N° F 01-87.294 F P+F+IN° 6047
SH22 OCTOBRE 2002
M. COTTE président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux octobre deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de Mme le conseiller ..., les observations de la société civile professionnelle BOULLEZ, avocat en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par
- ... Françoise,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 9 octobre 2001, qui, pour dénonciation calomnieuse, l'a condamnée à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, à 5 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 226-10 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé une condamnation à une peine de prison avec sursis et à une amende ;
"aux motifs que Françoise ... accompagnée de son médecin conduisait sa petite-fille Audrey, âgée de 7 ans au service des urgences de l'hôpital d'enfants de Brabois pour suspicion de violences sexuelles commises par son beau-père Akim ..., époux ... ... ..., mère d'Audrey ; que cette démarche était motivée par les révélations précises faites par l'enfant ; que le docteur ... avait procédé à l'examen gynécologique d'Audrey et à son interrogatoire ; qu'Audrey avait été hospitalisée pendant cinq jours ; que l'examen médical révélait la présence de deux érosions au niveau de l'hymen avec déchirure sans écoulement pathologique ni hématomes ; que Françoise ... avait également signalé au médecin hospitalier et à une assistante sociale la vision de cassettes pornographiques de Sébastien, petit-fils de Françoise ..., avec son beau-père ; qu'Akim ... a fait l'objet d'une inculpation mais a nié les faits qui lui étaient reprochés ; qu'un examen gynécologique complet révélait une situation parfaitement normale, l'hymen étant intact, constatations allant à l'encontre des déclarations de l'enfant ; qu'un non-lieu a été prononcé au profit d'Akim ... ; que le délit de dénonciation calomnieuse est bien constitué, l'élément matériel résultant de la démarche auprès du médecin hospitalier avec indication d'une suspicion de violences sexuelles en rapportant les déclarations de l'enfant ; que l'assistante sociale a recueilli les déclarations spontanées de Françoise ... ; que cette dernière n'ignorait pas le caractère mensonger des faits imputés à Akim ... au moment où elle a alerté les autorités ; qu'au cours d'une audition par le juge d'instruction les enfants ont déclaré que c'était leur grand-mère qui avait dit de dire des méchancetés et des mensonges sur Akim ... et qu'elle leur avait appris par coeur des phrases, pour accuser Akim ... des choses sexuelles répercutées aussitôt aux services de police par le docteur ... quatre jours après les faits dénoncés ; que la mauvaise foi est incontestablement établie ;
"alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les autorités ont été saisies non par la demanderesse elle-même mais par les services hospitaliers ; que la dénonciation n'est pas punissable si elle n'a pas été effectuée auprès des autorités visées à l'article 226-10 du Code pénal, qu'il appartient donc au juge d'indiquer l'autorité qualifiée auprès de qui la dénonciation a été effectuée pour y donner suite ; que la cour d'appel n'a pas précisé si les deux personnes qui ont reçu Françoise ... avaient qualité pour saisir l'autorité compétente ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué manque de base légale" ;
Attendu que les juges d'appel ayant constaté que Françoise ... avait intentionnellement dénoncé des faits d'atteinte sexuelle sur mineure dont elle n'ignorait pas le caractère mensonger à un médecin hospitalier et à une assistante sociale, l'arrêt n'encourt pas le grief allégué ;
Qu'en effet, le médecin et l'assistante sociale sont légalement tenus d'informer les autorités judiciaires des atteintes sexuelles infligées à un mineur de quinze ans dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de leurs fonctions ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a accordé des indemnités à titre des parties civiles à Marielle ... et aux enfants ... ..., ... ... et ... ... ;
"alors que l'infraction de dénonciation calomnieuse sur plainte d'Akim ... n'a pu lui causer qu'un préjudice direct, le préjudice causé à sa famille n'étant qu'un préjudice indirect insusceptible d'être réparé par le juge répressif" ;
Vu l'article 2 du Code de procédure pénale ;
Attendu que le droit d'exercer l'action civile devant la juridiction répressive n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé directement par l'infraction ;
Attendu qu'en accueillant les constitutions de parties civiles et en allouant des dommages-intérêts à tous les membres de la famille d'Akim ..., lesquels n'étaient pas directement victimes de la dénonciation calomnieuse, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 9 octobre 2001, mais seulement en ce qu'elle a alloué des dommages-intérêts à Marielle ..., Jonathan ..., Sébastien Liodauet Audrey ..., toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire M. ... président, Mme ... conseiller rapporteur, M. ... conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;