SOC.
PRUD'HOMMES JL
COUR DE CASSATION
Audience publique du 2 octobre 2002
Rejet
M. BOUBLI, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président
Pourvoi n° V 00-42.982
Arrêt n° 2765 F D RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la compagnie United Airlines INC, dont le siège est Levallois Perret Cedex,
en cassation d'un arrêt rendu le 23 mars 2000 par la cour d'appel de Paris (21e chambre, section C), au profit
1°/ de Mme Régine Y, épouse Y, demeurant Marly la Ville,
2°/ des ASSEDIC du Val d'Oise, Antenne de Sarcelles, dont le siège est Sarcelles,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 juin 2002, où étaient présents M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, M. Bailly, conseiller, Mme Andrich, conseiller référendaire, Mme Barrairon, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Boubli, conseiller, les observations de la SCP A. Bouzidi, avocat de la compagnie United Airlines INC, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mme ..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (cour d'appel de Paris, 23 mars 2000) que Mme ... qui avait assuré les fonctions de secrétaire adjointe du comité d'entreprise jusqu'aux élections qui se sont déroulées le 29 juin 1995 auxquelles elle n'a pas été réélue, a été licenciée avec dispense de préavis le 26 juin 1996 ;
Sur le premier moyen
Attendu que la société United Airlines fait grief à l'arrêt d'avoir dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné l'employeur à payer diverses sommes à la salariée alors, selon le moyen
1°/ qu'il résulte du règlement intérieur que les ordres de retrait des fonds, chèques et virements, ne sont valables que sous la signature du secrétaire et du trésorier, le secrétaire ayant de ce fait une fonction financière ; qu'en affirmant qu'il ressort du règlement intérieur que Mme Y n'avait pas d'attribution financière sans s'expliquer sur cette clause la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L 431-6 du Code du travail ;
2°/ que la société faisait valoir l'utilisation discrétionnaire des fonds de caisse sans aucune justification par les membres du comité d'entreprise au nombre desquels figurait Mme Y ajoutant qu'eu égard aux fonctions de secrétaire adjoint qu'elle occupait elle avait une responsabilité particulière vis-à-vis des autres membres du comité d'entreprise et de l'institution, qu'elle avait de ce fait les moyens et le devoir d'alerter l'institution sur les faits constatés si elle les estimait contraires à la probité sauf à s'en faire la complice ; que la société rappelait ce motif du licenciement invitant la cour d'appel à constater que ce seul motif justifiait le licenciement, l'expert ayant relevé n'avoir pas trouvé dans les procès-verbaux des réunions du comité d'entreprise l'autorisation de telles pratiques ; qu'en se contentant de relever que les fonctions de secrétaire adjoint ne donnaient à Mme Y aucune attribution financière et comptable, que ni l'expertise ni d'autres éléments n'établissent qu'elle ait exercé les prérogatives de trésorier, qu'elle se soit immiscée dans sa gestion ou même qu'elle ait accompli de tels actes, étant observé que contrairement à ce qu'avance sans preuves l'employeur il résulte des attestations des autres membres du comité d'entreprise qu'elle n'a pas disposé d'un chéquier en l'état des attributions de cette dernière, la cour d'appel qui ne recherche pas si ne caractérisait pas une cause réelle et sérieuse du licenciement le motif tiré de l'utilisation discrétionnaire par les membres du comité, dont Mme Y, des fonds de caisse en espèces, a privé sa décision de base légale au regard des articles L 122-14-2 et suivants du Code du travail ;
3°/ que la société faisait valoir que l'ensemble des faits relevés dans la lettre de licenciement étaient d'autant plus graves que Mme Y occupait des fonctions de cadre amenant l'employeur à lui confier certaines prérogatives directoriales vis-à-vis des subordonnés, délégation requérant une confiance sans faille qui ne peut plus lui être renouvelée compte tenu des circonstances ; qu'en retenant que cette perte de confiance est fondée dans la lettre de licenciement sur les faits susvisés de sorte que ces derniers n'étant pas susceptibles de caractériser une cause réelle et sérieuse de rupture ne peuvent pas plus être invoqués à l'appui de la perte de confiance, cependant que de tels faits pouvaient justifier une perte de confiance de l'employeur, ce que la cour d'appel devait analyser au regard de ce seul motif, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L 122-14-3 et suivants du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que la salariée ne disposait d'aucune attribution financière et comptable, et que l'ensemble des faits relatés dans la lettre de licenciement n'étaient pas établis ; qu'ayant en outre relevé que les dépenses effectuées en qualité de co-signataires des chèques en contradiction avec le règlement intérieur n'étaient pas visées dans la lettre de licenciement, et que l'employeur pouvait d'autant moins s'en prévaloir que la procédure avait été mise en place avec son aval, elle a, par une appréciation souveraine des preuves qui ne peut être remise en cause devant la Cour de Cassation, pu décider que le licenciement,qui ne reposait sur aucun fait pertinent, était sans cause réelle et sérieuse ; que la perte de confiance ne constituant pas une telle cause en l'absence de fait précis établi à l'encontre de la salariée, le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen tel que modifié par le désistement intervenu sur sa première branche
Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen
1°/ que la société faisait valoir qu'elle avait l'obligation légale de consulter le comité d'entreprise dans le cadre de la procédure de licenciement envisagée à l'encontre des trois autres salariés mis en cause à l'issue de l'expertise, s'agissant de ce salarié protégé, l'information ayant été donnée aux membres du comité d'entreprise tenus au secret et aux salariés mis en cause ; qu'en se contenant d'indiquer qu'en considération du préjudice subi le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation de l'indemnité due à Mme Y à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse en lui allouant la somme de 100 000 francs, la cour d'appel n'a pas statué sur le moyen dont elle était saisie et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2°/ que la société ajoutait encore, demandant réformation du jugement en ce qu'il avait alloué 100 000 francs de dommages-et-intérêts pour préjudice moral à la salariée, que Mme Y, contrairement à ce qu'avait retenu le premier juge, avait été en mesure de répondre aux accusations formulées dans la note à destination du seul comité d'entreprise et des salariés mis en cause, l'expertise ayant été menée contradictoirement à son égard ; qu'en se contenant d'indiquer qu'en considération du préjudice subi le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation de l'indemnité due à Mme Y à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse en lui allouant la somme de 100 000 francs, la cour d'appel n'a pas statué sur le moyen dont elle était saisie a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions en évaluant le préjudice consécutif au licenciement sans cause réelle et sérieuse et qui a constaté que la salariée avait subi un préjudice moral certain à la suite d'accusations non fondées, a, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la compagnie United Airlines INC aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la compagnie United Airlines INC à payer à Mme ... la somme de 2 200 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille deux.