Jurisprudence : TPICE, 25-10-2002 , aff. T-5/02, Tetra Laval BV c/ Commission des Communautés européennes

TPICE, 25-10-2002 , aff. T-5/02, Tetra Laval BV c/ Commission des Communautés européennes

A3292A3C

Référence

TPICE, 25-10-2002 , aff. T-5/02, Tetra Laval BV c/ Commission des Communautés européennes. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1106882-tpice-25102002-aff-t502-tetra-laval-bv-c-commission-des-communautes-europeennes
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Abstract

"Contrôle des concentrations : la pratique du nouveau contrôle français et perspectives communautaires", tel était le sujet d'étude de la demi-journée de travail organisée par les Editions du Juris-Classeur, sous la direction scientifique de Christine Vilmart, le mercredi 11 décembre 2002.

Tribunal de première instance des Communautés européennes

25 octobre 2002

Affaire n°T-5/02

Tetra Laval BV
c/
Commission des Communautés européennes




ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)


25 octobre 2002 (1)


"Concurrence - Règlement (CEE) n° 4064/89 - Décision déclarant une concentration incompatible avec le marché commun - Droits de la défense - Effets horizontaux et verticaux - Effets prévisibles de conglomérat - Effet de levier - Concurrence potentielle - Effet général de renforcement"


Dans l'affaire T-5/02,


Tetra Laval BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes A. Vandencasteele, D. Waelbroeck, A. Weitbrecht et S. Völcker, avocats,


partie requérante,


contre


Commission des Communautés européennes, représentée par MM. A. Whelan et P. Hellström, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,


partie défenderesse,


ayant pour objet une demande d'annulation de la décision C (2001) 3345 final de la Commission, du 30 octobre 2001, déclarant une concentration incompatible avec le marché commun et l'accord EEE (affaire COMP/M.2416 - Tetra Laval/Sidel),


LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE


DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),


composé de MM. B. Vesterdorf, président, J. Pirrung et N. J. Forwood, juges,


greffier: Mme D. Christensen, administrateur,


vu la procédure écrite et à la suite de l'audience des 3 et 4 juillet 2002,


rend le présent


Arrêt


Cadre juridique


1.


Le règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises [JO L 395, p. 1, tel que rectifié, JO 1990, L 257, p. 13, et tel que modifié par le règlement (CE) n° 1310/97 du Conseil, du 30 juin 1997, JO L 180, p. 1, ci-après le "règlement"], prévoit un système de contrôle par la Commission des opérations de concentration ayant une "dimension communautaire" au sens de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement.


2.


L'article 2 du règlement dispose:


"1. Les opérations de concentration visées par le présent règlement sont appréciées en fonction des dispositions qui suivent en vue d'établir si elles sont ou non compatibles avec le marché commun.


Dans cette appréciation, la Commission tient compte:


a) de la nécessité de préserver et de développer une concurrence effective dans le marché commun, au vu notamment de la structure de tous les marchés en cause et de la concurrence réelle ou potentielle d'entreprises situées à l'intérieur ou à l'extérieur de la Communauté;


b) de la position sur le marché des entreprises concernées et de leur puissance économique et financière, des possibilités de choix des fournisseurs et des utilisateurs, de leur accès aux sources d'approvisionnement ou aux débouchés, de l'existence en droit ou en fait de barrières à l'entrée, de l'évolution de l'offre et de la demande des produits et services concernés, des intérêts des consommateurs intermédiaires et finals ainsi que de l'évolution du progrès technique et économique pour autant que celle-ci soit à l'avantage des consommateurs et ne constitue pas un obstacle à la concurrence.


2. Les opérations de concentration qui ne créent pas ou ne renforcent pas une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci doivent être déclarées compatibles avec le marché commun.


3. Les opérations de concentration qui créent ou renforcent une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci doivent être déclarées incompatibles avec le marché commun.


[...]"


3.


L'article 4 du règlement exige que la partie ou les parties acquérant le contrôle, ou le contrôle conjoint, d'une autre entreprise notifient l'opération de concentration à la Commission dans un délai d'une semaine après la finalisation de cette opération, tandis que la Commission est tenue, en vertu de l'article 6, paragraphe 1, du règlement, d'examiner cette notification "dès sa réception". L'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement dispose, en combinaison avec l'article 10, paragraphe 1 du règlement, que la Commission engage une procédure à l'égard d'une opération de concentration notifiée dans un délai d'un mois ou, au maximum, de six semaines s'il est vérifié que cette opération relève du règlement "et soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun".


4.


Lorsqu'une procédure est ouverte à la suite d'une notification, les pouvoirs de décision de la Commission sont fixés par l'article 8 du règlement. En vertu du paragraphe 3, de cette disposition "[l]orsque la Commission constate qu'une opération de concentration répond au critère défini à l'article 2, paragraphe 3, [...] elle prend une décision déclarant la concentration incompatible avec le marché commun". L'article 10, paragraphe 3, du règlement dispose que de telles décisions "doivent intervenir dans un délai maximal de quatre mois à compter de la date de l'engagement de la procédure".


5.


Bien que l'article 7, paragraphe 1, du règlement dispose qu'une opération de concentration ne peut être réalisée ni avant d'être notifiée ni avant d'avoir été déclarée compatible avec le marché commun, la mise en oeuvre d'une offre publique qui a été notifiée à la Commission peut, conformément à l'article 7, paragraphe 3, du règlement, être poursuivie "pour autant que l'acquéreur n'exerce pas les droits de vote attachés aux participations concernées ou ne les exerce qu'en vue de sauvegarder la pleine valeur de son investissement et sur la base d'une dérogation octroyée par la Commission conformément au paragraphe 4".


6.


L'article 18 du règlement relatif à l'audition des intéressés et des tiers dispose:


"1. Avant de prendre les décisions prévues à l'article 7, paragraphe 4, à l'article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, et paragraphes 3, 4 et 5, ainsi qu'aux articles 14 et 15, la Commission donne aux personnes, entreprises et associations d'entreprises intéressées l'occasion de faire connaître, à tous les stades de la procédure jusqu'à la consultation du comité consultatif, leur point de vue au sujet des objections retenues à leur encontre.


[...]


3. La Commission ne fonde ses décisions que sur les objections au sujet desquelles les intéressés ont pu faire valoir leurs observations. Les droits de la défense des intéressés sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. L'accès au dossier est ouvert au moins aux parties directement intéressées tout en respectant l'intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d'affaires ne soient pas divulgués.


[...]"


7.


L'article 13, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 447/98 de la Commission, du 1er mars 1998, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement n° 4064/89 (JO L 61, p. 1) dispose:


"Lorsqu'elle a fait part de ses objections aux parties notifiantes, la Commission leur donne, à leur demande, accès au dossier, afin qu'elles puissent exercer leurs droits de la défense.


La Commission peut aussi, sur demande, donner accès au dossier aux autres parties intéressées qui ont été informées des objections retenues, dans la mesure où cela leur est nécessaire pour présenter leurs observations."


8.


L'article 17 du règlement n° 447/98, intitulé informations confidentielles, dispose:


"1. Les informations recueillies, y compris les documents annexes, ne peuvent en aucun cas être communiquées ou rendues accessibles lorsqu'elles contiennent des secrets d'affaires d'une personne ou d'une entreprise, notamment des parties notifiantes, d'autres parties intéressées ou de tiers, ou d'autres informations confidentielles dont la divulgation n'est pas considérée par la Commission comme nécessaire pour les besoins de la procédure, ou lorsqu'il s'agit de documents internes de l'administration.


2. Toute partie faisant connaître son point de vue conformément aux dispositions du présent chapitre signale clairement tous les éléments qu'elle juge confidentiels, explications à l'appui, et fournit séparément une version non confidentielle de ces documents, dans le délai imparti par la Commission."


Antécédents du litige


9.


Le 27 mars 2001, Tetra Laval SA, société privée de droit français et entièrement détenue par Tetra Laval BV, société financière appartenant au groupe Tetra Laval (ci-après "Tetra" ou la "requérante"), a annoncé pour le compte de cette dernière une offre publique d'achat pour toutes les actions en circulation de Sidel SA, une entreprise cotée en bourse en France. Tetra Laval SA a acquis le même jour environ 9,75 % du capital de Sidel auprès d'Azeo (5,56 %) et de la direction de Sidel (4,19 %).


10.


L'offre d'achat a été faite au comptant pour un prix de 50 euros par action et était, conformément au droit français, inconditionnelle. L'acceptation de l'offre a été recommandée à l'unanimité par le conseil d'administration de Sidel et cette offre a également été approuvée par les actionnaires majoritaires de celle-ci. La Commission des opérations de bourse a apposé son visa, en date du 11 avril 2001, sur la note commune d'information de Tetra Laval SA et de Sidel ("joint offer document"). Après publication le 14 avril 2001, l'offre a été ouverte officiellement pour la période du 17 avril au 22 mai 2001. Elle prévoyait, au cas où elle aurait été couronnée de succès, que les actions de Tetra SA seraient à nouveau cotées durant la semaine débutant le 11 juin 2001, sous réserve des restrictions prévues à l'article 7, paragraphe 3, du règlement.


11.


À la suite de cette offre, Tetra a acquis environ 81,3 % des actions en circulation de Sidel. Après la clôture de cette offre, la requérante a acquis certaines actions supplémentaires, de sorte qu'elle détient, actuellement, environ 95,20 % des actions et 95,93 % des droits de vote de Sidel.


12.


Tetra comprend, notamment, l'entreprise Tetra Pak qui est principalement active dans le domaine des emballages en carton pour les liquides alimentaires, domaine dans lequel Tetra Pak est l'entreprise prééminente au niveau mondial. Tetra a également des activités plus limitées dans le secteur des emballages en matériaux plastiques, principalement en tant que "convertisseur" (activité consistant à fabriquer et fournir les emballages vides aux producteurs qui effectuent eux-mêmesle remplissage), en particulier dans le secteur des emballages en plastique polyéthylène à haute densité (ci-après le "PEHD").


13.


Sidel exerce des activités de conception et de production d'équipements et de systèmes d'emballage, notamment des machines dites "Stretch Blow Moulding" ("étirage, soufflage, moulage", ci-après les "machines SBM") qui sont utilisées dans la production des bouteilles en plastique polyéthylène téréphtalate (ci-après le "PET"). Elle détient une position prééminente au niveau mondial dans la production et la fourniture de machines SBM. Elle est également active dans la technique de traitement barrière, destinée à rendre le PET compatible avec les produits sensibles au gaz et à la lumière, et dans le secteur des machines de remplissage pour bouteilles en PET ainsi que, dans une moindre mesure, en PEHD.


14.


Le 18 mai 2001, la Commission a reçu notification des transactions à la suite desquelles Tetra a acquis sa participation dans Sidel.


15.


Il est constant entre les parties que les transactions (ci-après la "concentration" ou l'"opération notifiée") constituent une acquisition au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement et que cette concentration a une dimension communautaire au sens de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement.


16.


Le 5 juillet 2001, la Commission, ayant estimé que la concentration soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun et l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), a décidé d'engager la procédure d'examen approfondi prévue par l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement.


17.


Le 7 septembre 2001, la Commission a transmis à Tetra et à Sidel une communication des griefs, conformément à l'article 18 du règlement, dans laquelle elle exposait les raisons pour lesquelles elle estimait, à première vue, que l'opération notifiée devrait être interdite. La requérante a répondu à ladite communication le 21 septembre 2001.


18.


Une communication des griefs supplémentaire, relative notamment aux activités de Tetra dans le secteur du PEHD, a été envoyée à Tetra et à Sidel le 24 septembre 2001, à laquelle la requérante a répondu le 1er octobre 2001.


19.


Le 25 septembre 2001, la requérante a proposé une série d'engagements, conformément à l'article 8, paragraphe 2, du règlement, pour remédier aux problèmes de concurrence identifiés dans la première communication des griefs.


20.


Le 26 septembre 2001, une audition a eu lieu devant le conseiller auditeur, conformément aux articles 14, 15 et 16 du règlement n° 447/98.


21.


Le 9 octobre 2001, la requérante a soumis une nouvelle série d'engagements fermes (ci-après les "engagements") remplaçant ceux du 25 septembre 2001.


22.


La Commission a effectué, le 11 octobre 2001 en attendant une réponse pour le 17 octobre, une enquête spécifique de marché à l'égard de ces engagements en envoyant 51 questionnaires à différents acteurs du secteur économique en cause (clients, convertisseurs et concurrents). Elle a reçu 34 réponses (ci-après les "réponses à l'enquête") et, jugeant ces dernières globalement confidentielles, elle a constitué deux résumés non confidentiels, correspondant, d'une part, aux réponses des clients et convertisseurs et, d'autre part, aux réponses des concurrents, qu'elle a communiqués à la requérante.


23.


Le projet de décision finale de la Commission, ayant trait également aux engagements, a été discuté et approuvé par le comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises lors de sa réunion du 19 octobre 2001.


24.


Par décision du 30 octobre 2001 [C(2001) 3345 final (affaire COMP/M.2416 - Tetra Laval/Sidel), ci-après la "décision attaquée"], la Commission a déclaré l'opération notifiée incompatible avec le marché commun et le fonctionnement de l'EEE, au titre de l'article 8, paragraphe 3, du règlement.

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