause d'appel;
qu'ainsi, en déclarant irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, la demande en dommages-intérêts présentée par les consorts ... et fondée sur la nullité du contrat pour violation de la réglementation européenne tandis pourtant qu'il s'agissait d'une demande reconventionnelle ayant un lien direct avec la demande principale qui découlait de l'exécution du contrat, la cour d'appel a violé les articles 564 et 567 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, dans leurs conclusions d'appel, les consorts ... n'ont fait état de la non-conformité du contrat de concession aux dispositions du règlement n 123/85 de la Commission du 12 décembre 1984 qu'en ce qu'il fixait à quatre mois la durée du délai de préavis;
qu'ils ont soutenu que la résiliation du contrat par la société Poclain, intervenue en méconnaissance de cette réglementation imposant un préavis d'au moins un an, était fautive;
qu'ayant relevé que l'initiative de la rupture du contrat litigieux n'émanait pas de la société Poclain mais bien de la société Pomiers, par sa lettre du 3 juin 1992 confirmée par celle du 5 octobre 1992, la cour d'appel a, par là-même, constaté le mal-fondé de cette prétention;
d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que les consorts ... font encore grief à l'arrêt d'avoir dit que la société Poclain n'avait pas l'obligation de reprendre les stocks alors, selon le pourvoi, que la société Pomiers faisait valoir dans ses écritures que la brièveté du délai de préavis, non conforme à la réglementation européenne, l'avait empêchée d'écouler le stock tandis que le préavis doit précisément permettre au distributeur de vendre les produits du fournisseur avant la rupture du contrat;
qu'il appartenait, dès lors, à la cour d'appel de s'expliquer sur la validité du contrat et de rechercher si le défaut de conformité avec la réglementation européenne sur la durée du préavis n'était pas de nature à contraindre le concédant à reprendre les stocks après l'expiration du préavis écourté;
qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte de la réponse au premier moyen que la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux conclusions invoquées;
que le moyen est sans fondement ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Vu les articles 371 et 372-1 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Attendu que pour réformer le jugement en ce qu'il avait mis hors de cause MM. ... et ... ..., l'arrêt, après avoir relevé que par actes des 18 et 19 avril 1985, MM. ... et ... ... se sont portés cautions de la société Pomiers en faveur de la société International Harvester France, devenue la société JI Case, et que la société Poclain était venue aux droits de cette dernière par l'effet d'une fusion-absorption réalisée le 30 novembre 1987, énonce qu'il n'y a pas eu création d'une personne morale distincte de celle au profit de laquelle ils se sont engagés ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que la fusion entraîne la dissolution sans liquidation de la société qui disparaît et la transmission universelle de son patrimoine à la société bénéficiaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur les deuxième et troisième branches du moyen
Vu l'article 2015 du Code civil ;
Attendu que pour statuer ainsi qu'il a fait du chef critiqué, l'arrêt retient encore que les cautions ont manifesté expressément leur volonté de s'engager envers la société Poclain ainsi qu'en font foi les courriers versés aux débats, notamment la lettre de la société Pomiers du 3 juin 1992 signée de Jean ... dans laquelle il est demandé la restitution de la caution de M. Jean ..., "celle de M. ... vous garantissant l'engagement comptablement arrêté comme ci-dessus à ce jour et jusqu'à son extinction", ainsi que celle du 30 juin 1992 dans laquelle il est écrit "dès que l'encours vis-à-vis de Case IH s'avère du montant de la caution de M. Paul ..., celle de M. Jean ... doit être immédiatement restituée" ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que MM. ... et ... ... avaient, par une manifestation expresse de leur volonté, accepté de s'engager au profit de la société Poclain pour les dettes nées postérieurement à la fusion, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a réformé le jugement en ce qu'il avait mis hors de cause MM. ... et ... ... ès qualités de cautions de la société Pomiers SA Gascogne, l'arrêt rendu le 10 avril 1995, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;
Condamne la société Case Poclain aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Case Poclain ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en son audience publique du vingt-cinq novembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.