SOC. FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 29 octobre 2013
Cassation sans renvoi
M. LACABARATS, président
Arrêt no 1788 FS-P+B
Pourvoi no H 12-21.214
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par Mme Nathalie Z, épouse Z let, domiciliée Villeneuve-lès-Maguelone,
contre l'arrêt rendu le 4 avril 2012 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la région Languedoc Roussillon, dont le siège est Montpellier cedex 2,
défenderesse à la cassation ;
la région Languedoc Roussillon a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 1er octobre 2013, où étaient présents M. Lacabarats, président, M. Béraud, conseiller rapporteur, M. Bailly, conseiller doyen, Mmes Geerssen, Lambremon, Deurbergue, M. Chauvet, Mme Terrier-Mareuil, MM. Huglo, Maron, conseillers, Mme Sommé, M. Contamine, Mmes Sabotier, Corbel, Salomon, Depelley, Duvallet, conseillers référendaires, M. Lalande, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Béraud, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de Mme Z, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la région Languedoc Roussillon, l'avis de M. Lalande, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le pourvoi incident de la Région qui est préalable
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z a été engagée en qualité de chargée de projet à compter du 2 septembre 2002 par l'association Agence méditerranéenne de l'environnement (AME), liée à la région Languedoc Roussillon par une convention d'objectif triennale en vue de contribuer à la définition et à la mise en oeuvre d'une politique régionale de l'environnement ; que la Région ayant décidé de reprendre les activités de l'association à compter du 1er janvier 2004, la salariée a été licenciée pour motif économique le 22 novembre 2004 par l'association ; que le 3 juin 2009, elle a saisi le juge prud'homal d'une demande de dommages-intérêts à l'encontre de la Région pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Vu la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Attendu que, selon l'article 1er de ce texte, les créances contre l'Etat ou les collectivités territoriales se prescrivent par quatre ans à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ; que selon l'article 2 tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance interrompt le délai de prescription ; que selon l'article 7, l'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ; qu'il en résulte que la prescription ne court pas à compter du jour où la juridiction constate et fixe la créance, mais à compter du fait générateur ;
Attendu que pour confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé que la demande de la salariée contre la Région n'était pas prescrite, l'arrêt retient que la créance de la salariée à l'encontre de la collectivité territoriale n'est à ce jour qu'éventuelle, ni certaine, ni liquide, ni exigible et ne pourra être établie dans son principe et liquidée dans son montant que par un jugement à intervenir ;
Qu'en statuant ainsi alors que la salariée ayant été licenciée le 22 novembre 2004, la prescription quadriennale commençait à courir le 1er janvier 2005 de sorte que la créance de la salariée était prescrite lorsqu'elle a saisi le conseil de prud'hommes le 3 juin 2009, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi de la salariée
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la cassation ;
Déclare irrecevables comme prescrites les demandes de Mme Z à l'encontre de la région Languedoc Roussillon ;
Condamne Mme Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme Z.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'avaient pas vocation à s'appliquer et que c'est à tort que Mme Z prétend que la région Languedoc Roussillon était devenue, de droit, son employeur en raison de la reprise ou de la poursuite par sa direction de l'environnement des activités de l'Agence méditerranéenne de l'environnement et D'AVOIR, en conséquence, débouté Mme Z de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE Mme Z ne précise pas à quelle date et dans quelles conditions serait intervenu le transfert d'activité dont elle se prévaut alors que, rompu par son licenciement économique le 22 novembre 2004, son contrat de travail n'était plus " en cours " le 31 décembre 2004, date d'expiration de la convention qui liait l'Agence méditerranéenne de l'environnement à la région ; qu'il ressort des pièces communiquées que l'agence n'intervenait que dans le cadre des missions et délégations qui lui étaient confiées par la région, laquelle assurait sa direction et l'intégralité de son financement et mettait à sa disposition les locaux et le matériel ; que la région finançait donc tous les moyens corporels et incorporels nécessaires à son activité, qu'elle n'était qu'une " association-satellite " et ne pouvait prétendre avoir jamais été une entité économique autonome poursuivant un objectif propre ; que, par ailleurs, la région rappelle à juste titre qu'en application de l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales, celles-ci " concourent avec l'Etat à la protection de l'environnement, à la lutte contre l'effet de serre par la maîtrise et l'utilisation rationnelle de l'énergie et à l'amélioration du cadre de vie " ; que la région a donc toujours eu dans ces domaines une compétence et un rôle propre et la création de l'Agence méditerranéenne de l'environnement comme sa disparition n'ont entraîné aucun transfert de compétence entre celle-ci et la région ; que la salariée indique dans ses conclusions que " la direction de l'environnement a bâti son projet stratégique aboutissant au vote des orientations environnementales du conseil régional du 28 juillet 2004 par référence aux grandes orientations, écrites pour le compte de la région Languedoc Roussillon par les cadres de l'AME (...) " et en déduit qu'" il est incontestable que ce sont les salariés de l'AME qui ont rédigé et défini les objectifs actuels de la politique environnementale de la région Languedoc Roussillon " ; que, ce faisant, elle confirme que l'agence travaillait pour le région, qu'elle répondait à l'occasion aux commandes de ses services et que les deux entités juridiques ont co-existé jusqu'à la liquidation de l'Agence méditerranéenne de l'environnement ; qu'elle ne peut donc prétendre que la région n'a fait que reprendre ou poursuivre les activités de l'Agence méditerranéenne de l'environnement alors que la collectivité s'est contentée d'exercer des prérogatives ressortissant de sa compétence propre, parfois en collaboration avec l'agence mais indépendamment de tout transfert d'activité ; que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient donc pas applicables ;
ALORS, 1o), QUE constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; la cour d'appel a relevé que l'Agence méditerranéenne de l'environnement était une association créée par la région Languedoc Roussillon en 1991 ayant pour mission de contribuer à la définition et à la mise en oeuvre d'une politique régionale de l'environnement, qu'elle était liée à la région Languedoc Roussillon par une convention d'objectif triennale, qu'elle intervenait dans le cadre des missions et délégations qui lui étaient confiées par la région et répondait aux commandes des services de celles-ci et que les deux entités avaient coexisté jusqu'à la liquidation de l'Agence méditerranéenne de l'environnement ; qu'en considérant néanmoins que cette agence n'avait pas constitué une entité économique autonome, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;
ALORS, 2o), QU'en écartant la qualification d'entité économique autonome sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si l'Agence méditerranéenne de l'environnement ne disposait pas d'un personnel distinct de celui de la région et soumis à des règles différentes, d'une comptabilité distincte et d'organes de direction (assemblée générale et conseil d'administration) qui lui étaient propres, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
ALORS, 3o), QU'en ne recherchant pas si, après la liquidation de l'Agence méditerranéenne de l'environnement, la région Languedoc Roussillon n'avait pas, au travers de sa direction de l'environnement, exercé personnellement les missions et délégations qu'elle avait confiées jusque là à cette association, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la région Languedoc Roussillon.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que l'action n'était pas prescrite ;
Aux motifs propres qu'il résulte des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 que " Sont prescrites au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites dans le même délai et sous la même réserve les créances des établissements publics dotés d'un comptable public " ; que cette prescription affecte toutes les créances sur les collectivités et établissements publics, à condition toutefois qu'elles soient certaines, liquides et exigibles ; que n'est ni certaine, ni liquide ni exigible et échappe dès lors à la prescription quadriennale une créance qui ne pourra être établie dans son principe et liquidée dans son montant que par un jugement à intervenir ; qu'il est constant que Madame Z prétend que le contrat de travail qui la liait à l'AME a été transféré de plein droit à la région Languedoc Roussillon, ce que cette dernière conteste ; qu'il s'en déduit que sa créance à l'encontre de la collectivité territoriale n'est à ce jour qu'éventuelle et qu'il est demandé à la juridiction saisie d'en fixer le principe et le montant ; qu'elle n'est donc ni certaine, ni liquide, ni exigible et l'appelante n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle est prescrite en application de la loi du 31/12/1968 ;
Et aux motifs réputés adoptés que la Région LR soulève la prescription quadriennale des créances en vertu de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 no68-1258, indiquant que le délai s'applique à compter du licenciement de la salariée le 23 novembre 2004 et que la saisine du 8 juin 2009 est ors délai, car Madame ... avait jusqu'au 31 décembre 2008 pour agir ; que selon l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 no68-1250, " Sont prescrites au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites dans le même délai et sous la même réserve les créances des établissements publics dotés d'un comptable public " ; que selon l'article 3 " La prescription [exception] ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement " que la Région indique que la créance de la salariée est née le jour du licenciement de Madame ..., or le droit de poursuivre la relation de travail avec la Région a été nié par la Région au titre que l'activité de l'AME n'a pas été reprise par elle ; que dans ces conditions, la créance ne prendra naissance qu'à l'issue de la présente procédure qui permettra de déterminer si Madame ... était en droit de prétendre à l'existence d'une créance auprès de la Région ; et que comme les dispositions de l'article L 1224-2 sont d'ordre public et sont soumises à la prescription quinquennale, Madame ... est bien fondée en son action de contestation de son licenciement, la saisine n'étant pas hors délai ;
ALORS QUE selon l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 no68-1258, " sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " (article 1er) et que " l'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond " (article 7) ; qu'en affirmant, pour juger que " la créance [de Madame Z] à l'encontre de la collectivité territoriale n'est à ce jour qu'éventuelle " et que " l'appelante n'est donc pas fondée à soutenir qu'elle est prescrite en application de la loi du 31/12/1968 ", que " n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible et échappe dès lors à la prescription quadriennale une créance qui ne pourra être établie dans son principe et liquidée dans son montant que par un jugement à intervenir ", quand la créance de Madame Z était certaine, liquide et exigible dès la notification de son licenciement par l'AME le 23 novembre 2004, de sorte que sa demande était prescrite lors de la saisine du juge prud'homal le 3 juin 2009, la Cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968.