SOC. FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 31 octobre 2013
Cassation partielle
M. BAILLY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt no 1802 F-D
Pourvoi no Q 12-30.099
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société Lidl, société en nom collectif, dont le siège est Strasbourg cedex 2,
contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2012 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme Gaëlle Y, domiciliée Dijon,
défenderesse à la cassation ;
Mme Y a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 octobre 2013, où étaient présents M. Bailly, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deurbergue, conseiller rapporteur, M. Chauvet, conseiller, M. Lalande, avocat général, Mme Becker, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Deurbergue, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Lidl, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de Mme Y, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y a été engagée le 23 mai 2007, par la société Lidl, en qualité de prospectrice immobilière, cadre ; que la société lui a notifié, le 9 avril 2008, un avertissement qu'elle a contesté mais qui a été confirmé le 30 avril ; que, dans une lettre du 14 mai 2008 adressée au directeur général de la société et à laquelle celui-ci a répondu le 28 mai, elle a écrit que cette mesure vexatoire s'inscrivait dans un contexte visant à la faire démissionner ; qu'elle a été en arrêt de maladie à partir du 2 juin ; que le 29 juillet 2008, alléguant être l'objet d'un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique, pris en deuxième et troisième branches, du pourvoi principal de l'employeur
Vu les articles 1134 du code civil et 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse la prise d'acte de la rupture du contrat de travail et condamner la société à payer à la salariée diverses sommes, l'arrêt retient que dans sa lettre en réponse du 28 mai 2008, le directeur régional, après avoir rappelé qu'il avait déjà eu l'occasion de préciser à la salariée les raisons ayant conduit à lui infliger un avertissement, ne contestait pas que son supérieur hiérarchique lui avait proposé un scénario de rupture, s'indignant seulement que l'appelante veuille faire supporter à celui-ci la responsabilité de la rupture du contrat de travail, que la salariée établissait donc avoir subi des pressions pour obtenir son départ de l'entreprise, que, pas plus dans ses conclusions devant la cour que dans sa lettre du 28 mai 2008, la société ne contestait la proposition de licenciement arrangé décrite par la salariée dans des termes très circonstanciés, et que l'affirmation contenue dans la lettre de la société du 28 mai 2008, selon laquelle c'est l'intéressée qui aurait demandé à être licenciée, n'était pas reprise par la société dans ses conclusions devant la cour ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que dans sa lettre du 28 mai 2008, le directeur général de la société répondait à la salariée " Je vous trouve donc particulièrement malhonnête de tenter de faire porter la responsabilité de votre propre décision à votre responsable hiérarchique ", et, d'autre part, que dans ses conclusions, la société contestait avoir manqué à son obligation de sécurité, en particulier, le fait fautif reproché au titre de la pression exercée par le supérieur hiérarchique sur la salariée, et évoquait le souhait que celle-ci avait elle-même formulé, le 2 mai 2008, d'être licenciée, la cour d'appel qui a dénaturé les termes de la lettre de la société et méconnu les termes du litige, a violé les textes susvisés ;
Sur le moyen du pourvoi incident de la salariée
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que la cour d'appel a requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée et a condamné la société Lidl à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité de préavis, des congés payés afférents, et de dommages et intérêts pour licenciement abusif, l'arrêt rendu le 12 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne Mme Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société Lidl.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR requalifié la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR en conséquence condamné la S.N.C LIDL au versement de différentes sommes à ce titre à la salariée ;
AUX MOTIFS QUE " le salarié qui prétend être victime de manquements fautifs de son employeur à ses obligations contractuelles est fondé à prendre acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il impute à son employeur ; cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits qui la motivent sont fondés, d'une démission dans le cas contraire ; en l'espèce, la salariée invoque de la part de son employeur les manquements visés ci-après, soutenant à hauteur de cour qu'ils caractérisent un harcèlement moral absence de formation continue permettant l'adaptation à son poste en violation de l'article L 6321-1 et L 1222-1 du code du travail, usage abusif du pouvoir disciplinaire prononcé d'une sanction injustifiée et évocation d'autres faits fautifs antérieurs à l'avertissement donné, violation d'une obligation de sécurité en méconnaissance des articles L 4121-1 et L 1222-2 du code du travail, mesure vexatoire pendant la suspension du contrat de travail ;selon les dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; il appartient au salarié qui invoque un harcèlement moral d'établir des faits laissant présumer ce harcèlement ; il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
1. Sur le défaut de formation
Pour établir l'existence d'un harcèlement moral et l'exécution de mauvaise foi du contrat par l'employeur, l'appelante lui fait tout d'abord grief de ne pas lui avoir fourni la formation nécessaire ; il ne saurait été contesté que, d'une part, dans le cadre de son obligation d'assurer l'adaptation des salariés à leur emploi et, d'autre part, dans celui d'une exécution de bonne foi du contrat de travail, l'employeur doit fournir au salarié la possibilité de bénéficier d'une formation adaptée, lui permettant en complément de la formation initiale qui a pu être la sienne au cours de ses études, de tenir l'emploi pour lequel il a été embauché ; alors que la salariée n'avait que quatorze mois d'ancienneté quand elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail, elle a initialement bénéficié d'une formation dite formation-transmission de deux semaines de la part de la personne qu'elle devait remplacer ; celle-là atteste qu'au cours de cette formation, elle a consacré au moins deux jours à la réalisation des plans d'implantation et lui a remis un document détaillant les diverses tâches à remplir ; après cette première formation, l'appelante a encore bénéficié d'un stage de cinq jours auprès de Monsieur ..., prospecteur immobilier comme elle, le suivant dans son travail quotidien ; à l'issue de ce stage ; le 15 juin 2007, elle écrivait à son employeur " semaine intéressante, positive. Travail en autonomie (recherches sites et POS) valident ma formation théorique. Sereine, OK pour moi, impatience d'appliquer sur mon secteur " ; par ailleurs, ainsi que la cour l'a déjà relevé, lors de son entretien d'évaluation fin novembre 2007, Gaëlle Y n'a formé aucun souhait quant à des formations complémentaires ; le grief de défaut de formation manque donc en fait ;
2. Sur l'usage abusif du pouvoir disciplinaire
Sous ces termes, l'appelante entend dénoncer l'avertissement dont elle a été sanctionnée le 17 avril 2008, la cour a dit plus avant cet avertissement justifié, compte tenu des manquements de la salariée ; celle-ci voit encore une expression de l'usage abusif du pouvoir disciplinaire de l'employeur dans le fait que le 30 avril 2008, il lui ait reproché des faits antérieurs à ceux sanctionnés par l'avertissement et alors qu'il avait épuisé son pouvoir disciplinaire ; cependant, l'appelante ne le conteste pas, ce courrier du 30 avril 2008 était une réponse à la lettre de contestation de l'avertissement rédigé par la salariée le 17 avril 2008 ; le supérieur hiérarchique de Gaëlle Y, en lui répondant, n'a pas entendu lui donner une nouvelle sanction, se bornant à lui rappeler qu'antérieurement à l'affaire qui avait amené l'avertissement, les plans qu'elle avait remis avaient justifié de nombreuses corrections en raison de leurs incohérences ; de même, il lui avait été fait l'observation qu'il était inutile de récupérer des documents déjà en possession de l'entreprise ; par ces précisions, la S.N.C LIDL a voulu expliquer que la salariée n'avait pas été sanctionnée à son premier manquement ; c'est en retirant de son contexte la phrase " je vous ai fait remarquer lors du remboursement de vos notes de frais que cette manière de faire était contraire à notre philosophie d'entreprise " que l'appelante peut soutenir qu'il est fait allusion à une fraude sur les notes de frais ; en effet, si cette phrase n'est pas d'une parfaite limpidité, elle est incluse dans le paragraphe concernant la récupération des documents en double et, quand le supérieur hiérarchique de l'appelante parle de " manière de faire ", ce n'est pas une allusion au caractère frauduleux des notes de frais, mais au fait que la récupération des documents en double génère des frais inutiles ; aucun abus du pouvoir disciplinaire de l'employeur n'est donc caractérisé
3. Sur le manquement à l'obligation de sécurité ;
L'appelante soutient que constitue un manquement à son obligation générale de sécurité le fait pour l'employeur, dûment alerté, d'avoir par son directeur général légitimé le comportement de son supérieur hiérarchique direct, sans prendre en compte les faits dénoncés par elle proposition d'un scénario de rupture du contrat de travail et en cautionnant l'attitude de dénigrement systématique de Monsieur ... ; que cette attitude est directement à l'origine d'une situation de harcèlement qu'elle dénonce ; pour justifier ce grief, la salariée se réfère à un courrier qu'elle a adressé au directeur régional le 14 mai 2008, auquel Monsieur ... a répondu le 28 mai ; dans son courrier, la salariée revient sur l'avertissement qui lui a été infligé, persistant à le contester et dénonçant la proposition qui lui a été faite, selon elle dans un café à Auxonne, d'adopter un comportement d'abandon de poste qui permette de la licencier, exposant que ces faits sont constitutifs de harcèlement moral et compromettent gravement sa santé ; dans sa réponse, le directeur régional, après avoir rappelé qu'il avait déjà eu l'occasion de préciser à la salariée les raisons qui avaient amené à lui infliger un avertissement, ne contestait pas que Monsieur ... eut proposé un scénario de rupture à la salarié, s'indignant seulement que l'appelante veuille faire supporter la responsabilité à son chef de la rupture du contrat de travail ; cependant, aucune preuve n'est rapportée d'une demande de licenciement de la salariée, celle-ci ayant toujours au contraire dans ses courriers réaffirmé sa volonté de poursuivre son activité dans l'entreprise ; Gaëlle Y établit donc bien avoir subi des pressions pour obtenir son départ de l'entreprise ; par ailleurs, la salariée démontre qu'elle a été soignée pour asthénie avec état de stress et prescription de plusieurs arrêts de travail du 14 mai au 7 août 2008 ; il est téméraire d'attribuer comme le fait l'appelante son état de santé exclusivement au comportement de son employeur ; le docteur ... révèle en effet dans un courrier du 19 décembre 2008 au médecin traitant de la salariée que celle-ci, outre ses problèmes professionnels, était affectée et inquiète d'une baisse d'acuité visuelle au niveau de l'oeil gauche, premier symptôme apparu chez une amie de l'appelante d'une sclérose en plaques ; cependant indéniablement, si sa situation professionnelle n'était pas la cause exclusive des problèmes de santé de la salariée, elle était de nature à les influencer ;
4. Mesures vexatoires pendant la durée de l'arrêt de travail
l'appelante considère comme vexatoire la lettre de son employeur du 21 juillet 2008, par laquelle celui-ci disant reprendre les motifs d'insatisfaction qui lui avaient été énoncés le 2 juin 2008 lors d'une réunion par Monsieur ..., a terminé son courrier en demandant à la salariée de se remettre en question et de remédier à son manque de professionnalisme ; la salariée conteste formellement les reproches formulés à son encontre, l'employeur les maintenant ; si rien n'interdit à un employeur d'écrire à un salarié en arrêt de travail pour maladie sur une question d'ordre professionnel, le fait pour la S.N.C LIDL d'adresser une lettre de reproche à sa salariée, arrêtée depuis environ sept semaines pour raisons de santé, en lui adressant des remontrances pour des faits, qui à les supposer établis, étaient tous connus par l'employeur quand la salariée a cessé son travail, est une attitude de nature à corroborer la thèse de l'appelante, selon laquelle on a voulu faire pression sur elle alors qu'on la savait affaiblie ; en définitive, si deux des autres faits ou séries de faits, argués par l'appelante, ne sont pas susceptibles de caractériser un harcèlement moral, il apparait qu'au travers de la proposition de licenciement " arrangé " qui lui a été faite et de la lettre de remontrances qui lui a été adressée, alors qu'elle était en arrêt maladie, on a cherché à faire pression sur elle, dans des conditions susceptibles d'altérer sa santé physique ou mentale ; il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que pas plus dans ses conclusions devant la cour d'appel que dans sa lettre du 28 mai 2008, l'employeur ne conteste la proposition de licenciement arrangé, décrite par la salariée dans des termes très circonstanciés dans son courrier du 14 mai 2008 ; l'affirmation contenue dans la lettre de la S.N.C LIDL du 28 mai 2008 selon laquelle c'est l'intéressée qui aurait sollicité d'être licenciée n'est pas reprise dans ses écritures devant la cour et, en tout état de cause, avérée par aucun élément du dossier ; s'agissant de la lettre adressée à la salariée pendant son arrêt de travail, outre le caractère justifié des observations formulées, l'intimée soutient que, s'il a été choisi de formuler ce rappel à l'ordre à ce moment, c'est pour éviter toute prescription ; cependant, sur le terrain disciplinaire, la S.N.C LIDL ne souhaitant pas sanctionner ces faits, les règles relatives à la prescription étaient indifférentes, observation faite qu'un des manquements reprochés (positionnement de la société ALDI), révélé par un rapport du 27 septembre 2007, était prescrit de longue date ; en réalité les manquements reprochés à la salariée, relevaient de l'insuffisance professionnelle, que dans ce cadre la prescription n'est pas encourue, sauf pour la salarié à démontrer que l'insuffisance qui lui est reprochée n'existe plus ; en définitive, l'intimée ne démontre pas que les comportements fautifs qui sont établis à son encontre n'avaient pas pour objet de pousser la salariée à démissionner, sans égard aux effets éventuels de ces pressions sur la santé de la salariée ; il apparait au contraire, plutôt que d'engager une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle ou de proposer à la salariée une rupture amiable de son contrat de travail avant l'entrée en vigueur de la loi no 2008-596 du 25 juin 2008 ou dans le cadre d'une rupture conventionnelle après l'entrée en vigueur de celle-ci, l'employeur a préféré user de pressions illégitimes à l'égard de la salariée, dans l'espoir vraisemblablement de la voir démissionner ; de tels agissements compte tenu de leurs répercussions possibles sur la santé de la salariée sont caractéristiques d'un harcèlement moral, justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ; en conséquence, ainsi que le sollicite l'appelante, sa prise d'acte doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1) ALORS QUE le salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail en en imputant les torts à son employeur, doit prouver à la charge de ce dernier l'existence de manquements suffisamment graves ; que le salarié qui invoque l'existence d'un harcèlement moral doit établir la réalité de faits laissant présumer un tel harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme Y alléguait, au titre du harcèlement qu'elle prétendait avoir subi, le fait que son supérieur hiérarchique lui aurait proposé un scénario de rupture du contrat de travail, et que la salariée, pour justifier ce grief, se référait à un courrier qu'elle avait adressé le 14 mai 2008 au directeur régional et à la réponse de ce dernier le 28 mai 2008 ; qu'en affirmant que Mme Y établissait avoir subi des pressions pour obtenir son départ de l'entreprise, aux motifs inopérants que dans sa réponse du 28 mai 2008 le directeur régional ne contestait pas que M. ... eût proposé un scénario de rupture à la salariée, s'indignant seulement que l'appelante veuille faire supporter la responsabilité à son chef de la rupture de son contrat de travail, et qu'aucune preuve n'était rapportée d'une demande de licenciement de la salariée, quand c'était à cette dernière d'établir la réalité de la prétendue proposition de " licenciement arrangé " qu'elle alléguait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail, et 1134 et 1315 du code civil ;
2) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, dans sa réponse du 28 mai 2008, le directeur régional a énoncé que la salariée l'avait informé lors d'un entretien du 11 avril 2008 qu'elle s'interrogeait sur la poursuite de son projet professionnel au sein de la société Lidl, et l'avait informé lors d'une nouvelle entrevue le 2 mai de son souhait de ne pas poursuivre sa collaboration avec la société et d'être licencié, le directeur régional indiquant qu'il trouvait donc particulièrement malhonnête de la part de la salariée de tenter de faire porter la responsabilité de sa propre décision sur son responsable hiérarchique ; que ce faisant, le directeur régional a sans ambiguïté dénié que la société ait pris l'initiative de proposer à la salariée un " scénario de rupture " ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a dénaturé le courrier du directeur régional du 28 mai 2008, et ainsi violé le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause, ensemble l'article 1134 du code civil ;
3) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions respectives des parties exprimées dans leurs conclusions ; qu'en l'espèce, la société Lidl indiquait dans ses conclusions devant la cour d'appel que dans sa réponse du 28 mai 2008, M. ..., Directeur régional, rappelait à Mme Y, qui ne l'a pas contesté, que lors de leur entretien du 11 avril, elle s'interrogeait sur sa volonté de rester dans l'entreprise et que le 2 mai 2008 elle lui avait fait part de son souhait d'être licenciée, la société précisant explicitement que M. ... ajoutait " je vous trouve donc particulièrement malhonnête de tenter de faire porter la responsabilité de votre propre décision sur votre responsable hiérarchique " ; que la société ajoutait encore que ce courrier du 28 mai ne cherchait pas à légitimer un comportement fautif (lequel ?) de la part du responsable expansion ; que ce faisant, la société Lidl contestait nécessairement la prétendue proposition de " licenciement arrangé " alléguée par la salariée ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE la prise d'acte ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les faits invoqués présentent un degré de gravité suffisant ; que l'employeur contre lequel le salarié allègue un harcèlement, est en droit de rapporter la preuve que les agissements que lui reproche le salarié sont justifiés par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement ; que par voie de conséquence, des échanges épistolaires entre l'employeur et le salarié, à la suite de la contestation par ce dernier d'une sanction disciplinaire justifiée, ne peuvent pas caractériser un harcèlement moral, ni fonder la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'envoi d'un courrier, pendant un arrêt de travail, concernant des manquements professionnels analogues à ceux ayant motivé un avertissement disciplinaire dont la cour d'appel a constaté la justification, constituait un agissement de harcèlement moral et faisait produire à la prise d'acte de la rupture du contrat les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants, quand le courrier litigieux faisait suite à la contestation persistante de son avertissement par la salariée, et tendait à répondre à cette contestation en attirant son attention sur la réalité et la persistance de manquements professionnels auxquels elle devait remédier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
5) ALORS QUE l'envoi au salarié, durant un arrêt de travail, d'un courrier tendant objectivement à l'alerter de nouveau sur un certain nombre de manquements constatés et ayant précédemment donné lieu à un avertissement justifié, et à le rappeler à l'ordre sur la nécessité de se ressaisir dans l'exécution de sa mission, sans employer de termes dénigrants ni excessifs, et sans prononcer à ce stade de sanction à son encontre, ne saurait constituer un fait laissant présumer un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
6) ALORS QUE le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'un fait isolé ne saurait, par conséquent, caractériser le harcèlement moral ; qu'en se bornant, pour dire que la salariée aurait été victime de harcèlement moral et que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur était justifiée, à relever que la salariée s'était vu adresser une lettre de reproches professionnels pendant un arrêt de travail, et qu'un scénario de rupture de son contrat de travail lui avait été proposé, la cour d'appel a violé les articles L 1152-1 du code du travail et 1134 du code civil ;
7) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent statuer par des motifs hypothétiques ni dubitatifs ; qu'en l'espèce, en relevant, pour retenir l'existence d'un harcèlement moral justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, que la société avait préféré user de pressions à l'égard de la salariée, dans l'espoir vraisemblablement de la voir démissionner, la cour d'appel violé l'article 455 du code de procédure civile ;
8) ALORS QU'en considérant que l'employeur ne justifiait pas objectivement l'envoi à la salariée d'un courrier faisant état de divers reprochés alors qu'elle était en arrêt maladie, aux motifs inopérants qu'il ne souhaitait pas sanctionner les faits énoncés dans sa lettre du 15 juin 2008, qui relevaient essentiellement de l'insuffisance professionnelle, pour laquelle la prescription n'était pas encourue sauf pour le salarié à démontrer que l'insuffisance reprochée n'existe plus, sans nullement tenir compte du caractère justifié ou non des reproches en question, ni de ce que, même s'il entendait seulement rappeler à l'ordre la salariée, l'employeur pouvait par prudence le faire dans le délai de prescription, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail et 1134 du code civil.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mme Y.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y de sa demande d'annulation de l'avertissement du 9 avril 2008.
AUX MOTIFS QUE " Sur l'avertissement ; Attendu que la salariée a été sanctionnée par un avertissement pour deux motifs *les anomalies affectant un plan de faisabilité d'une implantation à Saint-Vallier (Saône-et-Loire) * un mauvais archivage (archivage en double, archivage d'un simple brouillon " ; attendu que, dans sa lettre de contestation de l'avertissement daté du 17 avril 2008, l'appelante ne nie pas les faits, imputant les anomalies affectant le plan à son manque de formation et contestant le fait que l'archivage en double de documents inutiles présente un quelconque inconvénient pour l'entreprise ; que, devant la cour, s'agissant de l'implantation du magasin de Saint-Vallier, elle fait valoir d'une part qu'une différence d'analyse de l'utilisation de la parcelle ne peut justifier une sanction ; qu'en tout état de cause, son responsable ne peut lui reprocher ses carences qui ne sont que la conséquence d'un défaut de formation dont il avait pourtant la charge ; attendu cependant que les reproches formulés ne correspondent pas au choix d'une solution parmi deux hypothèses envisageables mais des choix contraires à la réglementation (non-respect des documents d'urbanisme) ou au bon sens le plus courant (implantation du quai de livraison sur la rue principale devant desservir le commerce) ; que, lors de son entretien d'évaluation, fin septembre 2007, la salariée n'exprimait aucun besoin de formation complémentaire à celle précédemment reçue ; qu'elle ne peut donc reporter la responsabilité d'erreur, dont la matérialité n'est pas discutée, sur son supérieur hiérarchique ; attendu que les problèmes de classement sont certes plus véniels, quand bien même un classement rigoureux est de nature à améliorer l'efficience du salarié et de ses collègues, que l'appelante n'en conteste pas cependant la réalité ; que, dès lors, tous les faits sanctionnés étant établis, il ne saurait être soutenu que la sanction prononcée, la plus légère dans l'échelle, constitue une sanction disproportionnée ou abusive ; que l'appelante doit donc être déboutée de sa demande d'annulation de l'avertissement prononcé à son encontre. [...] Qu'en réalité, tous les manquements reprochés à la salariée, relevait de l'insuffisance professionnelle, que dans ce cadre la prescription n'est pas encourue, sauf pour le salarié à démontrer que l'insuffisance reprochée n'existe plus ; "
1. ALORS QUE l'insuffisance professionnelle ne constitue pas une faute, sauf abstention volontaire ou mauvaise foi délibérée du salarié ; qu'en disant justifié l'avertissement du 9 avril 2008 tout en relevant que tous les manquements reprochés à la salariée relevaient de l'insuffisance
professionnelle, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 1235-3 du Code du travail.