Jurisprudence : CA Paris, 23e ch., A, 07-05-2002, n° 1996/16323



COUR D'APPEL DE PARIS 23ème chambre, section A
ARRÊT DU 7 MAI 2002
(N° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 1996/16323 Pas de jonction
Décision dont appel Jugement rendu le 16/04/1996 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS 8è Ch. 3è section RG n° 1995/09371 Date ordonnance de clôture 4 DÉCEMBRE 2001 Nature de la décision CONTRADICTOIRE
Décision CONFIRMATION 2EME ARRÊT ET DERNIER

APPELANTE
SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE SAINT GERMAIN DE PARIS - S.C.I. -
dont le siège social est PARIS
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par Maître MOREAU, Avoué
assistée de Maître ..., Toque L 208, Avocat au Barreau de PARIS
INTIMÉS
Monsieur Y XavierY
demeurant PARIS
Monsieur X ArnaldoX
demeurant CH - 3967 - VERCORIN (Suisse)
Madame W Mireille épouse W
demeurant LAMORLAYE
rl
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES PARIS
représenté par son syndic la société LO-GERIM, dont le siège est
PARIS
représentés par la SCP LAGOURGUE, Avoué
assistés de Maître ..., Toque C 476, Avocat au Barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats
Monsieur DUSSARD, Magistrat rapporteur a, en vertu de l'article 786 du nouveau code de procédure civile entendu les plaidoiries, les Avocats ne s'y étant pas opposés. Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
Lors du délibéré
PRÉSIDENT Monsieur BERNHEIM CONSEILLER Monsieur DUSSARD CONSEILLER Monsieur DEBARY
DÉBATS A l'audience publique du 11 DÉCEMBRE 2001
GREFFIER Lors des débats et du prononcé de l'arrêt Madame ...
ADRET CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement par Monsieur le Président BERNHEIM, faisant fonction de Président, qui a signé la minute avec Madame GUYONNET, Greffier.
La Cour, saisie par la SCI SAINT GERMAIN DE PARIS de l'appel d'un jugement contradictoire rendu le 16 avril 1996 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS 5ème chambre, 3ème section l'ayant, entre autres dispositions déboutée de sa demande, a par arrêt contradictoire du 29 septembre 1999

- reçu Madame ... en son intervention ès qualités d'héritière de Monsieur W,
- sursis à statuer, tous autres droits et moyens des parties réservés ainsi que les dépens,
- désigné en qualité d'expert Monsieur A. ... ... ... avec mission de (notamment)
- dresser les plans respectifs des deux sous-sols faisant apparaître notamment
* le lot n° 20 de l'état descriptif de division de l'immeuble du n° 64 rue Mazarine,
* les caves revendiquées,
- rechercher quelles étaient la consistance et la configuration des sous-sols avant et au moment de la création de la copropriété du n° 64,
- rechercher si ces sous-sols ont subi des modifications depuis au détriment de l'immeuble du n° 62, et dans l'affirmative en préciser les circonstances, indiquer si elles ont donné lieu à publication au bureau des hypothèques et dresser les plans des transformations successives,
- fournir tous éléments techniques et de fait propres à permettre à la Cour de statuer au fond (avis, plans, coupes, croquis explicatifs, photos, etc...)
- renvoyé 1 'affaire à la mise en état.
L'expert a clos son rapport le 5 octobre 2000;
Ses conclusions sont les suivantes
D) CONCLUSIONS D - 1 Cette première partie de la mission a été réalisée sur place le 5 janvier 2000, puis au cours des mois qui ont suivi par des recherches d'antériorité auprès des études de notaires et des Archives Nationales.
D - 2 (....)
Le plafond des caves litigieuses est constitué par une voûte sur croisée d'ogives s'appuyant sur des piliers cubiques.
Il est de même nature que celui des caves voisines du 62 rue Mazarine.
Il n'y a aucune trace d'ancienne ouverture entre les deux caves.
Les piliers sont noyés dans les murs séparants dont l'épaisseur varie de 80 cm et 1 mètre. La construction de ce mur date d'au moins deux siècles.
Ces constructions typiques gothiques laissent penser qu'à l'origine entre le 11ème et 13ème siècles, date probable de la construction, il ne s'agissait que d'un seul et unique sous-sol.

Nous n'avons pas fait appel à un technicien du bâtiment, estimant que son intervention n'aurait pas apporté d'indices supplémentaires.
Cour d'Appel de Paris
23ème chambre, section A
ADRET DU 7 MAI 2002 RG N° 1996/16323 - 3èmg page



Le relevé topographique des sous-sols de l'immeuble a été effectué le 26 juin 2000 par nos collaborateurs. Il en résulte le plan annexe 4, sur lequel figure l'emplacement des caves litigieuses, la cave formant le lot 20 ainsi que les caves de l'immeuble voisin du 62.
En ce qui concerne le lot 20, figurant sur le plan (annexe 5) réalisé par notre confrère DECAN en 1961, il peut être considéré comme exact, et conforme.
Sur les plans (annexe 4 et 5), nous constatons
Que le lot n°20 est bien situé sous l'immeuble 64 rue Mazarine,
Que les autres caves litigieuses situées sous le 62, ne sont accessibles que par le 64, et ne portent pas de numéro de lot.
Elles peuvent donc être considérées comme étant des parties communes de la copropriété car étant bien décrites dans la désignation générale de l'immeuble. Il ne peut donc pas y avoir confusion entre les deux.
Aucune communication n'a jamais existé entre les caves du 62 et les caves litigieuses. L'analyse attentive des murs séparatifs le prouve.
L'étude du plan que nous avons réalisé, fait apparaître qu'une autre cave située au sud de celles litigieuses, et située également sous l'immeuble 62, appartient probablement au 66 ou au 68 rue Mazarine car elle ne sont pas accessibles par le sous-sol du 62 et sont cependant situées sous cet immeuble.
Il est étonnant que la SCI SAINT GERMAIN n'ait pas également mis en cause les propriétaires de ces deux autres immeubles.
D - 4 (....)
Cette copropriété a été constituée en 1961, les plans de notre confrère DECAN (annexe 5) ont été effectués à cette époque. Les lieux n'ont pas été modifiés depuis cette date. Notre confrère a justement inclus les caves litigieuses dans le périmètre de la copropriété n°64 car elles figurent bien dans la désignation de l'unité foncière.
L'étude d'antériorité des actes notariés que nous avons consultés aux Archives Nationales, confirme que ces caves situées sous le 62, font partie de l'immeuble du 64 depuis au moins deux siècles.
Donc au moment de la constitution de la copropriété, le sous-sol du 64 rue Mazarine comprenait deux caves
- la première située sous le bâtiment du 64 et constitue le lot n°20 de la copropriété,
- la deuxième située sous le bâtiment du 62 et constituant une partie commune de la copropriété. Cette cave a été divisiée en cinq petites caves délimitées par des cloisons sommaires en bois. Elles sont occupées par cinq copropriétaires sans titre mais probablement après accord de l'assemblée générale des copropriétaires.
La succession des désignations des sous-sols respectifs des deux immeubles, permet de penser que depuis au moins deux siècles, les caves sont restées ce qu'elles sont. Il ne nous est pas possible de savoir ce qu'elles étaient avant la révolution.
En réalité, aucune transformation n'a été opérée au sein de ces caves depuis au moins deux siècles.
D - 6 (....)
Les éléments techniques propres à permettre à la Cour de statuer au fond ne pourraient résulter que du travail approfondi d'un archiviste. Les plans que nous avons réalisés, les photos que nous joignons à ce rapport et l'étude d'antériorité des titres faite aux Archives Nationales permettent de confirmer d'une manière certaine que ces caves font partie de la copropriété du 64 rue Mazarine depuis au moins deux siècles et qu'aucune transformation n'est intervenue dans les murs séparatifs de ces caves depuis cette date. S'il était nécessaire, pour permettre au Tribunal de statuer d'une manière certaine, de faire une étude approfondie, seule l'intervention d'un archiviste ou l'architecte chef des Monuments Historiques permettrait de définir si à l'origine il ne s'agissait pas en effet d'une seule et même cave, et dans quelle circonstance et à quelle époque ce sous-sol a été divisé et attribué partiellement aux immeubles voisins.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions, moyens et arguments, la Cour fait référence expresse à la décision déférée, à son précédent arrêt, aux conclusions qui l'ont précédé et enfin aux conclusions prises en ouverture du rapport de l'expert signifiées
- à la requête de la SCI SAINT GERMAIN DE PARIS les 3 septembre et 6 novembre 2001,
- à la requête du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES du 64 rue Mazarine, de Monsieur X, de Madame ... et de Monsieur Y les 22 mai et 6 novembre 2001.
CELA ÉTANT EXPOSÉ LA COUR
I - SUR L'EXPERTISE
Le rapport de l'expert de QUENETAIN fournit à la Cour, qui n'est pas liée par ses avis et conclusions, les éléments techniques et de faits suffisants pour statuer au fond.
Cour d'Appel de Paris
23ème chambre, section A
ADRET DU 7 MAI 2002 RG N° 1996/1632 - Sème page


II - SUR LA PROPRIÉTÉ DE LA CAVE LITIGIEUSE
1) Il appert
1° que les lots de copropriété appartenant respectivement à Monsieur Y, à Monsieur X et à Madame ... ne comportent pas de caves, ainsi que cela s'évince au demeurant de l'examen de leurs titres de propriété, partie "DÉSIGNATION", 2° que les caves revendiquées ne correspondent pour aucune d'entre elles au lot n°20 de l'état descriptif de division de l'immeuble en copropriété du n°64 rue Mazarine, lot consistant en une cave et son escalier d'accès située en sous-sol du bâtiment sur rue et n'ayant aucune emprise sur les sous-sols des immeubles voisins,
3° que les "caves" occupées par les copropriétaires intimés correspondent à une cave plus grande, qui n'est pas le lot numéro 20, divisée en plusieurs par des cloisons sommaires en bois, 4° que cette grande cave subdivisée en petites caves, qui est la partie d'immeuble dont la SCI SAINT GERMAIN DE PARIS se prétend propriétaire, est située sous le bâtiment de celle-ci disposant déjà d'une cave, n'est accessible qu'aux copropriétaires de l'immeuble du n°64 de la rue Mazarine et ne figure pas dans l'état descriptif de division en tant que lot de copropriété privatif.
2) Ces éléments constants ne suffisent pas pour faire jouer la présomption de propriété de l'article 552 du code civil disposant que la propriété du sol emporte celles du dessus et du dessous et cette présomption cède devant la preuve contraire.
Pour faire échec à cette présomption les occupants de cette cave sont admissibles à prouver, conjointement avec le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES qui a pour objet la conservation de l'immeuble (article 14 de la loi du 10 juillet 1965) et qui doit veiller à la sauvegarde des droits afférents à celui-ci (article 15 de cette même loi), que cet ouvrage souterrain dépend des parties communes de l'immeuble en copropriété du 64 rue Mazarine.
Il est indifférent que ces copropriétaires ne justifient pas d'une possession trentenaire personnelle. Il faut et il suffit que la collectivité des copropriétaires regroupée en syndicat justifie d'un titre de propriété sur cette cave et à défaut, de la prescription acquisitive trentenaire.
a) Le règlement de copropriété de 1961 de l'immeuble du à PARIS et ayant fait l'objet de la publicité légale destinée à le rendre opposable aux tiers mentionne sous le titre DÉSIGNATION DE L'IMMEUBLE notamment
" - - .)
Cave sous partie de ladite maison et s'étendant sous partie de la maison portant le numéro 62 de la rue Mazarine.
( - - - -)"
Cour d'Appel de Paris 23ème chambre, section A
ADRET DU 7 MAI 2002 RG N° 1996/16323f hème page
Cette désignation correspond aux constatations de l'expert.
Il s'ensuit que la copropriété dispose d'un titre de propriété clair et non équivoque sur la cave litigieuse.
Et comme le fait justement observer l'expert le fait qu'il n'ait été attribué à ce local sous-terrain aucun numéro de lot de copropriété a une explication évidente il est resté un local commun affecté à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux.
Et si ce local commun est utilisé en l'occurrence par plusieurs copropriétaires c'est à l'évidence en accord avec le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES.
L'absence de convention d'occupation écrite entre ce SYNDICAT et trois de ses membres n'intéresse que les rapports entre ces quatre parties. Elle ne confère aucun droit aux tiers.
Et l'identité de cette "cave (....) s'étendant sous partie de la maison portant le numéro 62 (....)" avec celle revendiquée est confirmée par le plan de géomètre annexé au règlement de copropriété dont s'agit que l'expert a joint à son rapport (E 5).
Enfin le rattachement de cette cave à l'immeuble du 64 rue Mazarine n'est pas nouveau.
Il se retrouve dans la désignation figurant dans les précédents titres de propriété portant sur le même immeuble, titres que l'expert s'est fait remettre
Cave (caves) sous partie (parties) de ladite maison et s'étendant sous partie de la maison voisine.
Cette configuration particulière des immeubles qui aboutit à ne pas faire coïncider les limites séparatives des caves avec celles des parcelles de terrains et qui ainsi profite à un immeuble au détriment de celui voisin existe au moins depuis deux siècles comme l'indique 1 ' expert.
b) En l'occurrence la copropriété justifie non seulement de son titre de propriété sur la cave revendiquée, mais aussi d'une possession trentenaire utile parce que paisible, publique, continue, non équivoque et à titre de propriétaire dès lors que l'immeuble a été placé sous le statut de la copropriété en 1961, que comme par le passé seuls les occupants de cet immeuble du 11064 disposent d'un accès à cette cave isolée de celle voisine par un mur de maçonnerie lui même très ancien, - ce qui ne peut échapper au propriétaire voisin -, et que la présomption de l'article 2230 du code civil profite au SYNDICAT auquel il est loisible d'autoriser certains de ses membres à utiliser un local partie commune.
Cette prescription trentenaire était acquise avant l'assignation en revendication délivrée le 2 mai 1995.
c) En définitive la présomption de propriété de la cave litigieuse que la SCI SAINT GERMAIN DE PARIS a entendu tirer de l'article 552 du code civil est détruite par la preuve contraire administrée par les intimés.
Le jugement sera confirmé par substitution de motifs.
III - SUR LES AUTRES DEMANDES
1°) Aucune partie n'a commis d'abus de droit dans le cadre du procès. Il n'y a pas lieu à dommages et intérêts de ce chef.
2°) L'équité commande à la Cour d'allouer en sus de la somme accordée par les premiers juges en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile les indemnités suivantes au titre des frais hors dépens d'appel
1.500 euros au SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES, 500 euros à chacun des trois autres intimés.
3°) Les dépens de première instance et d'appel, ces derniers comprenant les frais et honoraires d'expertise, pèsent sur la partie perdante.

PAR CES MOTIFS
VU son arrêt avant dire droit du 29 septembre 1999,
CONFIRME le jugement entrepris, Y ajoutant
DIT que la cave litigieuse dépend de l'immeuble en copropriété du 64 rue Mazarine,
CONDAMNE la SCI SAINT GERMAIN DE PARIS à payer les indemnités suivantes au titre des frais hors dépens d'appel
- MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 euros) au SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES de l'immeuble précité,
- CINQ CENTS EUROS (500 euros) à chacun des trois autres intimés, REJETTE les demandes autres plus amples ou contraires,
CONDAMNE l'appelante aux dépens d'appel recouvrables conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE PRÉSIDENT LE GREFFIER
16e)

Agir sur cette sélection :