SOC. CF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 30 octobre 2013
Cassation
M. FROUIN, conseiller le plus ancien faisant fonction de
président
Arrêt no 1783 F-D
Pourvoi no J 12-17.582
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Patrick Z, domicilié Asnières-sur-Oise,
contre l'arrêt rendu le 22 février 2012 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige l'opposant à la société Peintures Funget, société par actions simplifiée, dont le siège est Méry-sur-Oise,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 1er octobre 2013, où étaient présents M. Frouin, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Terrier-Mareuil, conseiller, M. Lalande, avocat général, Mme Bringard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. Z, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Peintures Funget, l'avis de M. Lalande, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu les articles L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z a été engagé le 1er avril 2008 en qualité de responsable commercial par la société Peintures Funget qui l'a licencié pour faute grave par lettre du 30 octobre 2008 ; que contestant le bien-fondé de son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt retient que M. Z ne conteste pas que la note de frais concernant une fiche de restaurant de l'établissement " Le Rustique " d'un montant de 77,50 euros, datée du 29 septembre 2008, mentionnant de sa main avoir été présent en présence de quatre salariés de la société Sodipeint qui étaient ses invités, ne correspond pas à la réalité, s'étant fait remplacer, en raison de son indisponibilité, par un collaborateur, M. ..., alors en arrêt de travail, que si ce remplacement n'était pas de nature à faire courir un quelconque risque à l'employeur dès lors que M. ... bénéficiait de sorties libres, en revanche M. Z a trompé délibérément la confiance de son employeur en omettant sciemment de mentionner sur cette note de frais que ce n'était pas lui qui était présent à ce déjeuner et en l'ayant présentée comme payée directement par lui alors que c'était son collaborateur qui avait payé le restaurant, avant d'être remboursé par M. Z ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la note de frais établie par M. Z pour un déjeuner professionnel auquel il n'avait pas assisté était d'un montant modique, qu'il s'agissait d'un fait isolé et que l'intéressé avait remboursé au collaborateur, auquel il avait demandé de le remplacer pour participer au déjeuner par suite de son indisponibilité, le montant de la note de frais, dont M. Z avait ainsi supporté le paiement, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Peintures Funget aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Peintures Funget à payer à M. Z la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Z
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement de Monsieur Z reposait sur une faute grave et de l'avoir en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Z ne conteste pas que la note de frais contenant une fiche de restaurant d'un montant de 77,50 euros, datée du 29 septembre 2008 mentionnant de sa main y avoir été présent en compagnie de quatre collaborateurs de la société Sodipeint qui étaient ses invités, ne correspond pas à la réalité, s'étant fait remplacer, en raison de son impossibilité matérielle d'être présent, par un autre salarié de la société peinture Funget, Monsieur Thierry ..., ainsi qu'en a attesté ce dernier ; que si ce remplacement n'était pas de nature à faire courir un quelconque risque à la société dès lors que Monsieur ..., ainsi qu'il en est justifié par l'avis d'arrêt du travail produit, bénéficiait de sorties libres, en revanche, monsieur Z a délibérément trompé la confiance de son employeur en omettant sciemment de mentionner sur cette note de frais que ce n'était pas lui qui était présent à ce déjeuner et en l'ayant présentée comme payée directement par lui alors que les pièces bancaires fournies par monsieur ... attestent que c'est ce dernier qui a payé le restaurant, avant d'être remboursé ultérieurement par Monsieur Z ; que ce comportement constitue indubitablement une faute grave rendant impossible le maintien de Monsieur Z dans l'entreprise ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la faute grave est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en retenant qu'était constitutif d'une faute grave le comportement de Monsieur Z ayant consisté à se faire remplacer par un salarié de l'entreprise pour participer à un déjeuner d'affaire et à présenter une note de frais, tout en constatant qu'il avait bien supporté in fine le paiement de la note, que celle-ci s'élevait à un montant de 77,50 euros et que le salarié ayant assuré ce remplacement était certes en congé maladie, mais en " sortie libre ", la cour d'appel n'a pas caractérisé la gravité de la faute et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, reprochait à Monsieur Z d'avoir présenté une note de frais correspondant à un déjeuner auquel il n'avait pas participé, mais pour lequel il avait demandé à Monsieur ..., collaborateur de l'entreprise placé en congé maladie, de le remplacer, et d'avoir ainsi " fait courir à l'entreprise un risque considérable " ; que la cour d'appel, après avoir relevé que Monsieur ... bénéficiait de sorties libres a considéré que ce remplacement n'avait fait courir aucun risque à la société ; que la cour d'appel, bien qu'ayant constaté le défaut d'incidence du comportement de l'exposant sur l'entreprise, lorsque cette incidence faisait partie du motif du licenciement, a, en retenant que la faute était grave au point de rendre impossible son maintien dans l'entreprise, omis de tirer les conséquences de ses constatations, en violation des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
ET ALORS ENFIN QUE la fraude suppose l'intention ou au moins la conscience de nuire ; que la lettre de licenciement mentionnait que le comportement de Monsieur Z était " caractéristique d'une présentation frauduleuse de frais professionnels " ; que la cour d'appel a relevé que Monsieur Z s'était certes fait remplacer en raison de l'impossibilité matérielle dans laquelle il s'était trouvé d'être présent lors de ce déjeuner et qu'il avait omis sciemment de le mentionner sur la note de frais, mais aussi que si Monsieur ... avait payé la note, Monsieur Z l'avait remboursé ultérieurement, si bien qu'il avait supporté le paiement correspondant à la note de frais ; qu'en jugeant que le licenciement de Monsieur Z était justifié par la faute grave ayant motivé la rupture, sans relever l'intention ou la conscience qu'il aurait eue de nuire à l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.